129 resultados para Poésie postmoderne
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Cette recherche a pour objectif général de rendre compte de l’expérience de l’intimité, de la famille à l’amitié, tel qu’elle est quotidiennement vécue dans la vie de différentes personnes dans mon réseau personnel. Elle tient compte du contexte postmoderne du vécu de l’intimité, caractérisé par des relations plus flexibles et une multiplication des modèles (Allan, 2008 ; Stacey, 1991). J’y problématise l’intimité sous l’angle des tensions qui émergent dans notre expérience quotidienne par rapport aux normes et aux idéaux d’intimité. M’inspirant de la pensée queer, j’aborde l’intimité d’un point de vue critique, à partir de plusieurs auteures (notamment Berlant, 2000 et Butler, 2002) qui remettent en question les normes d’une intimité durable, associée notamment à l’amour familial et un idéal communicationnel de dévoilement de soi. L’expérience personnelle constitue alors un lieu où des tensions s’expriment et peuvent être saisies, un lieu qui est un point de départ pour développer une critique nuancée. L’ethnographie que j’ai réalisée auprès de gens dans la vingtaine et la trentaine a mobilisé un ensemble de méthodes : observation, réflexivité, entrevues individuelles et de groupes avec treize personnes, méthodes visuelles (création de schémas et de dessins). Ancrée en communication, elle constitue une recherche transdisciplinaire qui mobilise notamment des études sociologiques et des textes critiques. Elle propose un portrait de l’intimité spécifique au Québec et à mon réseau personnel, constitué de petits groupes et de relations dyadiques. Ce réseau est majoritairement composé de jeunes adultes ouverts à certaines intimités non traditionnelles (comme les couples de même sexe) et vivant dans la région métropolitaine de Montréal. Mes analyses explorent d’abord les formes d’intimité caractérisant mon réseau, tant conventionnelles, comme le couple et la famille, que moins conventionnelles, comme le célibat. Ainsi, je me penche sur certaines normes d’intimité, comme celle du couple, en analysant comment elles s’accomplissent, produisent du sens et ont des effets inégaux sur différents sujets. Mes analyses lient des idéaux à des pratiques concrètes et matérielles, notamment l’investissement de l’intimité dans la maison et la propriété privée. Je me tourne également vers certaines formes d’intimité moins souvent abordées, principalement les petits groupes d’amis. J’aborde la communication de manière à décentrer le dévoilement de soi entre deux personnes, souvent perçu comme élément central à l’intimité (Jamieson, 1998), et à prendre en compte les dynamiques de groupe et leurs effets de pouvoir. Ciblant l’idéal de dévoilement, j’analyse en quoi il s’articule à des normes (de couple, familiales, des groupes d’amis) et côtoie différentes autres pratiques communicationnelles comme celles impliquant les médias mobiles et numériques. En guise de discussion finale, je reviens sur les grandes lignes du projet et je développe une réflexion sur les défis posés par la combinaison d’approches critiques et ethnographiques. En somme, la contribution de ma recherche consiste à analyser le vécu de l’intimité en regard de concepts issus d’études culturelles et critiques.
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Ce mémoire propose une étude du dernier recueil du poète québécois Paul-Marie Lapointe, intitulé Espèces fragiles, en y détaillant la présence d’un intertexte scientifique et en dégageant les effets de sens liés à la juxtaposition de postures intertextuelles variées. Nous suggérons que l’idée d’une intertextualité dite « externe » jumelée à la notion de la « référencialité » peut aider à comprendre les enjeux d’une intertextualité scientifique en poésie. En regard de la place du sujet et de l’objet dans la poésie de Lapointe, nous montrons que la présence d’un intertexte littéraire est directement liée à l’élaboration de l’intertexte archéologique dans Espèces fragiles. Finalement, nous proposons que les effets de lecture issus des tonalités plurielles du recueil accentuent la critique des logiques économiques contemporaines présentée par Lapointe. Le détournement de l’intertexte scientifique fait ainsi valoir la nécessité d’une mémoire culturelle forte, marquée par la résurgence constante du passé dans un présent en devenir.
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Les textes des jeunes intellectuels de Parti pris, élaborés autour de l'agonistique et du polémique, théâtre de violence et de luttes entre classes et entre valeurs à l'intérieur du champ social, représentent un cas singulier de la parole pamphlétaire québécoise circonscrite au contexte des années 1960. La présente étude veut questionner la fortune critique des textes pamphlétaires de Parti pris au Québec en mettant au jour les stratégies d'ordre rhétorique et discursif qu'ils recèlent. La visée politique révolutionnaire mise de l'avant par la revue est certainement celle qui a réussi le mieux à regrouper ses membres autour de l'identité québécoise (politique, économique, littéraire, artistique et culturelle). Parmi eux, Paul Chamberland, dont les textes varient de l'éditorial à la poésie, et Pierre Vallières avec son essai autobiographique Nègres blancs d'Amérique, sont peut-être les plus représentatifs de leur époque et des enjeux autour desquels gravitait la génération Parti pris. En faisant appel aux théories sur la parole polémique, à la rhétorique et à la pragmatique, notre recherche vise à éclairer l'articulation de la pensée de Chamberland et de Vallières, de même que la valeur littéraire de leurs oeuvres, voire leurs particularités stylistiques. En plus de dégager un aperçu des principales problématiques abordées par les animateurs de Parti pris, ce mémoire interroge l'intentionnalité qui se profile derrière le discours qui circulait dans la revue et au sein de la génération qui s'en réclamait.
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Les archives sont aujourd’hui utilisées et envisagées hors de leur lieu traditionnel qu’est le service d’archives et souvent même hors de l’action des archivistes. Cette thèse de doctorat propose un renversement dialectique benjaminien dans la conception de l’archivistique dont le point central devient l’utilisation des archives définitives plutôt que la production des documents. Les premiers chapitres retracent les différentes compréhensions des archives depuis la création des institutions nationales au 19e siècle jusqu’au renouvellement opéré par certains archivistes se réclamant de la postmodernité à la fin du 20e siècle. Cette histoire des archives et de l’archivistique montre que les archives définitives sont caractérisées au regard du rapport au passé qu’elles permettent et que les archivistes pensent leur objet depuis la question historiographique de l’écriture de l’histoire. Ainsi, deux conceptions générales des archives coexistent aujourd’hui et apparaissent comme essentiellement contradictoires en ce que l’une (traditionnelle) est centrée sur le créateur des documents et le passé compris comme l’ensemble des actes posés par le créateur, tandis que l’autre (postmoderne) se fonde sur les fonctions sociales des archives et sur le rôle de l’archiviste. L’élément commun à ces deux visions est l’absence de prise en charge théorique des utilisateurs et de l’exploitation des documents. Or, en suivant les traces et la pensée de Walter Benjamin, nous proposons de penser la double nature des archives comme documents et comme témoignage tout en articulant cette pensée à l’archive comme modalité d’inscription de soi dans le temps. Il en ressort que les archives peuvent être considérées comme une objectivation du passé relevant d’une temporalité chronologique au cœur de laquelle réside, à l’état latent, l’archive potentiellement libératrice. L’exploitation artistique des archives, telle qu’elle est présentée dans le cinquième chapitre, montre comment la notion d’archives explose. En outre, l’observation de ce type particulier d’exploitation permet de mettre au jour le fait que les archives sont toujours inscrites dans des conditions d’utilisation (contexte, matérialité, dispositif, rapport au public) qui sont autant de conditions d’existence de l’archive. Parmi les questions abordées par les artistes celles de la mémoire, de l’authenticité, des archives comme moyen d’appropriation du monde et comme objet poétique sont alors autant de points d’entrée possibles pour revisiter l’archivistique. Le dernier chapitre synthétise l’ensemble des renouvellements proposés au fil de la thèse de manière implicite ou explicite. Nous y envisageons une temporalité non chronologique où les archives sont un objet du passé qui, saisi par un présent dialectique singulier, sont tournées à la fois vers le passé et vers l’avenir. De nouvelles perspectives sont ouvertes pour l’archivistique à partir des caractéristiques assignées aux archives par les artistes. Finalement, c’est le cycle de vie des archives qui peut être revu en y incluant l’exploitation comme dimension essentielle.
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Cette thèse prend pour objet le nouage entre l’autoréflexivité et la mise en forme esthétique dans la poésie de Christophe Tarkos, produite dans les années 1990. Elle met en lumière les rapports entre l’élaboration d’une théorie du langage au sein de cette œuvre poétique et ses visées esthétiques totalisantes. Il s’agit d’identifier les principes générateurs de la théorie et de fournir une analyse de ses fondements qui s’ancrent dans la crise de la représentation moderne commençant dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Les motifs de la crise revisités par Tarkos inscrivent sa poésie dans une historicité, et notre thèse tente d’interpréter cette actualisation dans une œuvre qui donne forme au monde et à la mémoire individuelle. L’hypothèse qui chapeaute notre étude est que la théorie du langage favorise l’intelligibilité de l’œuvre totalisante en lui offrant un support réflexif. Notre thèse, qui privilégie une méthode fondée sur l’analyse des textes, se divise en trois parties. La première propose une recension de la réception critique de l’œuvre, dont nous retraçons les grandes lignes d’interprétation, de Christian Prigent à Jean-Michel Espitallier. Tout en plaçant Tarkos dans le champ poétique français, cette étape nous permet de positionner notre recherche par rapport à certains lieux communs de la critique. La deuxième partie vise à étudier la théorie du langage de Tarkos à partir de ses manifestes principaux (Le Signe =, Manifeste chou, Ma langue est poétique et La poésie est une intelligence) qui révèlent plusieurs principes, pouvoirs et limites de la langue et de la poésie. Afin de montrer la spécificité du concept de la « pâte-mot » de Tarkos, nous l’étudions dans un dialogue avec la figure de la « pâte » langagière chez la poète française Danielle Collobert. La troisième partie propose une étude de la volonté et de l’esthétique totalisantes dans l’œuvre de Tarkos, qui cherche à donner forme au réel. En effet, la poésie répond à l’excès du réel par diverses stratégies. Tout en voulant représenter son caractère débordant par une énonciation logorrhéique ou en usant de procédés comme celui de la répétition, elle cherche à le maîtriser dans des formes textuelles stables comme des fragments de prose « carrés » (Carrés, Caisses), dans des listes énumératives (Anachronisme) ou dans des réseaux d’images. La volonté totalisante chez Tarkos semble également prendre origine dans un sentiment d’urgence qui concerne, en dernière instance, une bataille contre la finitude.
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La nature iconoclaste de l'ère postmoderne se manifeste dans une révolution contre les normes littéraires préétablies. Cet iconoclasme est plus flagrant dans la fantaisie urbaine. Dans un environnement désordonné, fragmenté et très stéréotypé, la fantaisie urbaine est considérée comme un événement qui défie tout jugement, et toute stratification sociale. Bien qu'elle ait été bien accueillie par les lecteurs et qu'elle a obtenue de fortes ventes, c'est seulement depuis deux décennies que ces genres ont commencé à attirer l'attention académique. Ce travail peut être considéré comme une tentative pour comprendre la fantaisie urbaine à travers la série d'une de ses écrivains les plus éminents, Laurell K. Hamilton. En conséquence, j’ai choisi trois romans de sa série Anita Blake: Guilty Pleasures (1993), Circus of the Damned (1995) et Blue Moon (1998). Les paramètres stylistiques et thématiques dans ses romans créent une philosophie postmoderne de subversion, qui valide et invalide les discussions sur la structure du signe, la violence, et la réaction du lecteur. Le premier chapitre étudie la construction du sens à travers la structure de la langue de la fantaisie urbaine. Il traite la signification que le résultat de l'interaction entre les différents signes linguistiques. Il suit également l'évolution de ce que Derrida appelle «inflated signs», qui sont au coeur de la régénération du sens à travers les romans. La saturation dans ces signes implique une «absence» qui s'affiche à travers la désintégration du système de la langue et les ruptures récurrentes de sa structure globale. Le deuxième chapitre se concentre sur les tendances de la violence dans les romans de la fantaisie urbaine qui rendent les jeux de pouvoir des personnages truculents et leurs réactions apparaissent inadmissibles. Il examine la violence par rapport à ses causes et sa ii logique. Grâce aux concepts de Derrida de l’‘arché-violence’, de ‘décision’ et de ‘sacrifice,’ je démontre que la violence est inévitable dans le monde créé de Hamilton et dans le monde qu'elle simule. Le troisième chapitre examine la réaction du lecteur sur les événements exotiques et la caractérisation paranormale des romans de Hamilton. Il révèle comment la fantaisie urbaine conteste la conception de Wolfgang Iser de réaction du lecteur et le concept d'‘apparence’ de Jean Baudrillard. J’insiste sur le fait que les lecteurs de la fantaisie urbaine ne sont plus des interprètes ou des réceptifs passifs d'images paranormaux. En effet, l'interaction entre l’auteur et le lecteur, que ces romans entrainent, défie ces conceptions réductrices de la réaction du lecteur.
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Ce mémoire s’intéresse aux transformations littéraires et poétiques mises en œuvre par le mouvement de la Beat Generation au milieu du vingtième siècle en Amérique du Nord. En me penchant sur le recueil de poésie « Howl and Other Poems » du poète Allen Ginsberg, le texte emblématique de cette révolution littéraire, je montre comment le mouvement des Beats représente une transformation dans la tradition littéraire et poétique américaine, occidentale, en ce qui concerne à la fois la forme, les sujets abordés et la pratique d’écriture. Dans un premier temps, j’étudie l’histoire de ces changements en examinant la réception de « Howl », qui a bouleversé les attentes du milieu littéraire de l’époque à cause de son approche inclusive qui accueille tout dans la représentation. Mon deuxième chapitre se penche sur la vision du poète, la vision poétique. Je montre comment la perspective du poète face au monde change chez Ginsberg et les Beats. Au lieu de concevoir la transcendance, l’universel, comme quelque chose d’éloigné du particulier, comme le véhicule la tradition poétique occidentale, les Beats voient l’universel partout, dans tout. Enfin, je m’intéresse à la place du langage dans l’expression de cette nouvelle vision. J’observe comment Ginsberg et les Beats, en s’inspirant de la poésie de Walt Whitman, développent un langage spontané ne relevant plus de la maîtrise de soi.
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La recherche, construction et révision de l’identité nationale ont très longtemps constitué les éléments propulseurs de la production littéraire et intellectuelle de Porto Rico. Pourtant vers le milieu des années 90, un nouveau consensus émerge entre les écrivains qui revendiquent massivement la fin de la littérature en tant que lieu d’où forger la conscience nationale et refuse le leadership intellectuel qui avait jusqu’alors définit le travail littéraire. Les auteurs qui commencent à se manifester à ce moment se désintéressent du nationalisme comme thème littéraire. Le militantisme politique et la volonté de confrontation, modes représentationnels caractéristiques de la génération antérieure, disparaissent pour laisser place à une écriture exploratoire, centrée sur ses propres procédés, et apparemment apolitique. Une telle perte d’ancrages nationaux et territoriaux est significative de la conscience exacerbée que possèdent ces écrivains de la complexité des dynamiques culturelles qui régissent le monde postmoderne et globalisé, ainsi que de la « valeur » et de la position « marginale » qu’on leur attribue dans l’écologie mass-médiatique culturelle actuelle. La production narrative de Mayra Santos-Febres est paradigmatique de ces changements. J’aborde dans son écriture une série de dispositifs métalittéraires, autoréflexifs, « érographiques », et historiographiques qui, bien qu’ils résistent à une catégorisation homogène, démontrent un même intérêt pour des phénomènes interstitiels. En me basant sur les concepts de liminalité, principalement depuis la perspective de Victor Turner et d’écriture auto-réflexive (Patricia Waugh, Linda Hutcheon), j’analyse le positionnement liminal qu’assume Santos-Febres dans la structure culturelle globalisée actuelle, et la façon dont sa prise de position, également liminale, c’est-à-dire, sa prise de parole et son engagement se traduisent par un rapprochement narcissique à l’exercice littéraire autant dans les formes qu’elle crée qu’au niveau sémantique, narratif et discursif. Le premier chapitre analyse les contes « Dilcia M. » et « Acto de Fe » (Pez de vidrio) comme témoignages de l’érosion du patriotisme et militantisme antérieur; « La escritora» (Pez de vidrio) qui marque pour l’auteure un passage vers une esthétique centrée sus ses propres procédés créatifs; et le roman Cualquier miércoles soy tuya qui dramatise le positionnement assumé par les écrivains dans la chaine culturelle globalisée actuelle. Le second chapitre aborde la configuration des corps, espaces urbains et de l’écriture dans El cuerpo correcto qui, à travers une exubérance sexuelle/textuelle, projette des variantes réactualisées de la traditionnelle dichotomie corps/écriture. Le troisième chapitre se penche sur la configuration du travesti dans Sirena Selena vestida de pena. J’y propose de voir le travestisme, le boléro et l’écriture comme un triple exercice métalittéraire. Le dernier chapitre aborde le procédé de re-signification littéraire des images sédimentées de subordination et d’infériorité de sujet « noir ». Nuestra Señora de la Noche se penche sur la re-signification de l’hyper-sexualisation et « exotisation » qui a cimenté la construction de « l’immoralité » de la femme noire. Fe en disfraz aborde le sadomasochisme comme espace de re-signification des schèmes de domination et soumission inscrits dans l’histoire esclavagiste de Porto Rico et du trauma qui origine, et subsiste, d’une telle hiérarchie.
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Si la littérature est rarement considérée comme une science, comme vraie, comme créatrice d’un savoir, toujours un peu à l’écart, avec ses fictions, et ce malgré un médium, le langage, commun à la philosophie et dont la qualité discursive correspond au mode d’expression de la pensée, malgré sa place acquise parmi les disciplines académiques, c’est parce que nous refusons de voir quel rôle vital joue l’affect dans la naissance et l’élaboration de la pensée. Le rejet de l’affect par la science est lui-même le produit de plusieurs affects — peur, orgueil — à partir desquels nous créons le concept de « pensée » qui nous convient le mieux, qui nous rassure le plus : rationalité, linéarité, objectivité. En réalité, cette dernière est chaotique et subjective et c’est seulement à travers son expression dans le langage qu’elle s’ordonne et acquiert une apparence d’objectivité. Mais le langage est lui-même le produit d’affects : nulle vérité infaillible ne sous-tend l’élaboration de nos langues, de leurs règles grammaticales et des sens de leurs mots. Ainsi la littérature, malgré (ou à cause de) la fiction, les fables, les inventions, parce qu’elle est création langagière, parce qu’elle remet toujours en question le langage est, en réalité, plus lucide que la raison. De plus, toujours aux prises avec l’image, elle connaît, d’une certaine façon, l’affect. Elle tente de le représenter, afin de frapper et d’ébranler la conscience du lecteur. C’est à travers elle que j’ai voulu élaborer non pas un savoir rationnel, mais un savoir sur l’affect, un savoir affectif. Pensée critique et affect sont en effet deux composantes essentielles de la création littéraire, ce qui apparaît particulièrement dans l’œuvre d’Ingeborg Bachmann, qui compte à la fois une thèse en philosophie sur Heidegger, des recueils de poésie, de nouvelles, des essais et un cycle romanesque inachevé, Todesarten. Je me suis penchée plus précisément sur certaines de ses nouvelles ainsi que sur son seul roman achevé, Malina, afin d’y étudier la représentation de l’affect chez certains personnages féminins qui, pour éviter de trop souffrir, construisent autour d’elles un mur de mensonges. J’ai également porté une grande attention aux théories de Bachmann sur la littérature, qu’elle énonce dans ses Leçons de Francfort, ce qui m’a permis, en considérant en même temps ses œuvres de fiction de même que celles de quelques autres écrivains, d’expliquer (de façon non exhaustive) certains rôles de l’affect à la fois chez l’écrivain et chez le lecteur.
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L’archive erronée dans l’œuvre d’Anne Carson enquête sur les effets que peuvent entraîner l’archive classique sur la poésie d’Anne Carson et révèle que le travail de cette dernière est issu de l’espace situé entre la critique et la créativité, ce qui génère ce qu’on appellera une « poétique de l’erreur ». La poésie de Carson se démarque par sa prédilection pour les accidents, les imperfections et les impondérables de la transmission. La présente dissertation émerge des attitudes critiques ambivalentes face à la dualité de l’identité de Carson, autant poète qu’universitaire, et leur offrira une réponse. Alors que l’objectif traditionnel du philologue classique est de reconstruire le sens du texte « original », l’approche poétique de Carson sape en douce les prétentions universitaires d’exactitude, de précision et de totalisation. La rencontre de Carson avec l’archive classique embrasse plutôt les bourdes, les mauvaises lectures et les erreurs de traduction inhérentes à la transmission et à la réception de traductions classiques. La poésie de Carson est ludique, sexuée et politique. Sa manière de jouer avec l’épave du passé classique torpille la patri-archive, telle que critiquée par Derrida dans Mal d’Archive ; c’est-à-dire cette archive considérée comme un point d’origine stable grâce auquel s’orienter. De plus, en remettant en question la notion de l’archive classique en tant qu’origine de la civilisation occidentale, Carson offre simultanément une critique de l’humanisme, en particulier au plan de la stabilité, du caractère mesurable et de l’autonomie de « l’homme ». L’archive, pour Carson, est ouverte, en cours et incomplète ; les manques linguistiques, chronologiques et affectifs de l’archive classique représentent ainsi des sources d’inspiration poétique. La présente dissertation étudie quatre dimensions de l’archive classique : la critique, la saphique, l’élégiaque et l’érotique. Grâce à ces coordonnées, on y établit le statut fragmentaire et fissuré du passé classique, tel que conçu par Carson. Si le fondement classique sur lequel la culture occidentale a été conçue est fissuré, qu’en est-il de la stabilité, des frontières et des catégories que sont le genre, la langue et le texte ? L’ouverture de l’archive critique de manière implicite les désirs de totalité associés au corps du texte, à la narration, à la traduction et à l’érotisme. En offrant une recension exhaustive de sa poétique, L’archive erronée dans l’œuvre d’Anne Carson tente d’analyser l’accueil hostile qu’elle a subi, contribue à renforcer la documentation sans cesse croissante dont elle fait l’objet et anticipe sa transmutation actuelle de médium et de genre, sa migration de la page à la scène.
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Notre mémoire cherche à étudier la poétique de l’espace qui articule le roman Nadie me verá llorar publié en 1999 par l’écrivaine mexicaine contemporaine Cristina Rivera Garza. En inscrivant sa démarche romanesque dans la perspective postmoderne d’une nouvelle histoire culturelle, Rivera Garza dépeint un moment fondamental de l’histoire du Mexique allant de la fin du Porfiriato jusqu’aux lendemains de la Révolution mexicaine en l’incarnant dans le destin des laissés pour compte. Ce faisant, elle présente un texte où une multitude de récits se fondent et se confondent en un tout complexe où sont mis en perspective une série d’espaces de nature ambigüe. Notre analyse tâche d’expliquer cette interrelation des chronotopes de l’Histoire et du privé en tenant compte de son impact sur la structure narrative. En décrivant les différentes modalités des espaces évoqués dans l’oeuvre, nous nous intéressons au type de relations qui unit l’ensemble de ces espaces au grand temps de l’Histoire officielle mexicaine en démontrant que tous ces éléments sont régis par une politique hétérotopique qui lézarde le fini du discours officiel en y insérant un ensemble d’éléments qui le subvertissent. L’identification et la description de cette stratégie discursive est pertinente dans la mesure où elle offre un éclairage autre sur le roman et semble caractériser l’ensemble des oeuvres de Cristina Rivera Garza.
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This dissertation examines gendered fictional dialogue in popular works by D.H. Lawrence, Ernest Hemingway and E.M. Forster, including Howards End (1910), The Sun Also Rises (1926) and Lady Chatterley’s Lover (1928). I apply Judith Halberstam’s notion of female masculinity to direct speech, to explore how speech traits inform modernist literary aesthetics. My introduction frames this discussion in sociolinguistics, Judith Butler’s theory of performativity, M.M. Bakhtin’s discourse theory, and gender studies. It provides an opportunity to establish experimental dialogue techniques, and the manipulation of gendered talk, in transgressive texts including James Joyce’s Ulysses (1922), Virginia Woolf’s Orlando (1928) and Radcyffe Hall’s The Well of Loneliness (1928). The first chapter discusses taboos and dialect in D.H. Lawrence’s fictional dialogue. The second chapter establishes gender subversion as a crucial element in Ernest Hemingway’s dialogue style. The third chapter contrasts Forster’s latently gendered speech with his techniques of dialect emphasis and dialect suppression. Finally, my conclusion discusses gender identity in the poetry of Dorothy Parker and Baroness Elsa von Freytag Loringhoven, and the temporality of gender in “Time Passes” from Virginia Woolf’s To the Lighthouse (1927). New Woman characters like Lady Brett Ashley typified a crucial moment in women’s liberation. They not only subverted stereotypes of womanhood through their dress or sexual freedom, they also adopted/adapted masculine idiom to shock, to rebel against and challenge male dominance. Different speech acts incited fashionable slang, became a political protest symbol or inspired psychoanalytic theory. The intriguing functions of women’s masculine speech in early twentieth century fiction establishes the need to examine additional connections between gender and talk in literary studies.
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Voici comment moi, Olivier Bauer (théologien : 1964-), j'ai pris, compris, certainement parfois mépris, enfin repris ce livre, à moi, avec moi, pour moi. Le voici écrit dans un ton, sur un rythme que j’ai voulu laisser proche ou, plutôt, cherché à rendre proche de l’écriture de Ouellet. Pour mieux rendre compte de la manière dont il énonce sa pensée, finalement pour mieux lui rendre justice. À la poésie du philosophe, il m’a semblé que devait correspondre (et répondre) celle du théologien.
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Faisant confiance à leur intuition les urbanistes s’inscrivent souvent dans un flou théorique qui les rend susceptibles de succomber à l’idéologie dominante et aux modes du moment. La première partie de ce mémoire vise à démontrer que cette posture par rapport à la théorie entraine un manque de réflexivité qui constitue un obstacle majeur à l’exercice d’une pratique urbanistique véritablement professionnelle, éthique et respectueuse du territoire. En effet, selon Bourdieu, un corpus théorique autonome permettrait d’offrir à l’urbaniste un cadre de réflexivité lui permettant de prendre du recul sur le quotidien et d’échapper à l’influence indue de l’idéologie sur sa pratique. Ce mémoire vise à comprendre la configuration actuelle du champ des théories de l’urbanisme en Occident (compris selon la théorie des champs de Bourdieu) et à proposer un modèle synthèse spécifiquement destiné à servir d’outil de réflexivité à l’urbaniste. Pour y parvenir, il a été privilégié de faire une relecture herméneutique de modèles théoriques existants, mais considérés comme incomplets, des théories de l’urbanisme. Dans ce domaine, deux Écoles de pensée ont été définies (École française et École anglo-saxonne). Ensuite, une typologie emblématique de chaque École a été choisie pour être revue à la lumière de l’objectif fixé. Ainsi, les typologies de Françoise Choay (École française) et de Philip Allmendinger (École anglo-saxonne) ont été analysées et mises en commun au moyen de la construction d’une historiographie commune des théories de l’urbanisme. Finalement, un modèle théorique original (la typologie intégrée) a été formulé. Celui-ci définit quatre grands courants théoriques : le rationalisme instrumental, le rationalisme intersubjectif, le mouvement pragmatico-postmoderne et le mouvement patrimonial. Il apparaît alors que le rationalisme occupe une position hégémonique dans le champ des théories de l’urbanisme depuis sa fondation et qu’elle est assumée par le rationalisme intersubjectif depuis le milieu des années 1990.
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Alice au pays des merveilles et Nietzsche n'ont en commun ni la dentelle ni la chanson. Quelque chose de beaucoup plus fort les unit toutefois; nous le découvrirons peut-être ce jour où voleront les cochons. Ou à la fin de cette pièce, selon le bon vouloir des principaux-ales intéressé-e-s. Pendant ce temps, du fin fond de leur enclos, ils et elles n'en peuvent plus d'attendre. Leur salut ? L'heure du glas ? Leur heure de gloire ? Grands incapables, pugilistes décadents qui se tuent à ne pas se tuer, se déchaînent dans le verbiage, s'érigeant malgré eux contre toute forme de verve. Combattre cet Autre qui s'immisce insidieusement en soi et qui conduit à la perte du moi. C'est dans une folle lucidité que les égos se dérangent sans échanger, s'attaquent sans s'atteindre, hurlent sans être entendus, dans l'espoir, peut-être, de se réveiller in the land of Nod. Comme l’indique le titre, Chroniques de maux (de l’extrême ordinaire) met en scène une suite de chroniques dans lesquelles les principaux-ales intéressé-e-s témoignent de leur mal-être, et ce, à travers l’exploration de lieux communs. La dramaturgie tente, entre autres, de mettre en place une poésie de l’invective et de l’humour; une esthétique du trash-talking et de la logorrhée. Une importance particulière est accordée au rythme et au langage. L’atmosphère alterne résolument lourdeur et ludisme. La pièce Rouge Gueule, d'Étienne Lepage, présente une mécanique visant manifestement à « attaquer » l'Autre, qu’il s’agisse d’un personnage ou du lecteur-spectateur. Les attaques se perpètrent d'une part par un humour cru, influencé par la culture populaire, le trivial; un humour qui fonctionne de manière plutôt classique en convoquant des procédés aisément repérables et sans cesse réutilisés par l'auteur. D’autre part, la mécanique de « combat » se manifeste par l'invective, ainsi que par une violence caractérisée, du début à la fin, par un manque dans la motivation des actions. Ainsi, l’étude Attaques à vide. Bousculer la situation théâtrale au confluent de l’humour et la violence s’intéresse à Rouge Gueule, aux relations qu'entretiennent l’humour et l'univers brutal de la pièce, dans la perspective où l’humour est inextricablement lié à la violence. Une attention particulière est portée sur le personnage type de Lepage de même que sur l’esthétique de « l'arsenal » trash. Cette dernière est analysée afin de mieux circonscrire les attaques : sont-elles des moyens, et le cas échéant, pour parvenir à quelle fin puisque la fable, et donc la « quête », dans le théâtre contemporain est souvent remise en question. Cette étude verra comment les attaques « à vide », sont, chez Lepage, la force motrice de ce que Hans-Thies Lehmann nomme la « situation théâtrale ».