2 resultados para Lawfulness
em Université de Montréal, Canada
Resumo:
Comment pouvons-nous représenter un principe moral universel de manière à le rendre applicable à des cas concrets ? Ce problème revêt une forme aiguë dans la philosophie morale d’Emmanuel Kant (1724-1804), tout particulièrement dans sa théorie du jugement moral, car il soutient que l’on doit appliquer la loi morale « suprasensible » à des actions dans le monde sensible afin de déterminer celles-ci comme moralement bonnes ou mauvaises. Kant aborde ce problème dans un chapitre de la Critique de la raison pratique (1788) intitulé « De la typique de la faculté de juger pratique pure » (KpV 5: 67-71). La première partie de la thèse vise à fournir un commentaire compréhensif et détaillé de ce texte important, mais trop peu étudié. Étant donné que la loi morale, en tant qu’Idée suprasensible de la raison, ne peut pas être appliquée directement à des actions dans l’intuition sensible, Kant a recours à une forme particulière de représentation indirecte et symbolique. Sa solution inédite consiste à fournir la faculté de juger avec un « type [Typus] », ou analogue formel, de la loi morale. Ce type est la loi de la causalité naturelle : en tant que loi, il sert d’étalon formel pour tester l’universalisabilité des maximes ; et, en tant que loi de la nature, il peut aussi s’appliquer à toute action dans l’expérience sensible. Dès lors, le jugement moral s’effectue par le biais d’une expérience de pensée dans laquelle on se demande si l’on peut vouloir que sa maxime devienne une loi universelle d’une nature contrefactuelle dont on ferait soi-même partie. Cette expérience de pensée fonctionne comme une « épreuve [Probe] » de la forme des maximes et, par ce moyen, du statut moral des actions. Kant soutient que tout un chacun, même « l’entendement le plus commun », emploie cette procédure pour l’appréciation morale. De plus, la typique prémunit contre deux menaces à l’éthique rationaliste de Kant, à savoir l’empirisme (c’est-à-dire le conséquentialisme) et le mysticisme. La seconde partie de la thèse se penche sur l’indication de Kant que la typique « ne sert que comme un symbole ». Un bon nombre de commentateurs ont voulu assimiler la typique à la notion d’« hypotypose symbolique » présentée dans le § 59 de la Critique de la faculté de juger (1790). La typique serait un processus de symbolisation esthétique consistant à présenter, de façon indirecte, la représentation abstraite de la loi morale sous la forme d’un symbole concret et intuitif. Dans un premier chapitre, cette interprétation est présentée et soumise à un examen critique qui cherche à montrer qu’elle est erronée et peu judicieuse. Dans le second chapitre, nous poursuivons une voie d’interprétation jusqu’ici ignorée, montrant que la typique a de plus grandes continuités avec la notion d’« anthropomorphisme symbolique », une procédure strictement analogique introduite auparavant dans les Prolégomènes (1783). Nous en concluons, d’une part, que la typique fut un moment décisif dans l’évolution de la théorie kantienne de la représentation symbolique et que, d’autre part, elle marque la réalisation, chez Kant, d’une conception proprement critique de la nature et de la morale comme deux sphères distinctes, dont la médiation s’opère par le biais des concepts de loi et de conformité à la loi (Gesetzmässigkeit). En un mot, la typique s’avère l’instrument par excellence du « rationalisme de la faculté de juger ».
Resumo:
Les cas d’entreprises touchées par des scandales financiers, environnementaux ou concernant des conditions de travail abusives imposées à leur main-d’œuvre, n’ont cessé de jalonner l’actualité ces vingt dernières années. La multiplication des comportements à l’origine de ces scandales s’explique par l’environnement moins contraignant, que leur ont offert les politiques de privatisation, dérégulation et libéralisation, amorcées à partir des années 1980. Le développement de la notion de responsabilité sociale des entreprises à partir des années 1980, en réaction à ces excès, incarne l'idée que si une entreprise doit certes faire des profits et les pérenniser elle se doit de les réaliser en favorisant les comportements responsables, éthiques et transparents avec toutes ses parties prenantes. Nous analysons dans cette thèse le processus par lequel, face à des dysfonctionnements et abus, touchant les conditions de travail de leur main d’œuvre ou leur gouvernance, des entreprises peuvent être amenées, ou non, à questionner et modifier leurs pratiques. Nous avons axé notre étude de cas sur deux entreprises aux trajectoires diamétralement opposées. La première entreprise, issue du secteur de la fabrication de vêtements et dont la crise concernait des atteintes aux droits des travailleurs, a surmonté la crise en réformant son modèle de production. La seconde entreprise, située dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, a fait face à une crise liée à sa gouvernance d’entreprise, multiplié les dysfonctionnements pendant dix années de crises et finalement déclaré faillite en janvier 2009. Les évolutions théoriques du courant néo-institutionnel ces dernières années, permettent d’éclairer le processus par lequel de nouvelles normes émergent et se diffusent, en soulignant le rôle de différents acteurs, qui pour les uns, définissent de nouvelles normes et pour d’autres se mobilisent en vue de les diffuser. Afin d’augmenter leur efficacité à l’échelle mondiale, il apparaît que ces acteurs agissent le plus souvent en réseaux, parfois concurrents. L’étude du cas de cette compagnie du secteur de la confection de vêtement nous a permis d’aborder le domaine lié aux conditions de travail de travailleurs œuvrant au sein de chaînes de production délocalisées dans des pays aux lois sociales absentes ou inefficaces. Nous avons analysé le cheminement par lequel cette entreprise fut amenée à considérer, avec plus de rigueur, la dimension éthique dans sa chaîne de production. L’entreprise, en passant par différentes étapes prenant la forme d’un processus d’apprentissage organisationnel, a réussi à surmonter la crise en réformant ses pratiques. Il est apparu que ce processus ne fut pas spontané et qu’il fut réalisé suite aux rôles joués par deux types d’acteurs. Premièrement, par la mobilisation incessante des mouvements de justice globale afin que l’entreprise réforme ses pratiques. Et deuxièmement, par le cadre normatif et le lieu de dialogue entre les différentes parties prenantes, fournis par un organisme privé source de normes. C’est fondamentalement le risque de perdre son accréditation à la cet organisme qui a poussé l’entreprise à engager des réformes. L’entreprise est parvenue à surmonter la crise, certes en adoptant et en respectant les normes définies par cette organisation mais fondamentalement en modifiant sa culture d'entreprise. Le leadership du CEO et du CFO a en effet permis la création d'une culture d'entreprise favorisant la remise en question, le dialogue et une plus grande prise en considération des parties prenantes, même si la gestion locale ne va pas sans poser parfois des difficultés de mise en œuvre. Concernant le domaine de la gouvernance d’entreprise, nous mettons en évidence, à travers l’étude des facteurs ayant mené au déclin et à la faillite d’une entreprise phare du secteur des technologies de l’information et de la communication, les limites des normes en la matière comme outil de bonne gouvernance. La légalité de la gestion comptable et la conformité de l’entreprise aux normes de gouvernance n'ont pas empêché l’apparition et la multiplication de dysfonctionnements et abus stratégiques et éthiques. Incapable de se servir des multiples crises auxquelles elle a fait face pour se remettre en question et engager un apprentissage organisationnel profond, l'entreprise s'est focalisée de manière obsessionnelle sur la rentabilité à court terme et la recherche d'un titre boursier élevé. La direction et le conseil d'administration ont manqué de leadership afin de créer une culture d'entreprise alliant innovation technologique et communication honnête et transparente avec les parties prenantes. Alors que l'étude consacrée à l’entreprise du secteur de la confection de vêtement illustre le cas d'une entreprise qui a su, par le biais d'un changement stratégique, relever les défis que lui imposait son environnement, l'étude des quinze dernières années de la compagnie issue du secteur des technologies de l’information et de la communication témoigne de la situation inverse. Il apparaît sur base de ces deux cas que si une gouvernance favorisant l'éthique et la transparence envers les parties prenantes nécessite la création d'une culture d'entreprise valorisant ces éléments, elle doit impérativement soutenir et être associée à une stratégie adéquate afin que l'entreprise puisse pérenniser ses activités.