48 resultados para language philosophy
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Ce mémoire a pour but de montrer que le premier tournant herméneutique de Paul Ricœur en 1960 gravite essentiellement autour de la problématique de la volonté mauvaise. Nous soutenons autrement dit que Ricœur a initialement donné une tournure herméneutique à sa philosophie pour penser le serf-arbitre, c’est-à-dire pour penser la liberté captive d’elle-même. Afin de rendre compte adéquatement de ce tournant, notre attention sera principalement dirigée vers le deuxième tome de la Philosophie de la volonté de Ricœur, Finitude et culpabilité. Notre question se pose ainsi : comment et pourquoi, dans une problématique du mal, Ricœur entame-t-il son tournant herméneutique? Pour y répondre, nous expliciterons le parcours de Ricœur allant de L’homme faillible à La symbolique du mal. Nous verrons dans un premier temps que si le philosophe arrive à thématiser le concept de faillibilité à partir d’une ontologie de la disproportion, si la réflexion a accès à la possibilité du mal, il n’en ira pas de même pour le noème inintelligible que constitue le mal moral. Afin de penser la faute, nous verrons que Ricœur se tournera vers l’herméneutique en se mettant à l’écoute du langage de l’aveu. Ainsi, dans la deuxième partie de notre mémoire, nous expliciterons les trois moments de compréhension (phénoménologique, herméneutique et réflexif) propre à l’herméneutique philosophique de Ricœur de 1960.
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La contribution intellectuelle d’Érasme de Rotterdam (ca 1466-1536), en particulier dans les domaines exégétique, philologique et littéraire, a été décisive pour l’histoire des idées et l’évangélisme humaniste. Ses "Paraphrases sur le Nouveau Testament", visant principalement à clarifier le propos des saintes Écritures, représentent l’aboutissement de tout son travail exégétique. Davantage qu’un commentaire savant, elles ont contribué à diffuser la piété et le savoir biblique chez les laïcs, ce qui explique le franc succès qu’elles ont remporté au XVIe siècle. Toutefois, la question de leur réception et de leur diffusion en langue française reste encore peu explorée. La "Paraphrase sur l’épître de Paul aux Romains" a eu une importance toute particulière dans le contexte de la Réforme religieuse. Elle a été traduite du latin au français dans un manuscrit rédigé en 1526 par Hubert Kerssan, chanoine de Nivelles, dans le Brabant wallon. Destinée sans doute à un usage privé ou, du moins, à une diffusion plus restreinte, cette traduction est restée dans l’ombre jusqu’à aujourd’hui et son existence même est encore inconnue de la critique, d’où notre projet de la rendre accessible grâce à l’établissement d’une édition critique. Ce travail éditorial a été l’occasion d’étudier la traduction de Kerssan en regard du texte original, ce qui nous a permis de déterminer comment elle s’en distingue, de même que de réfléchir au choix du mode de diffusion manuscrit dans le contexte humaniste du XVIe siècle. Après près de cinq siècles, le manuscrit de Nivelles peut enfin acquérir une certaine visibilité. Il saura contribuer à l’étude de la réception et de la diffusion de la pensée érasmienne dans les milieux francophones en Europe ainsi qu’aux problèmes théologiques et culturels posés par l’œuvre d’Érasme.
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Réalisé en cotutelle avec L'École des hautes études en sciences sociales de Paris
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Personnage central du néoconfucianisme contemporain, Mou Zongsan (1909-1995) a écrit un nombre impressionnant de livres philosophiques. Loin d’ignorer les penseurs d’autres courants, il les intègre à ses théories pour en utiliser les forces. Ainsi, il s’intéresse au concept d’enseignement parfait (yuanjiao圓教). Cette notion fut introduite par l’école bouddhique Tiantai (Tiantai天台). Après une classification de tous les enseignements bouddhiques, il fut conclu que l’enseignement parfait consiste en un enseignement complet reflétant parfaitement l’intention ultime du Bouddha. Mou considère quatre critères pour déterminer quelle doctrine est conforme à cette idée : la préservation de tout ce qui existe, la possibilité pour tous d’atteindre l’illumination, englober tout sans distinction et utiliser un langage qu’il qualifie de non analytique. Dans cette étude, nous allons examiner l’utilisation faite par Mou du concept d’enseignement parfait. Il démontre la nécessité pour l’être humain d’avoir un esprit qui saisit à la fois la sphère phénoménale et nouménale. De cette façon, tout ce qui compose la réalité, pur et impur, est conservé. Il emprunte ensuite le concept du summum bonum kantien, c’est-à-dire le ratio proportionnel entre la vertu et le bonheur, et le révise à l’aide de l’enseignement parfait. Le résultat est tout à fait étonnant : l’être humain possède l’intuition intellectuelle, normalement réservé à Dieu chez Kant, et est ainsi responsable de son propre bonheur grâce à l’accomplissement d’actions morales. Cependant, le bouddhisme ne fournirait pas le cadre théorique idéal pour la notion très importante du summum bonum puisque l’aspect moral n’y serait pas assez développé. Mou affirme que, malgré leur origine bouddhique, les critères qui définissent un enseignement parfait peuvent être appliqués à d’autres courants de pensée. Il propose donc le confucianiste Wang Longxi王龍溪 (Wang Ji王畿 1498- 1583), dont les théories correspondent aux caractéristiques de l’enseignement parfait, pour établir un concept du summum bonum novateur.
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L'écriture dans une langue « d'adoption » est un phénomène littéraire de plus en plus courant. À ce jour, la contextualisation qui en est faite gravite principalement autour de l'identitaire et de l'exil, et néglige une approche moins biographique, plus attentive à ce que l'on pourrait appeler une poétique du bilinguisme, en filiation avec la philosophie du langage de Walter Benjamin. Le concept d'une langue pure, résonnant dans le silence de chacune des langues comme une présence antérieure, peut permettre d'accéder à cette ouverture des mots, et contribuer à réaliser leur simultané pouvoir de dévoilement et de dérobade, comme une invitation à l'écoute attentive de ce qui se dit à travers eux. de Silvia Baron Supervielle, écrivaine et traductrice francophone d'origine argentine, témoigne de l'extériorité inhérente aux langues. L'analyse du mémoire essaye de manière suggestive, par un agencement de concepts philosophiques complémentaires, de rendre palpable cette voix singulière dans trois publications de genres différents : réflexions philosophiques sur les langues (l'alphabet du feu), journal de lectrice et de poète (Le pays de l'écriture), poème en prose (La frontière). Il s'agit moins de formuler une théorie de l'entre- deux-langues que de montrer l'ouverture du verbe générée par l'écriture d'une langue à l'autre.
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Cette thèse porte sur trois textes autobiographiques qui questionnent, à travers l’élaboration d’une pensée de l’événement, les oppositions convenues entre fiction et témoignage. L’Événement (2000) d’Annie Ernaux, Le jour où je n’étais pas là (2000) d’Hélène Cixous et L’Instant de ma mort (1994) de Maurice Blanchot présentent le récit autoréférentiel d’un événement traumatique, soit un avortement clandestin pour Ernaux, la mort en bas âge d’un enfant trisomique pour Cixous et la mise en joue par un soldat nazi lors de la Seconde Guerre mondiale pour Blanchot. Ce corpus, quoique hétérogène à plusieurs égards, loge à l’enseigne d’une littérature placée sous le signe de l’aveu, de la confession et de la révélation ; cette littérature porterait au jour ce qui était jusque-là demeuré impossible à dire. Partant de la figure de la honte inscrite dans ces trois œuvres, mais aussi dans d’autres textes de ces écrivains qui permettent de déployer ce qui se trame de secret et d’événement dans le corpus principal, cette thèse a pour objectif d’analyser les déplacements et les retours d’un trauma gardé secret pendant une quarantaine d’années et qui remonte, par la voie de l’événement, à la surface de l’écriture. Sous la double impulsion de la pensée de Jacques Derrida et de l’approche psychanalytique, cette thèse s’intéresse à la question de l’événement à l’œuvre chez Ernaux, Cixous et Blanchot. Dans chacune de ces œuvres, un événement traumatique intervient comme révélateur de l’écriture et d’un rapport singulier à la pensée de l’événement, marqué soit historiquement et politiquement (Blanchot), soit intimement (Cixous et Ernaux). Par l’écriture, ces auteurs tentent en effet de rendre compte de l’authenticité de l’événement ressenti, problématisant du même coup la nature et la fonction de l’événement tant réel que psychique dans le récit de soi. L’événement est ainsi abordé dans son caractère historique, psychanalytique mais également philosophique, ontologique ; la pensée de l’événement mise à l’épreuve des textes d’Ernaux, de Cixous et de Blanchot permet d’explorer les figures de la date, de l’archive, de la mort et du deuil qui lui sont liées, en plus de donner lieu à une poétique singulière chez chacun. Enfin, la thèse traite du rapport entre l’aveu de l’événement et la langue qui, défiant l’opposition traditionnelle du constatif et du performatif, entraîne l’événement du récit, cet autre événement qui arrive en même temps que le récit de l’événement traumatique.
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Le réveil de la question de l’Être fut le grand leitmotiv de la pensée de Martin Heidegger. Or cette question ne trouve pas la même formulation de Sein und Zeit jusqu’aux derniers écrits. En effet, si l’œuvre maîtresse du penseur prépare le terrain pour un questionnement sur le langage et la parole authentique, elle ne rattache pas explicitement la problématique de l’Être à celle de la poésie. À partir du milieu des années trente, un tournant se fera jour : la poésie deviendra un partenaire privilégié dans la mise en œuvre de la question de l’Être. Cette tendance de pensée se radicalisera dans les décennies ultérieures, où la compréhension du langage véritable comme poème deviendra de plus en plus centrale. À quoi tient ce rôle imparti au discours poétique dans l’œuvre de Heidegger? Quelle place occupe le dire poétique dans le cadre plus large d’une herméneutique philosophique tournée vers l’aspect langagier de toute existence? Comment comprendre le lien entre une pensée de l’Ereignis, du Quadriparti et de la fondation de l’Être à travers le dire du poète? Enfin, quels parallèles faut-il dresser entre les tâches respectives du penseur et du poète dans le contexte d’un dialogue authentique? Ces questions guideront notre parcours et traceront la voie d’une interprétation dont l’accent portera sur les thèmes privilégiés du dépassement du langage conceptuel de la philosophie, de la place déterminante du Sacré et de la responsabilité insigne du poète et du penseur dans le projet de la garde de l’Être. Notre objectif sera d’éclaircir le sens de ce recours à la poésie afin de mieux comprendre en quoi Heidegger a pu trouver dans un tel dialogue les ressources nécessaires qui alimenteront l’élan de son unique quête : une approche authentique du sens de l’Être, de son alètheia et de son topos. On sait l’importance de ce dialogue : estimant que la métaphysique s’était caractérisée par un « oubli de l’être » (Seinsvergessenheit), Heidegger juge qu’une autre pensée (das andere Denken) reste malgré tout possible, mais qu’elle aurait à se déployer en tant que dialogue entre pensée et poésie.
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Dans ce mémoire, je me propose d’analyser la question des limites du langage; d’examiner la place et le rôle de l’indicible dans la philosophie de Wittgenstein. La notion d’indicible suppose un critère pour saisir les limites du langage. Dans le Tractatus, le critère nous est donné par la structure logique de l’image. Or, en laissant tomber cet accord de forme entre le langage et le monde, suggéré par la théorie picturale, l’indicible ne semble plus se montrer dans les écrits postérieurs au Tractatus. Du moins, avec la notion de « jeux de langage », le critère pour saisir les limites du langage n’est plus aussi clairement défini et les règles qui déterminent les usages légitimes du langage ne sont plus aussi strictes. Enfin, en concevant la signification comme « usage », la nature du langage est appréhendée comme le fait d’une forme de vie, et dans une perspective pragmatique, arrimée à une position minimaliste, une conception déflationniste de la vérité peut se développer, évitant ainsi la réification de faits superlatifs associés à l’indicible et à l’ineffabilité des critères sémantiques. Par conséquent, l’indicible et l’ineffable ne seraient plus associés avec une posture mystique à l’égard du réel, et le quiétisme philosophique de Wittgenstein, toujours inspiré par le nihilisme thérapeutique, demeure l’avenue privilégiée pour neutraliser le discours métaphysique et le contraindre définitivement au silence.
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Depuis plus de trente ans, le Québec a pris position en faveur d’un mouvement de professionnalisation de l’enseignement. Ce choix se fonde principalement sur la volonté de moderniser les systèmes d’éducation grâce à la consolidation d’une expertise du travail enseignant. Elle a donc engendré toute une série de réformes visant à formaliser les pratiques des enseignants, à les appuyer sur les résultats de la recherche et à développer un code de pratiques responsables. Cependant, dans une perspective critique, ce processus de professionnalisation entre également dans le cadre plus large d’un processus de rationalisation étatique. Il exige de plus en plus des enseignants de faire preuve d’efficacité à tout prix, mais cette exigence ne tient pas compte de l’incertitude de l’action et des valeurs en jeu. Cette thèse vise à analyser, à partir d’une perspective critique, la conception de l’articulation entre la recherche et la pratique sous-jacente au mouvement de professionnalisation en vue de proposer une conception plus adéquate en regard de la réalité pratique: la traduction. Ce faisant, la thèse propose une réflexion sur le rôle transformateur du langage dans tout processus de transmission des connaissances. L’approche de la traduction s'inspire à la fois de la tradition herméneutique et de la critique poststructuraliste, et remet en question la conception du langage comme véhicule transparent de la pensée et des connaissances. À la lumière de ce cadre, je propose une analyse empirique (analyses discursive et sémiotique) des mécanismes de traduction qui assurent le passage du monde de la recherche vers le monde de l'enseignement. Cette partie repose sur une analyse comparative d’articles provenant de la revue Vie pédagogique, analyse qui se concentre sur les processus de traductions à l’œuvre dans trois concepts centraux du mouvement de professionnalisation : la pratique réflexive, la compétence et la collaboration. Elle met en lumière la manière dont le cadre actuel de la professionnalisation est réducteur, totalisant, et nie le caractère traductif du langage et de l’activité humaine. Je conclus avec une reconceptualisation de l'enseignement en tant que traduction et acte de profession de foi.
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Avant tout réputé pour avoir hissé l’herméneutique au premier plan du paysage philosophique contemporain, H.-G. Gadamer est aussi reconnu pour l’originalité de ses écrits en histoire des idées et notamment pour la grande singularité des travaux qu’il a consacrés à la philosophie de Platon. Mais s’agit-il là de deux registres théoriques distincts, l’herméneutique d’un côté et l’exégèse de Platon de l’autre ? Ou bien s’agit-il de deux facettes d’un même projet concerté, deux ouvertures sur un même objet philosophique ? C’est cette deuxième option que notre étude a pour objectif de défendre. Pour ce faire, nous approfondissons, à la lumière de ses écrits sur Platon, les raisons qui poussent Gadamer à développer, dans Vérité et Méthode, son idée de dialogue herméneutique en référence constante à la dialectique platonicienne, pour ensuite montrer comment l’ontologie herméneutique qu’esquisse la dernière partie de Vérité et Méthode est solidaire, voire tributaire, de l’interprétation de la pensée platonicienne que défend généralement Gadamer, et ce, malgré l’instrumentalisme du langage qu’il dénonce chez Platon.
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La nature iconoclaste de l'ère postmoderne se manifeste dans une révolution contre les normes littéraires préétablies. Cet iconoclasme est plus flagrant dans la fantaisie urbaine. Dans un environnement désordonné, fragmenté et très stéréotypé, la fantaisie urbaine est considérée comme un événement qui défie tout jugement, et toute stratification sociale. Bien qu'elle ait été bien accueillie par les lecteurs et qu'elle a obtenue de fortes ventes, c'est seulement depuis deux décennies que ces genres ont commencé à attirer l'attention académique. Ce travail peut être considéré comme une tentative pour comprendre la fantaisie urbaine à travers la série d'une de ses écrivains les plus éminents, Laurell K. Hamilton. En conséquence, j’ai choisi trois romans de sa série Anita Blake: Guilty Pleasures (1993), Circus of the Damned (1995) et Blue Moon (1998). Les paramètres stylistiques et thématiques dans ses romans créent une philosophie postmoderne de subversion, qui valide et invalide les discussions sur la structure du signe, la violence, et la réaction du lecteur. Le premier chapitre étudie la construction du sens à travers la structure de la langue de la fantaisie urbaine. Il traite la signification que le résultat de l'interaction entre les différents signes linguistiques. Il suit également l'évolution de ce que Derrida appelle «inflated signs», qui sont au coeur de la régénération du sens à travers les romans. La saturation dans ces signes implique une «absence» qui s'affiche à travers la désintégration du système de la langue et les ruptures récurrentes de sa structure globale. Le deuxième chapitre se concentre sur les tendances de la violence dans les romans de la fantaisie urbaine qui rendent les jeux de pouvoir des personnages truculents et leurs réactions apparaissent inadmissibles. Il examine la violence par rapport à ses causes et sa ii logique. Grâce aux concepts de Derrida de l’‘arché-violence’, de ‘décision’ et de ‘sacrifice,’ je démontre que la violence est inévitable dans le monde créé de Hamilton et dans le monde qu'elle simule. Le troisième chapitre examine la réaction du lecteur sur les événements exotiques et la caractérisation paranormale des romans de Hamilton. Il révèle comment la fantaisie urbaine conteste la conception de Wolfgang Iser de réaction du lecteur et le concept d'‘apparence’ de Jean Baudrillard. J’insiste sur le fait que les lecteurs de la fantaisie urbaine ne sont plus des interprètes ou des réceptifs passifs d'images paranormaux. En effet, l'interaction entre l’auteur et le lecteur, que ces romans entrainent, défie ces conceptions réductrices de la réaction du lecteur.
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Pour exprimer ou définir une idée nouvelle, Derrida détourne souvent le sens d’un mot en se l’appropriant. La relation de Derrida avec les idées est telle que leur transmission passe par un vocabulaire spécifique, notamment l’analyse de l’étymologie (vraie et fausse). Mais quelle est sa conception du mot ? Quelles en sont les implications et les conséquences ? Pour répondre à ces questions, l’approche la plus féconde consiste à suivre au plus près celle que Derrida utilise en abordant la langue par rapport à la grammaire au sens large (c’est-à-dire tout ce qui fait événement dans la langue). En effet, la relation entre le mot et l’idée prend tout son sens dans l’analyse de certaines scènes bibliques, telles celles de la Genèse ou encore du mythe de Babel. Le fameux énoncé inaugural de l’Évangile de Jean, « Au commencement était la parole... », fait retour dans l’œuvre de Derrida, où il connaît plusieurs variations : il mérite examen, dans la perspective d’une déconstruction du logos et des origines de la langue. Le corpus de notre étude porte principalement sur trois textes de Jacques Derrida : « Des tours de Babel » (L’art des confins, PUF, 1979), Schibboleth – Pour Paul Celan (Galilée, 1986) et Donner la mort (Galilée, 1999), ces textes permettant tous une interrogation de l’« intention » divine dans le langage. Notre visée, en privilégiant dans l’œuvre derridienne ces « exemples » bibliques, est d’étudier la démarche de Derrida dans la « création » d’une langue, aspect qui a toujours été inséparable de l’élaboration de sa philosophie et auquel il a accordé la plus grande attention. À terme, ce travail se veut une contribution à la pensée du philosophe, portant sur un aspect capital de son travail et battant en brèche l’idée que son écriture est « absconse » ou « hermétique », alors qu’il y va pour lui de la mise en œuvre de sa manière même de concevoir la langue.
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La distance historique qui nous sépare de la publication de Vérité et méthode permet une meilleure intelligence de l’aspect universel de l’herméneutique de Hans-Georg Gadamer qui a suscité tant de débats immédiatement après la parution de son ouvrage. L’herméneute a en effet pu, dans plusieurs textes qu’il a écrits au cours des dernières décennies, préciser sa conception et mieux attester cette universalité, notamment en l’associant à l’universalité de la rhétorique elle-même. Un nouveau regard porté sur les divers débats suscités par cette prétention de l’universalité de l’herméneutique permet aussi de s’en faire une idée plus claire et limpide. Le présent mémoire se penche sur le sens à donner à l’universalité de l’herméneutique en tenant compte des sections décisives de Vérité et méthode qui y sont consacrées, des écrits plus tardifs de Gadamer sur la question et de la littérature secondaire afin de voir si cette prétention à l’universalité peut être défendue face aux critiques formulées par Jürgen Habermas. Nous soutiendrons dans ce mémoire que c’est le cas, mais aussi que la critique de Habermas a aidé Gadamer à mieux formuler et faire comprendre l’universalité de l’herméneutique. C’est précisément en tenant compte de l’apport de ceux qui pensent autrement que s’atteste l’universalité de l’herméneutique.
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Cette thèse vise à mieux comprendre les tensions ethniques. Ceci est fait en explorant, dans une étude en quatre parties, l'une de ses caractéristiques les plus importantes mais sévèrement négligées: la langue. S’inspirant des traditions de recherche de la sociolinguistique, de la psychologie sociale et de la science politique, cette thèse fournit une analyse en profondeur de l'influence de la langue sur les relations intergroupes. Elle le fait, spécifiquement, en se concentrant sur l'influence que la vitalité linguistique, la santé sociale d'une langue, a sur les tensions sociales. Cette thèse propose un cadre théorique dans lequel le niveau de vitalité linguistique contribue à générer des griefs culturels qui ont une incidence par la suite sur les relations intergroupes. Le premier article explore la relation macro entre la vitalité linguistique et l'intensité des conflits intergroupes. Les résultats, dérivés de données de l'Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde et du projet Minorities at Risk (MAR), démontrent une relation curvilinéaire où les niveaux bas et élevé de vitalité linguistique génèrent une intensité inférieure au niveau modéré de vitalité. Ces résultats confirment que la vitalité linguistique est un déterminant important des tensions ethniques fondées sur la langue d'une manière générale, mais encore davantage pour les pays ayant plusieurs minorités linguistiques. Le deuxième article explore l'influence de la vitalité linguistique sur la confiance politique. Il utilise des données de l'Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde ainsi que des données du European Social Survey (ESS). Les résultats soutiennent un modèle de médiation dans lequel la vitalité linguistique influence positivement la confiance politique d'une manière directe ainsi qu’indirectement par le biais de la discrimination perçue. Le troisième article cherche à isoler la séquence socio-psychologique qui relie la vitalité linguistique aux tensions intergroupes. Des données de sondage originales ont été recueillies auprès de francophones du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba. Les résultats d’analyses de régression multiple soutiennent une séquence socio-psychologique dans laquelle la menace endogroupe influence les attitudes envers l’exogroupe par le biais de la menace perçue comme étant causée par l’exogroupe. Ainsi, ces constats soulignent l'importance des perceptions de la vitalité linguistique pour les attitudes intergroupes. Le quatrième article, produit en collaboration avec Patrick Fournier et Veronica Benet-Martinez, utilise un protocole expérimental pour déterminer le rôle causal de la vitalité linguistique sur les attitudes intergroupes. Les résultats démontrent que le type d'information, positif ou négatif, au sujet de la vitalité linguistique influence les perceptions de menace envers une langue. Cependant, les résultats quant à l'impact de l’information à propos de la vitalité linguistique sur les attitudes envers l’exogroupe, l’appui à la souveraineté et l'identité subjective sont moins évidents. Cette thèse permet de mieux comprendre les tensions intergroupes en démontrant le rôle important que joue la vitalité linguistique sur des phénomènes macros ainsi que sur les attitudes des individus.
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Si la littérature est rarement considérée comme une science, comme vraie, comme créatrice d’un savoir, toujours un peu à l’écart, avec ses fictions, et ce malgré un médium, le langage, commun à la philosophie et dont la qualité discursive correspond au mode d’expression de la pensée, malgré sa place acquise parmi les disciplines académiques, c’est parce que nous refusons de voir quel rôle vital joue l’affect dans la naissance et l’élaboration de la pensée. Le rejet de l’affect par la science est lui-même le produit de plusieurs affects — peur, orgueil — à partir desquels nous créons le concept de « pensée » qui nous convient le mieux, qui nous rassure le plus : rationalité, linéarité, objectivité. En réalité, cette dernière est chaotique et subjective et c’est seulement à travers son expression dans le langage qu’elle s’ordonne et acquiert une apparence d’objectivité. Mais le langage est lui-même le produit d’affects : nulle vérité infaillible ne sous-tend l’élaboration de nos langues, de leurs règles grammaticales et des sens de leurs mots. Ainsi la littérature, malgré (ou à cause de) la fiction, les fables, les inventions, parce qu’elle est création langagière, parce qu’elle remet toujours en question le langage est, en réalité, plus lucide que la raison. De plus, toujours aux prises avec l’image, elle connaît, d’une certaine façon, l’affect. Elle tente de le représenter, afin de frapper et d’ébranler la conscience du lecteur. C’est à travers elle que j’ai voulu élaborer non pas un savoir rationnel, mais un savoir sur l’affect, un savoir affectif. Pensée critique et affect sont en effet deux composantes essentielles de la création littéraire, ce qui apparaît particulièrement dans l’œuvre d’Ingeborg Bachmann, qui compte à la fois une thèse en philosophie sur Heidegger, des recueils de poésie, de nouvelles, des essais et un cycle romanesque inachevé, Todesarten. Je me suis penchée plus précisément sur certaines de ses nouvelles ainsi que sur son seul roman achevé, Malina, afin d’y étudier la représentation de l’affect chez certains personnages féminins qui, pour éviter de trop souffrir, construisent autour d’elles un mur de mensonges. J’ai également porté une grande attention aux théories de Bachmann sur la littérature, qu’elle énonce dans ses Leçons de Francfort, ce qui m’a permis, en considérant en même temps ses œuvres de fiction de même que celles de quelques autres écrivains, d’expliquer (de façon non exhaustive) certains rôles de l’affect à la fois chez l’écrivain et chez le lecteur.