871 resultados para Biographic narratives
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Cet essai a pour objet le rôle de la notion de fiction dans les domaines de l’art et de la science. Essentiellement, je soutiens que « fiction » dans ce contexte est « a category mistake » (concept versus genre) et je crois que cet essai peut réussir à « cuire du pain philosophique » en dévoilant une dispute verbale. Je suggère donc de clore un débat philosophique dans son intégralité. Je présente un exposé du style de fictionnalisme abordé par Catherine Z. Elgin et Nelson Goodman (que ce soit dans le contexte des arts ou des sciences, nous parvenons à la compréhension grâce à des fictions sous formes de « vérités non littérales ») et j’explore le concept de la fiction. Je soutiens que les représentations (textes descriptifs de toutes sortes, incluant les modèles) sont constituées d’éléments fictionnels et d’éléments facettés (à l’exception de la version idéale possible ou impossible, c’est-à-dire dans l’esprit de Dieu, qui n’inclurait que les facettes.) La compréhension ne peut provenir de la fiction, mais plutôt d’éléments facettés ordonnés de manière à créer une compréhension qui conduit généralement à des prédictions, des explications et des manipulations. Je définis les facettes comme ayant des caractéristiques organisées, alors que les fictions ont des caractéristiques désorganisées. La fiction dans son intégralité est donc, par définition, l’expression du néant (of nothing), ou en matière de langues idéales (mathématiques), l’expression de contradiction. Les fictions et les facettes relèvent des représentations qui sont elles-mêmes primitives. Les textes descriptifs sont donc fictionnels par degré. Les récits qui sont très fictionnels ont une certaine valeur (souvent ludique) mais contiennent toujours au moins une facette. En fin de compte, toutes les activités représentationnelles devraient être considérées irréelles, incomplètes, bien que parfois connectées à la réalité, c’est-à-dire, prises entre une description réaliste facettée et une fiction dans son intégralité.
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Au XIXe siècle, la science et le fantastique produisent le même effet chez les gens : en mettant ceux-ci en contact avec des phénomènes inouïs, ils les inscrivent dans un rapport dialectique – entre le connu et l’inconnu – qui doit déboucher sur le non-encore-connu, comme s’ils recelaient la promesse d’une révélation. En effet, à la fois les sciences de l’esprit et le récit fantastique permettent de franchir les frontières entre le moi et l’autre, la vie et la mort, le corps et l’esprit. Explorant autant de domaines inconnus relatifs à l’homme, ils redéfinissent les contours de celui-ci. C’est donc en tant que moyens de savoir que ce mémoire met en relation ces sciences (psychiatrie, psychophysiologie, hypnotisme…) et trois récits fantastiques, « Onuphrius » de Théophile Gautier, « La Mort d’Olivier Bécaille » d’Émile Zola et « L’Homme voilé » de Marcel Schwob, où une crise de catalepsie subie par le héros déclenche le processus dialectique.
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Des recherches antérieures sur les émotions en contexte organisationnel, notamment autour des notions de travail émotionnel, de contrat psychologique et d'équité, ont souvent soulevé la question de la rationalité et du caractère approprié ou non des manifestations émotionnelles, ainsi que sur les mécanismes utilisés pour contrôler et modérer celles-ci. Cependant, peu de recherche empirique a été effectuée sur la façon dont les employés eux-mêmes font sens de leurs émotions au travail et le processus par lequel ils parviennent à rendre celle-ci compréhensibles et légitimes, à la fois pour eux-mêmes et pour autrui. Au cours des dernières années, un courant de recherche émergent tend toutefois à mettre de côté la perspective normative / rationaliste pour soulever ce type de questions. Ainsi, au lieu d'être considérées comme des expériences strictement subjectives, privées, voire inaccessibles, les émotions y sont envisagées à travers les discours et les mises en récits dont elles font l’objet. Les émotions apparaissent ainsi non seulement exprimées dans le langage et la communication, mais construites et négociées à travers eux. La recherche présente développe empiriquement cette perspective émergente, notamment en faisant appel aux théories du sensemaking et de la narration, à travers l’analyse détaillée des récits de quatre employés chargés du soutien à la vente pour un revendeur de produits informatiques. En demandant à mes sujets de parler de leurs expériences émotionnelles et en analysant leurs réponses selon une méthodologie d’analyse narrative, cette recherche explore ainsi la façon dont les employés parviennent à construire le sens et la légitimité de leurs expériences émotionnelles. Les résultats suggèrent entre autres que ces processus de construction de sens sont très étroitement liés aux enjeux d’identité et de rôle.
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De nos jours, l’idée selon laquelle bon nombre d’individus atteints de psychose peuvent se rétablir sensiblement au fil du temps est de plus en plus répandue. Alors que le milieu médical associe le rétablissement à la rémission symptomatique, les usagers de services en santé mentale le voient plutôt comme un processus où l’absence de symptômes n’est pas une condition sine qua non. Ne s’opposant à ni l’un ni l’autre de ces points de vue, le traitement actuel des psychoses vise le retour à un fonctionnement social approprié. Chez les jeunes atteints d’un premier épisode psychotique, une diminution marquée des symptômes après un traitement pharmacologique se traduit rarement en une amélioration significative du fonctionnement, ce qui justifie la mise en place d’interventions psychosociales. On connait aujourd’hui quelques variables associées au fonctionnement social chez cette population, mais celui-ci a peu été étudié de façon spécifique. De même, on connait mal la manière dont ces jeunes vivent leur rétablissement en tant que processus. Cette thèse porte donc sur le rétablissement et le fonctionnement social de jeunes en début de psychose. La première partie consiste en une introduction aux concepts de rétablissement et de réadaptation, et en une revue de la littérature des interventions psychosociales pouvant favoriser leurs rétablissement et fonctionnement. Plus spécifiquement, nous illustrons comment ces interventions peuvent s’appliquer aux adolescents, clientèle sur laquelle peu de littérature existe actuellement. La deuxième partie présente les résultats d’une étude sur la valeur prédictive de variables sur trois domaines du fonctionnement social de 88 jeunes adultes en début de psychose. Des équations de régression multiple ont révélé qu’un niveau plus élevé de dépression était associé à une vie sociale moins active, qu’un moins bon apprentissage verbal à court terme était associé à un plus bas fonctionnement vocationnel, que le fait d’être de sexe masculin était négativement associé aux habiletés de vie autonome, et qu’un niveau plus élevé de symptômes négatifs prédisait de moins bonnes performances dans les trois sphères du fonctionnement. Finalement, la troisième partie s’intéresse au processus de rétablissement en début de psychose par l’analyse de récits narratifs selon un modèle en cinq stades. Nous avons découvert que l’ensemble de notre échantillon de 47 participants se situaient dans les deux premiers stades de rétablissement lors du premier temps de mesure, et que le fait de se trouver au deuxième stade était associé à de meilleurs scores d’engagement social et de fonctionnement occupationnel, à un meilleur développement narratif, à moins de symptômes négatifs et positifs, et à plus d’années de scolarité. Par ailleurs, l’examen des stades à deux autres temps de mesure a révélé des profils relativement stables sur une période de neuf mois. En somme, les résultats démontrent la nécessité d’évaluer le fonctionnement social de façon plus spécifique et l’importance d’offrir des interventions psychosociales en début de psychose visant notamment le développement des relations et l’intégration scolaire/professionnelle, ou visant à améliorer le faible développement narratif. Cette thèse est, de plus, un premier pas dans l’étude du processus de rétablissement des jeunes atteints de psychose.
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Cette thèse montre comment fonctionnent et se déploient, au sein des œuvres littéraires, filmiques et webfilmiques, des scénographies mémorielles et des figurations médiatiques de la guerre d’Algérie. Empruntant sa méthodologie à la sociocritique des textes et aux études intermédiales, l’étude porte sur la manière dont le souvenir de l’évènement se confond avec celle de le relater. Elle examine le rôle du médium qui donne une forme, une matérialité, un dispositif, un type de reconnaissance institutionnelle aux représentations de la guerre et de la mémoire, contribuant aussi à former, modeler le souvenir en le rendant perceptible et intelligible. Comment les groupes de mémoire de la guerre d’Algérie, (harkis, immigration algérienne, pieds-noirs) vivent-ils – toutes proportions et différences gardées – leur rapport au passé à partir du présent ? Leurs mémoires, médiées par les vecteurs culturels (cinéma, littérature, etc.), se disent à partir de sites d’énonciations plurielles dont les espaces (topographies) et les temps (chronographies) sont communs. Elles s’approprient le souvenir de façon similaire, par les scènes narratives du procès, de la rencontre ou du retour construites par le texte littéraire ou filmique. La première partie interroge les rapports entre histoire et mémoire ; en France, leurs conceptions et pratiques, se heurtent à une nouvelle économie mémorielle dans laquelle des groupes de mémoire de la guerre d’Algérie réclament que leur histoire soit reconnue et enseignée. Appuyée par une périodisation de la production gigantesque des cinquante dernières années et par une revue critique de la recherche internationale menée à ce sujet, cette réflexion prend acte de la dispute post-coloniale française et considère l’auteur porteur de mémoire de la guerre d’Algérie pour son exemplarité en tant que témoin post-colonial. Les deuxième, troisième et quatrième parties de cette thèse déplient quant à elles, la scénographie mémorielle spécifique à trois auteurs, tout en la mettant en relation avec d’autres œuvres de genre et médium très différents. Le premier corpus est composé de : Moze de Zahia Rahmani, du tryptique de Mehdi Charef (À-bras-le-cœur, 1962. Le dernier voyage, Cartouches gauloises) et d’Exils de Tony Gatlif. À ces titres s’ajoutent des œuvres qui marquent une série, ensemble aux contours flous auxquels ils se rattachent et qui permettent de mettre à la fois en perspective le commun entretenu entre la série et l’œuvre de l’un des trois auteurs, et la manière dont l’auteur, Rahmani, Charef ou Gatlif s’en distingue de façon significative. Enfin, un troisième type d’œuvres intervient dans l’analyse comme contrepoint souvent paradoxal de cette série.
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Ce mémoire interroge le rapport développé dans Maîtres anciens de Thomas Bernhard entre l’écriture littéraire, la pensée philosophique et le kitsch. Au-delà de la supposition surprenante que la philosophie puisse être affaire de goût, de séduction et de sentiments, l’analyse de la notion de kitsch philosophique permet d’envisager le discours critique comme une arme à double tranchant qui promet autant l’émancipation que l’autoaliénation du Kitschmensch pensant. C’est à travers la figure de Reger, protagoniste de la comédie orchestrée par Bernhard, que s’incarne cette perspective critique paradoxale qui témoigne de problèmes de légitimation et d’un scepticisme croissant face aux promesses des grands récits émancipateurs. À l’examen de cette mise en scène de la philosophie, apparaît une manière proprement littéraire de « penser la pensée ». Ce mémoire veut rendre compte de ce en quoi la pensée littéraire se distingue de l’essai philosophique mais aussi de tout autre métadiscours. La littérature, car elle montre plus qu’elle n’affirme, conséquemment permet de comprendre les points de contact et de tension entre la philosophie et le kitsch, entre la culture et la barbarie, d’une manière toute particulière. C’est cette particularité qui fait l’objet de cette étude et qui est considérée comme une forme de résistance à la commodification, la vanité, la domestication, bref la kitschification de la pensée critique.
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L’étude porte sur la question des burakumin, les intouchables japonais, dans deux oeuvres de l’écrivain japonais Nakagami Kenji (1946-1992), lui-même issu de cette communauté. Mille ans de plaisir, recueil de six contes basés sur des récits de vie, et le roman Miracle forment une suite organisée autour des mêmes lieux, des mêmes personnages et des mêmes thèmes. Ils décrivent la condition sociale d’une collectivité mise au ban de la société japonaise malgré sa modernisation. Ils se distinguent par leur caractère d’ethnofiction. Nakagami cherche à réhabiliter les burakumin en valorisant le patrimoine religieux et folklorique dont ils sont dépositaires. Il puise dans les genres traditionnels comme le monogatari ou les contes et légendes du Japon. Il s’inspire également d’auteurs modernes japonais (Mishima, Tanizaki) et d’auteurs étrangers (Faulkner, García-Márquez). À partir de cet intertexte et pour faire barrage à l’occidentalisation, il élabore un style « hybride » digne de la littérature nationale (kokubungaku). Les oeuvres traditionnelles sont réinterprétées dans une esthétique postmoderne ayant une fonction ironique et critique contre l’idéologie impériale répressive qui continue d’alimenter la discrimination envers les burakumin. L’analyse porte sur les procédés qui sous-tendent le projet social et le projet littéraire de l’auteur. Elle se divise en trois parties. La première donne un aperçu biographique de l’auteur et décrit les composantes de son projet social qui consiste à vouloir changer l’image et le statut des burakumin. La deuxième partie décrit les éléments religieux et folkloriques des deux oeuvres et analyse en contexte leur signification ainsi que leur fonction, qui est de mettre en valeur les traditions préservées par les burakumin. La troisième partie montre en quoi le répertoire traditionnel (monogatari) et les intertextes sont mis au service du projet littéraire proprement dit.
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Depuis des années, le Kenya avait donné l’impression d’être un pays relativement stable dans la région d’Afrique sub-saharienne, régulièrement secouée par les conflits, et un « centre » autour duquel la communauté internationale coordonne ses missions vers certains pays d’Afrique comme ceux faisant partie de la Région des Grandes Lacs (Burundi, Rwanda, Ouganda, République démocratique du Congo, Kenya et Tanzanie) et ceux de la Corne de l’Afrique (Kenya, Somalie, Éthiopie, Djibouti et Ouganda). Toutefois, les élections présidentielles très contestées en 2007 et les conflits qui se sont enchaînés ont entrainé de nombreuses préoccupations en ce qui concerne la stabilité du Kenya à l’ère de l’insécurité globale. Alors que le rétablissement de la paix continue, la coexistence entre groupes est toujours délicate car le Kenya compte au moins quarante-deux ethnies qui sont toutes distinctes les unes par rapport aux autres. Par ailleurs, l’ouverture d’une enquête judiciaire, par la Cour Pénale Internationale (CPI), contre quatre des six personnes présumées être les principaux auteurs des violences postélectorales de 2007/08, s’ajoute aux problèmes liés à la coexistence pacifique entre les différents groupes avant les prochaines élections. Cette thèse examine les politiques relatives à l’accommodation des différents groupes à travers les radios vernaculaires et comment ces politiques ont influencé les relations entre les groupes lors des conflits de 2007/08 au Kenya. Partant du constat qu’un conflit est un processus communicatif, elle intègre le concept d’encadrement médiatique à la théorie de Protracted Social Conflict (PSC) définie par Azar (1990) pour tracer non seulement les changements dans les discours d’encadrement de ces conflits, mais aussi pour illustrer les mutations des attitudes à l’égard des relations entre groupes survenues avant, durant et après ces conflits. Cette étude emploie principalement les méthodes qualitatives pour rassembler les données issues des trois régions au Kenya qui sont ethniquement et linguistiquement divergentes: Nyeri (la majorité Kikuyu), Kisumu (la majorité Luo) et Eldoret (la majorité Kalenjin). L’argument central de cette thèse est que l’encadrement des relations entre groupes, notamment lors des conflits, est soit différencié soit concerté dépendamment du stade auquel le conflit se manifeste. Alors que dans l’encadrement différencié, les discours médiatiques sont articulés de façon à ce que ceux-ci soient susceptibles d’entrainer une polarisation entre groupes, l’encadrement concerté décrit les discours médiatiques négociés de manière à ce que ceux-ci reflètent les valeurs partagées au travers des différents groupes, et donc sont susceptibles d’engendrer une coopération entre groupes. J’argumente que les changements dans le discours des radios vernaculaires prennent effet lorsque de nouveaux éléments sont ajoutés aux discours caractérisant un conflit déjà existant, et les « nouveaux significations » que ces éléments apportent à la compréhension du conflit en question. J’argumente également que le changement du l’encadrement différentiée à l’encadrement concerté (et vice-versa) dépende du degré de résonance de ces discours avec la population cible. De façon générale, cette étude suggère que le langage de diffusion et la proximité culturelle induisent l’encadrement entre groupes à travers les radios vernaculaires au Kenya. La force de cette thèse se trouve donc dans les perspectives analytiques qu’elle propose pour localiser les discours changeants lors des conflits, plus particulièrement dans les états multiethniques où les politiques d’accommodation entre les différents groupes demeurent toujours fragiles et conditionnelles.
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Le conflit israélo-palestinien dure depuis plus de 60 ans. Non seulement perdure-t-il, il gagne aussi en complexité. Cette thèse s’intéresse à l’expérience d’exil des Palestiniens et plus particulièrement à celle de femmes palestiniennes vivant en camp de réfugiés au Liban. La mémoire palestinienne a longtemps été, dans son ensemble, occultée dans la littérature, et qui plus est l’expérience des femmes; la façon dont leurs récits sont construits nous le démontre bien. La présente étude s’inscrit donc dans la lignée de travaux qui font une place aux « voix silencieuses » que sont souvent celles des femmes réfugiées palestiniennes des camps. Cette thèse s’appuie sur une approche qualitative – récits de vie et observation participante – et fait suite à une recherche qui a été menée entre 2009 et 2011 dans le camp palestinien de Bourj El Barajneh au Liban. Les résultats dégagés confirment que, dans l’exil, une partie de l’expérience de la nakba palestinienne telle que vécue par les femmes s’est perdue. Ceci dit, si la quasi-absence des femmes caractérise l’exode, on voit ces dernières s’affirmer au fil de l’exil qui devient une réalité durable. Au cours des deux premières décennies, les femmes apparaissent comme des « résistantes du quotidien ». Puis, la montée du sentiment national palestinien et l’éclatement de la guerre civile libanaise amènent les femmes à investir de plus en plus l’espace public. En temps de guerre, toutes les femmes participent à la survie de la communauté, et cela, par l’extension de leurs tâches domestiques et sociales. Plus le conflit prend de l’ampleur, plus leurs activités se diversifient : elles intègrent d’autres tâches à celles qui leur sont traditionnellement assignées. À l’issue du conflit, une grande partie des femmes palestiniennes commencent à prendre leurs distances de la lutte nationale partisane. Pour plusieurs d’entre elles, la fin de la guerre est aussi la fin des illusions : elles ont le sentiment d’avoir été abandonnées par la classe politique. Ainsi, le mouvement nationaliste palestinien a certes bousculé les rôles de genre, mais il n’a pas permis d’induire des changements durables. Dans les récits des femmes, on voit qu’à travers l’exil s’est créé un lien avec ce milieu que l’on croyait temporaire, le camp de Bourj El Barajneh : un lien qui se situe au cœur d’une tension entre un pôle réel et un pôle symbolique. Le camp « réel » est décrit comme insalubre, instable et non sécuritaire, et la vie dans ce camp est à ce point précaire et difficile que les femmes s’accrochent à cet autre camp qui, lui, est porteur de mémoire, de souvenirs, de relations et de rêves. C’est d’ailleurs parce que ce second pôle existe que la vie dans le camp peut être tolérée. Si la lutte nationale a été pour une certaine génération de Palestiniennes la préoccupation première, la fin de la guerre signe la perte de vitesse de cette lutte qui s’est longtemps avérée structurante. Ceci dit, le modèle de résistance, lui, persiste. Les femmes continuent de lutter et apparaissent comme des « actrices de la transmission ». L’un de ces projets qu’elles font leur, la transmission de l’identité religieuse, prend rapidement de l’ampleur alors que la communauté palestinienne peine à se relever des affres de la guerre. Nombreuses sont les femmes qui cherchent un sens à la vie dans ce cumul de catastrophes, et la religion les soutient dans cette quête, mais en plus c’est à travers elle que le projet du retour en Palestine est porté. D’ailleurs, la mémoire de la Palestine est une autre valeur que les femmes cherchent à transmettre d’une génération à l’autre. Maintenir la mémoire de la Palestine est un rôle traditionnel de la femme palestinienne. Ceci dit, les femmes ne remplissent pas ce rôle « aveuglément » : elles transmettent une mémoire, un message qu’elles ont cherché, reconstruit, évalué et parfois critiqué. Enfin, un autre projet se manifeste rapidement dans l’exil : la transmission des connaissances, une valeur phare pour les Palestiniennes puisque à la fois stratégie de survie, de développement et d’ascension sociale. Mais pour quelques-unes, l’éducation est une lutte parce que confrontée à des contraintes contextuelles et au poids des traditions. Ainsi, c’est par des valeurs traditionnellement portées et transmises par les femmes – l’identité religieuse, la mémoire et l’éducation – que l’oppression et la colonisation des Palestiniens se combattent au quotidien.
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La porte d’entrée méthodologique de cette recherche repose sur l’observation participante d’une patiente atteinte de «douleur chronique» adressée pour accompagnement thérapeutique par le Qi Gong. L’énoncé fréquent de situations de conflit avec la famille, avec l’employeur ou avec les médecins, m’a amenée à y considérer la similitude entre les symptômes énoncés, les usages du corps et les attitudes mentales en lien avec une représentation mécaniste et duelle du corps. Marcel Mauss a été le premier à désigner ce rapport entre les usages du corps et les paradigmes sociétaux et culturels, à l’œuvre. Dans une ère fortement marquée par la robotisation des entreprises et des services, la dématérialisation des documents et la tyrannie des nouvelles technologies, la «douleur chronique» vient donc questionner les usages du corps contemporain dans un monde du travail axé sur la performance et la productivité. Cette recherche a pour but d’interroger en quoi la «douleur chronique» serait un symptôme des apories contemporaines, dépassant ainsi largement le champ de la médecine et en quoi elle serait comme l’arme du faible, the weapon of the weak, en contexte d’oppression (Scott, 1985). Ultimement, elle questionne l’affirmation de Michel Foucault selon laquelle «nous avons tous du pouvoir dans le corps» (1987: 27). Le recueil de récits de vie auprès de professionnels de la danse, pressentis pour leur habileté à décrire leur ressenti, y déjoue une tendance à reléguer dans le domaine de la psyché ce qui ne fait pas la preuve de son évidence. La forte crédibilité de leur parole permet en outre de mieux documenter un phénomène complexe, entâché de beaucoup d’à priori et de révéler les dynamiques de pouvoir à l’œuvre au sein d’une profession confrontée aux limites corporelles, plus que tout autre, dans l’exercice de son art. Une approche généalogique de ces histoires de douleur et leur mise côte à côte permet d’identifier les «plis» que sont l’endurance et le rejet de toute médication face à la douleur et comment ils infléchissent son évolution. Une analyse plus approfondie des six d’entre elles qui s’en sont sorties y démontre que si le pouvoir s’exerce sur un corps perçu comme docile, il peut aussi s’inverser pour contribuer à la guérison, au prix d’une insurrection de savoirs enfouis, universels, mais «assujettis», et d’un changement de paradigme. Ainsi, une meilleure compréhension de la «douleur chronique» laisse entrevoir une possible réversibilité du phénomène et une réinsertion sociale, avec ou sans réorientation de carrière, à condition de repenser nos modes de représentation, de production, de relation au travail et aux usages du corps, le rapport à l’Autre et à soi.
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Ce travail analyse les transformations du Graal en comparant sa représentation dans les romans médiévaux et dans trois textes de théâtre modernes. Le Graal, apparu dans la littérature au Moyen Âge, reste une source d'inspiration pour les écrivains modernes au point de gagner, avec le temps, un statut légendaire. L'objet de prédilection de la littérature arthurienne a évolué de façon significative dès le Moyen Âge, où il reste cependant confiné aux formes narratives. Après le « festival scénique sacré » (Bühnenweihfestspiel), Parsifal, de Wagner présenté en 1882 à Bayreuth, des œuvres plus récentes réactualisent le mythe en cherchant à l'adapter au théâtre. Jean Cocteau, en 1937, dans Les Chevaliers de la Table Ronde, présente un Graal inaccessible, immatériel. En 1948, Julien Gracq, dans Le Roi Pêcheur, inscrit le Graal dans l'opposition entre le profane et le sacré. Jacques Roubaud et Florence Delay, dans les éditions de 1977 et 2005 de Graal Théâtre, optent pour une récriture où les représentations du mythe se côtoient et se confrontent. Ces textes de théâtre modernes, où la représentation du Graal se situe au cœur du projet d'écriture, entrent ainsi en relation directe avec les œuvres médiévales. Ils s'inscrivent dans une redéfinition de l'objet qui se renouvelle sans cesse depuis Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Dans les trois cas, la représentation du Graal entretient des relations contradictoires de filiation et de rupture avec la littérature arthurienne de l'époque médiévale. L'hypothèse principale de cette recherche se situe dans la problématique de la récriture comme transformation d'un héritage. Plus précisément, il sera question de comprendre comment la représentation du Graal dans les textes de théâtre pose problème et comment cette question est modulée, travaillée par les auteurs en termes rhétoriques, stylistiques et dramaturgiques. L'utilisation de la parodie, d'anachronismes et de voix dramatiques nouvelles, par exemple, permet aux auteurs modernes de revisiter et de changer le rapport à l'objet. Le Graal se redéfinit dans des contextes historiques et dans un genre distincts de leur source du Moyen Âge.
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Comment comprendre l’abjection qui travaille les textes littéraires de femmes auteures contemporaines ? Quelle abjection habite les récits Putain (2001), Folle (2004) et À ciel ouvert (2007) de la Québécoise Nelly Arcan? D’abord, sont esquissées une synthèse des multiples acceptions théoriques de l’abjection et une liste d’« objets » à l’abjection archétypale, avant de montrer comment l’abject est susceptible d’être dialectiquement relevé en son contraire, notamment dans l’œuvre littéraire. Une carte de l’imaginaire de l’abjection arcanienne est ensuite dressée : les représentations abjectes du féminin donnent naissance à plusieurs topos spécifiques, et des mécanismes abjects dé-forment le corps du texte, entraîné dans la logique tragique de l’éternel retour. Puis les effets performatifs du texte arcanien sont examinés : sur le plan affectif, il permettent une purification de l’abjection et, sur le plan discursif et énonciatif, une critique de celle-ci. Enfin, le corpus arcanien, à la fois poétiquement, esthétiquement et performativement, s’inscrit dans le sillage des grands écrivains de l’abjection du XXe siècle. C’est, en tout cas, ce que les résultats de cette étude permettent de conclure.
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Cette thèse propose une contribution théorique et méthodologique pour l’étude de la constitution de l’identité dans les organisations. Elle présente le développement d’une conceptualisation originale du problème de la durée des identités, qui s’incarne à travers la tension stabilité-changement. L’identité, vue soit comme une réalité qui évolue au fil des changements, ou alors comme quelque chose qui perdure, est abondamment étudiée en communication organisationnelle. En effet, plusieurs auteurs mettent l’accent sur la dimension performative de l’identité au détriment de sa dimension stable et fixe. Je propose, dans cette thèse, que ces deux dimensions de l’identité sont l’objet d’une tension dialectique, et que la configuration et l’interprétation de narratifs identitaires par les individus en interaction permet d’effectuer la médiation entre ces deux aspects de l’identité (Ricoeur, 1990). La thèse s’efforce de montrer que la mise en tension des dimensions temporelles de l’identité permet par ailleurs de regarder la construction concomitante des identités personnelles, collectives et de l’organisation. À partir d’une méthode d’analyse élaborée à partir de la théorie de l’identité narrative de Paul Ricoeur (1990) et inspirée de l’analyse de conversation, je réalise une étude minutieuse de narratifs identitaires produits lors d’entrevues de groupe. Cette méthode a permis d’analyser simultanément et comme un tout le contenu textuel des narratifs ainsi que leur performance en contexte. Les données analysées proviennent d’un travail de recherche de terrain que j’ai réalisé en 2007 et 2008 auprès des employés de la division québécoise de la Gendarmerie royale du Canada.
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Cette thèse explore la relation entre les littératures autochtones et multiculturelles du Canada. Même si les critiques littéraires examinent les littératures dites mineures de plus en plus, ces dernières sont rarement étudiées sans la présence médiatrice de la littérature canadienne considérée comme étant dominante. Afin de produire une telle analyse, cette thèse mobilise le concept d’hybridité en tant que catégorie d’analyse de texte qui, en plus de son histoire raciale et coloniale, décrit convenablement les formes d’expérimentations stylistiques que les écrivains autochtones et multiculturels emploient afin de représenter et questionner leur marginalisation. Ne voulant pas reproduire les interprétations fétichistes qui réduisent les littératures autochtones et multiculturelles à leurs représentations de concepts d’altérité, j’examine ces textes dans leurs relations avec différents discours et débats ayant marqué les études littéraires canadiennes, notamment, le long poème canadien, l’écriture des prairies canadiennes, la littérature urbaine, le multiculturalisme, et les premières nations. Ma méthode d’analyse repose sur la façon dont chaque texte étudié alimente ces catégories d’analyse littéraire tout en les modifiant radicalement. De plus, je développe un cadre conceptuel et théorique permettant l’étude de la relation entre les textes autochtones et multiculturels sans toutefois confondre ou réduire les contextes d’où proviennent ces littératures. Ma thèse et ma méthode d’analyse se concrétise par l’interprétation des textes écrits par Armand Garnet Ruffo, Suzette Mayr, Rawi Hage, et Jeannette Armstrong. Le chapitre d’introduction détaille la façon dont la relation entre les textes autochtones et multiculturels a été appréhendée jusqu’à présent. J’y élabore mon cadre théorique qui joint et réinterprète de manière critique diverses théories, dont celle du postcolonialisme, de l’hybridité, et de la mondialisation, et la façon dont ces théories se rapportent aux études littéraires canadiennes. Dans mon deuxième chapitre, j’analyse le long poème d’Armand Garnet Ruffo, Grey Owl: The Mystery of Archie Belaney, en m’attardant particulièrement aux stratégies d’expérimentations stylistiques et génériques que Ruffo développe afin de rendre le genre du long poème canadien autochtone et de questionner l’identité de Grey Owl. Mon troisième chapitre examine Venous Hum, un roman de Suzette Mayr. Ce texte remet en question la tradition de « prairie writing », le multiculturalisme canadien, et le conservatisme albertain à travers son style expérimental, son usage des métaphores et du réalisme magique. Mon quatrième chapitre interprète le roman montréalais Cockroach, de Rawi Hage, en examinant la façon dont ses unités locales, nationales, et globales rencontrent le colonialisme et contestent les discours nationaux une fois que sa critique de la mondialisation se trouve réarticulée dans une approbation des discours d’interventions humanitaires de l’occident. Mon dernier chapitre explore le roman de Jeannette Armstrong, Whispering in Shadows, afin de démontrer les limites de ma méthode d’analyse. Puisque l’hybridité sous-entend inévitablement la notion d’assimilation, son application dans le contexte de l’œuvre d’Armstrong s’avèrerait réductrice. Pour cette raison, ce chapitre utilise des concepts autochtones définis par Armstrong afin de développer une méthode de lecture non-hégémonique. Ma thèse examine donc la façon dont chaque texte déploie le concept d’hybridité pour à la fois contester et enrichir les discours critiques qui tentent de contenir ces textes. Elle contribue aux études postcoloniales de la littérature canadienne en élargissant leur champ habituel pour inclure les complexités des théories de la mondialisation, et en examinant quelles stratégies littéraires les textes autochtones et multiculturels partagent, mais mobilisent à des fins différentes.
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Étant tous les deux récits d’événements, l’histoire et le roman ne sont pas logés à la même enseigne : le contenu du texte romanesque est habituellement considéré comme le contraire de celui du texte historique. On suppose que l’histoire raconte les vraies choses alors que le roman excelle dans l’imaginaire. Dans la représentation des génocides, le discours romanesque et celui historique partagent de nombreuses stratégies narratives à partir desquelles se réalise la relecture de l’expérience tragique. De nombreux artifices incitent le discours à se contenter d’être le (trans)porteur d’une conscience souveraine qui transcende les faits, le temps et l’espace reliés à l’événement. Ni l’histoire ni le roman ne sont reconstitutions expérientielles, mais le procédé de mise en récit doit démontrer une épaisseur discursive pouvant produire chez le lecteur la représentation d’un monde. Cette thèse prend pour objet les modalités littéraires des récits et des romans qui essayent de représenter l’expérience du génocide. En analysant ce dispositif discursif qui ne fait plus de différence entre le réel, le vrai et la vraisemblance, les livres de notre corpus présentent l’expérience du génocide et pensent les brisures et les déchirures d’humanité constatées dans différentes régions du monde (dans l’Empire ottoman, dans l’Allemagne nazie, en Bosnie, au Rwanda, etc.). Dans cette perspective, nous examinons la littérarisation de ces événements horribles qui se déroulent suivant un schéma narratif formé de séquences véridiques et de scènes imaginaires mettant en exergue toutes les innovations stylistiques et langagières qui font la singularité et l’originalité des ces œuvres. Fort de ces spécificités, les quatre principaux romans de notre corpus (Journal de déportation, Être sans destin, Le soldat et le gramophone et Le Passé devant soi) s’appuient sur une vraisemblance littéraire ou poétique qui leur permet d’aller à la quête d’une vérité ; une vérité littéraire non seulement subjective, mais en mesure d’accompagner la vérité historique.