102 resultados para altérité
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Relevant globalement de l'analyse de discours, cette thèse se propose en deux temps (questions de méthode, puis analyses) d'étudier dans le détail et d'interpréter des lettres asilaires initialement gardées au sein d'archives médicales de différents hôpitaux psychiatriques de Suisse romande et désormais conservées à la Collection de l'Art Brut, à Lausanne. Ce transfert institutionnel noue le problème central posé par le corpus recueilli : quelle lecture accorder à ces productions qui, dans ces conditions, semblent échapper à toute catégorisation générique a priori ou, en reformulant l'interrogation, en quoi est-ce que les oeuvres d'art brut dépassent-elles leur statut de documents cliniques? Pour répondre à cette ample question, il faut une théorie du langage qui conceptualise des modalités de réception. En l'occurrence, les textes retenus sont abordés à partir de la théorie de Yénonciation, élaborée au moins depuis Emile Benveniste, qui implique de saisir le langage non à partir de la perspective de l'interprété mais depuis celle de l'interprétant.¦Une fois ce fondement énonciatif posé, de nombreux problèmes peuvent être posés et permettent d'architecturer le travail. L'énonciation installe en premier lieu l'univers du discours, qui implique de tenir globalement compte du primat de l'interdiscursivité, autant dans le geste raisonné de constitution du corpus que dans la conduite de son interprétation. En l'occurrence, la thématique de la folie est ici centrale : les production retenues ont en effet d'abord fait l'objet du diagnostic psychiatrique et y ont eu valeur de symptômes ; elles ont ensuite intégré les rangs de la Collection de l'Art Brut, dont les principaux artisans (Jean Dubuffet et Michel Thévoz en tête) ont beaucoup insisté sur le renouvellement du regard à apporter sur la folie, celle-ci y étant considérée pour ses vertus créatrices et contestatrices.¦Le cadrage (doublement) dialogique du corpus implique à grands traits de lier la folie et le langage ou, plus spécifiquement, de faire de la folie non plus une pathologie mais un problème de (théorie du) langage. Pour conceptualiser ce passage, les notions de manie et de manière (Dessons) sont primordiales. La première est dotée d'une mémoire psychiatrique et fait de la folie une maladie mentale dont souffre un individu doté de son empirie et d'une psycho-biologie. La seconde, en revanche, est énonciative et concerne la subjectivation d'un langage, si spécifique qu'il implique de sortir des catégories linguistiques conventionnelles pour le désigner et le décrire, inaptes à le rationaliser. La manière rejoint donc la folie parce qu'elle rend, littéralement, fou (elle déstabilise nos grilles préformatées de lecture). En ce sens, elle implique, dans le discours, de passer d'une énonciation qui n'est pas une simple interlocution (où le langage permet à un sujet de communiquer à propos de quelque chose à un autre sujet) à une énonciation dont la réception fait problème.¦Pour saisir cette énonciation dans le discours, il importe de se débarrasser d'une rhétorique des genres pour passer, radicalement, à une poétique de Γénonciation. La rhétorique ne peut appréhender la spécificité des textes retenus ou, autrement dit, leur mode propre de signifier, pour plusieurs raisons : elle se centre sur les effets provoqués par le discours sur un « auditoire » en vue de certaines visées préalables, elle instrumentalise le langage à des fins uniquement communicatives, elle repose sur un réalisme linguistique (le rapport presque naturel entre le signifiant et le concept qu'il est censé transcrire de façon transparente), elle n'a pas de théorie du sujet (sinon un bien trop flou « locuteur »).¦Une poétique de l'énonciation offre « au contraire » (l'opposition est caricaturale ici) l'avantage de traiter dans le discours d'une énonciation qui n'est pas pensée à partir de modèles collectifs (genres, signe linguistique, ...). Dans ce dernier cas, l'appréhension du discours ne peut considérer que des variations (quand ce n'est pas des « déviances » ou des symptômes) internes à tel ou tel modèle générique, pas remis en cause comme tel. En somme, une poétique renverse la pensée du langage : elle ne l'appréhende plus à partir de catégories qui lui sont externes, mais s'intéresse à des « procédés » indésignables a priori, ou, plus globalement, à un mode spécifique de signifier, c'est-à-dire qu'il ne « fait sens » que pour un seul langage - et pas un autre.¦Le langage est alors si subjectivé qu'il confond son statut d'objet avec celui de sujet. Pour preuve, on ne le désigne plus dans le discours à partir d'une catégorie sociale générique (« c'est une lettre »), mais à partir d'un « nom d'auteur » ou, plus spécifiquement, une manière (« c'est un Aloïse », par exemple pour le cas d'une oeuvre apparentée à l'art brut), sujet théorique de l'énonciation artistique. Cette forme-sujet, comme la nommait Henri Meschonnic dans sa théorie dite du poème, se reconnaît dans l'unité (sémantique) du texte et ouvre dans le discours à un système-sujet d'organisation identifiable à l'échelle élargie d'une oeuvre. Elle permet d'inscrire pleinement la démarche dans le cadre englobant non seulement de l'analyse du discours mais aussi d'une anthropologie linguistique.¦En somme, l'objet au centre de nos préoccupations fait de ce passage (d'une rhétorique à une poétique) un problème épistémologique. Les oeuvres d'art brut impliquent de passer d'une discursivité à une autre, d'une folie psychiatrique à une folie artistique, déplaçant la folie dans le champ social. Le langage dessine bel et bien la société. Ce travail permet finalement de comprendre la contribution du langage à la construction des réalités sociales, dans l'élaboration du sens qui s'y fabrique. Son orientation herméneutique aboutit à identifier une nouvelle figure de l'altérité, inscrite au sein même de la pensée linguistique.
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Problématique : En réaction à l'émergence de société plurielle, la communauté médicale a mis en place des outils de prise en charge de l'altérité. Cependant, la culture, issue notamment des origines, des croyances et des expériences est unique à chaque patient et lui sert à appréhender la maladie. Ce pourquoi, les outils de prise en compte de la culture, et de valorisation du patient, peuvent être potentiellement étendus à tous. Objectifs : Déterminer la place de la culture en médecine de famille, les enjeux qui en dépendent et la pertinence de l'utilisation des compétences transculturelles avec tous les patients. Perfectionner ces compétences dans le but de créer un modèle bio-psycho-socio-culturel améliorant la communication et la compréhension entre patients et thérapeutes. Méthodologie : Réalisation d'une revue de la littérature en déterminant comment la culture est intégrée à la médecine sous forme de savoir théorique. Réalisation d'une recherche qualitative de type exploratoire sur la base d'entretiens enregistrés auprès de 7 médecins de famille romands, pour montrer comment la notion de culture est intégrée en pratique. Comparaison entre médecine transculturelle et approche pratique de terrain. Résultats : La culture influe sur toutes les étapes de la consultation. La pratique des médecins est influencée par leur conception de la culture. La construction commune d'une représentation de la maladie, basée sur les conceptions du patient, améliore la collaboration thérapeutique. Les compétences cliniques transculturelles actuelles semblent être applicables à tous, mais nécessitent un léger développement en intégrant l'expérience pratique quotidienne de la médecine de famille. Conclusion : L'utilisation des compétences cliniques transculturelles (savoir, savoir-faire, savoir-être) avec tous les patients est réalisable et peut être affinée d'une quatrième compétence le savoir- percevoir : capacité d'être alerte et réceptif à toute subtilité culturelle qui ressurgit de l'interaction.
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Problématique : En réaction à l'émergence de société plurielle, la communauté médicale a mis en place des outils de prise en charge de l'altérité. Cependant, la culture, issue notamment des origines, des croyances et des expériences est unique à chaque patient et lui sert à appréhender la maladie. Ce pourquoi, les outils de prise en compte de la culture, et de valorisation du patient, peuvent être potentiellement étendus à tous. Objectifs : Déterminer la place de la culture en médecine de famille, les enjeux qui en dépendent et la pertinence de l'utilisation des compétences transculturelles avec tous les patients. Perfectionner ces compétences dans le but de créer un modèle bio-psycho-socio-culturel améliorant la communication et la compréhension entre patients et thérapeutes. Méthodologie : Réalisation d'une revue de la littérature en déterminant comment la culture est intégrée à la médecine sous forme de savoir théorique. Réalisation d'une recherche qualitative de type exploratoire sur la base d'entretiens enregistrés auprès de 7 médecins de famille romands, pour montrer comment la notion de culture est intégrée en pratique. Comparaison entre médecine transculturelle et approche pratique de terrain. Résultats : La culture influe sur toutes les étapes de la consultation. La pratique des médecins est influencée par leur conception de la culture. La construction commune d'une représentation de la maladie, basée sur les conceptions du patient, améliore la collaboration thérapeutique. Les compétences cliniques transculturelles actuelles semblent être applicables à tous, mais nécessitent un léger développement en intégrant l'expérience pratique quotidienne de la médecine de famille. Conclusion : L'utilisation des compétences cliniques transculturelles (savoir, savoir-faire, savoir-être) avec tous les patients est réalisable et peut être affinée d'une quatrième compétence le savoir- percevoir : capacité d'être alerte et réceptif à toute subtilité culturelle qui ressurgit de l'interaction.
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À l'époque classique, la notion d'identité grecque s'est constituée par rapport à celle de « barbare ». Qu'en est-il dans les deux premiers siècles de l'Empire, où la diffusion de l'hellénisme est notamment le fait de sophistes grecs d'Asie Mineure, au sein d'un Empire caractérisé par la diversité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique, et qui prône une politique d'intégration ? Le sophiste Dion de Pruse et l'écrivain Lucien de Samosate sont deux représentants de cet hellénisme impérial qui n'étaient pas des Grecs de Grèce propre, avaient beaucoup voyagé et éprouvé des déceptions dans leurs rapports avec le pouvoir romain. Cette étude compare leur réception et leurs usages des préjugés et des modèles grecs traditionnels, ainsi que leur représentation des notions d'altérité et de barbarie. Dion et Lucien diffusent, sous des aspects différents, un hellénisme qui est construit par rapport à la grécité classique et aux préjugés archétypaux que celle-ci transmettait.
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La notion d'intersubjectivité est au coeur des débats contemporains dans le champ de la psychologie. L'intersubjectivité traverse en effet les différentes approches de la psychologie, des neurosciences à la psychologie sociale, des perspectives développementales aux approches psychoaffectives de la personnalité, des contextes de l'apprentissage à ceux du soin. Cet ouvrage collectif, premier volume de la collection Actualités psychologiques, se propose de faire le point sur cette notion et d'apporter des pistes actuelles de compréhension aux enjeux de la place de l'autre et de l'altérité dans la construction du sujet. Des chercheurs de renommée internationale, de Suisse et de différents pays européens, apportent ici leur contribution, dans différents domaines de la psychologie, invitant au dialogue entre les modèles théoriques qui sous-tendent la notion d'intersubjectivité et entre les méthodologies qui permettent d'en appréhender la dynamique. Contribution exceptionnelle, cet ouvrage est à destination de tous, psychologues praticiens et professionnels de la relation, chercheurs et étudiants en psychologie ou dans des disciplines connexes. Il permet d'approcher l'intersubjectivité comme une notion tout à la fois familière et complexe, au service de la rencontre de l'autre.
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Déjà le récit de Cupidon et Psyché dans l'Asinus aureus pose le problème du genre de cette histoire enchâssée, racontée par une vieille - est-ce un mythe ou une fable philosophique ? - et, par voie de conséquence, celui du statut même des dieux qui y interviennent. Qu'on voie dans Partenopeu de Blois un lointain avatar du récit d'Apulée, dans lequel la fée se substitue à Cupidon, ou qu'on le rattache au folklore (celtique), la question est sensiblement la même au XIIe siècle : les auteurs médiévaux croyaient-ils aux « êtres faés » ou ceux-ci étaient-ils à leurs yeux les acteurs imposés par le choix d'un certain univers fictionnel ? Si la critique est fondamentalement d'accord pour parler d'une « rationalisation » ou d'une « moralisation » de la fée, la démarche par laquelle l'écrivain médiéval adapte et actualise le matériau issu d'une tradition est susceptible de subtiles variations : la « réécriture » est chaque fois tributaire du projet d'écriture respectif, qu'il s'agisse de Partenopeu de Blois ou du lai de Guigemar de Marie de France. Au-delà du statut de la fée et de l'altérité qu'elle représente, c'est le statut même de la femme et du héros qui sont en cause, leur place et leur fonction au sein de la société féodale. La « translittération » de parcours narratifs stéréotypés, voire universaux, n'a ici rien à voir avec la récupération politique du folklore, transmis par voie orale, à laquelle s'attelle, quelque deux siècles plus tard, Jean d'Arras dans sa Mélusine : il extrait la légende de la fée poitevine du domaine de la fabula en inscrivant la merveille dans l'histoire, la région et l'expérience vécue pour légitimer les droits du duc de Berry sur Lusignan.
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La notion d'intersubjectivité est au coeur des débats contemporains dans le champ de la psychologie. L'intersubjectivité traverse en effet les différentes approches de la psychologie, des neurosciences à la psychologie sociale, des perspectives développementales aux approches psychoaffectives de la personnalité, des contextes de l'apprentissage à ceux du soin. Cet ouvrage collectif, premier volume de la collection Actualités psychologiques, se propose de faire le point sur cette notion et d'apporter des pistes actuelles de compréhension aux enjeux de la place de l'autre et de l'altérité dans la construction du sujet. Des chercheurs de renommée internationale, de Suisse et de différents pays européens, apportent ici leur contribution, dans différents domaines de la psychologie, invitant au dialogue entre les modèles théoriques qui sous-tendent la notion d'intersubjectivité et entre les méthodologies qui permettent d'en appréhender la dynamique. Contribution exceptionnelle, cet ouvrage est à destination de tous, psychologues praticiens et professionnels de la relation, chercheurs et étudiants en psychologie ou dans des disciplines connexes. Il permet d'approcher l'intersubjectivité comme une notion tout à la fois familière et complexe, au service de la rencontre de l'autre.
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Ce livre traque un objet jusqu'ici resté dans l'ombre de l'histoire, le voisinage en milieu urbain. Dans les villes de l'Europe en voie d'industrialisation et d'urbanisation massive, du XVIIIe au XXe siècle, comment approcher les cohabitations quotidiennes ? De la contrainte à l'accommodement, de la sociabilité choisie à la promiscuité subie, des crispations construites aux frontières érigées, de la dénonciation au crime, l'histoire, l'anthropologie et l'urbanisme sont mobilisées pour cette étude novatrice.
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A l'instar de ses voisins européens, la Suisse abrite une population de confession musulmane d'une importance démographique croissante. Souvent présentée comme une communauté monolithique, communautariste et rigoriste, cette thèse de doctorat s'est proposée d'apporter une contribution à une appréhension plus nuancée et contrastée de l'identité musulmane. Partant du postulat constructiviste que l'identité n'est pas un état, mais un processus dynamique et complexe s'échelonnant sur les différentes étapes de la vie d'un individu, cette enquête a insisté sur les différentes stratégies identitaires que peuvent mettre en place les individus selon les contextes dans lesquels il vivent et les situations qu'ils rencontrent. Sur la base d'une analyse d'entretiens effectués auprès d'un échantillon de 15 musulmans en Suisse romande, cette recherche a par exemple montré que l'identité musulmane en Suisse était la combinaison subjective et dynamique de quatre types d'identification, à savoir une identification religieuse, une identification psychologique, une identification sociétale et une identification culturelle. L'identification religieuse témoigne des rapports différenciés à Dieu, à l'altérité religieuse, à la société et à soi que peuvent entretenir les musulmans interrogés. En ceci, elle s'exprime tour à tour ou simultanément par une religiosité institutionnelle, sociale, intellectualisée ou spirituelle. Il est aussi à relever que l'identification religieuse semble avoir un poids considérable dans l'identité des musulmans interrogés, ceci quel que soit leur degré de pratique religieuse ou l'intensité de leurs convictions. L'identification psychologique participe à la construction du soi personnel par le triple processus de similarisation, de différenciation et de singularisation. En ceci, le développement de la personnalité individuelle y joue un rôle d'avant-poste. L'identification sociétale consiste essentiellement en la construction du soi comme acteur social. Elle désigne la capacité et la volonté de l'individu de se considérer non seulement comme membre, mais véritablement comme sujet actif de la société dans laquelle il vit. En ceci, l'identification sociétale s'est intéressée aux tendances et aux valeurs de la société helvétique qu'ont intégrées dans leur identité les musulmans de l'enquête. L'identification culturelle a principalement illustré le rôle des origines nationales ou culturelles et des allégeances familiales dans la construction de son identité individuelle de musulman. C'est principalement par la métaphore du « chapiteau islamique » et la relation existant entre l'appartenance confessionnelle et l'appartenance nationale qu'a été développée cette quatrième forme d'identification. Finalement relevons que le religieux islamique en Suisse ne constitue pas un cas particulier mais qu'il s'inscrit dans la dynamique général du champ religieux helvétique et du religieux en modernité tardive.
Les trajectoires migratoires: entre flux, filières et mythes : le cas des italiens du canton de Vaud
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La complexité des parcours migratoires italiens, malgré la vaste littérature existante, n?a été souvent étudiée en profondeur qu'au niveau de la Confédération Helvétique ou bien dans le cadre d'un thème spécifique lié, plus en général, à la présence italienne en Suisse. En ce qui concerne le canton de Vaud, il n'existe pas, à notre connaissance, une étude scientifique spécifique sur la communauté italienne du canton. Il existe, bien sûr, des études concernant des thèmes spécifiques - nous y avons d?ailleurs contribué -, mais en réalité cette communauté reste méconnue dans son ensemble. Si des études scientifiques ou de vulgarisation ont mis en valeur certaines spécificités surtout historiques de cette communauté étrangère du canton de Vaud et de Suisse Romande, la parole n?a pas souvent été offerte à ces mêmes Italiens. C?est en partie dans le dessin de leur donner la parole, pour se raconter et pour raconter leur histoire de l?immigration italienne de l?aprèsguerre dans le canton de Vaud que ce travail a été fait. Il ne s?agit pas de l?objectif originel de cette recherche, surtout centré sur l?individuation des caractéristiques géographiques de la communauté italienne du canton de Vaud et moins axé sur les pratiques et la parole des migrants en question. Ce n?est qu?au fil des rencontres, des discussions, de résultats scientifiques qui sentaient le déjà vu, que le projet de thèse initial a évolué en allant vers les migrants, parfois « au détriment de la science pure » mais toujours en cherchant à rendre à ces Italiens leur statut d?individus à part entière. Il faut dire en outre que les études scientifiques ou les articles de vulgarisation existants n?ont pas souvent pris en considération la dimension spatiale. Cela ne concerne pas que les écrits concernant les Italiens de Suisse romande ou de la Confédération helvétique mais, plus généralement, l'ensemble des pays où la présence d?une population d'origine italienne constitue une part considérable de la présence étrangère ou d'origine étrangère. Ce qui laisse des creux assez importants dans les connaissances - par les acteurs bien sûr - non seulement des parcours migratoires mais aussi dans l?analyse des diverses spatialités qui, sommées, superposées, entrecroisées, juxtaposées, constituent l?une des composantes majeures de tout mouvement migratoire. Le parcours de recherche et quelques résultats Partis de schémas et de connaissances scientifiques « certaines » sur les phénomènes migratoires, nous avons dû nous obliger à revoir nos certitudes et à nous former tout en poursuivant notre chemin de recherche. Les connaissances et les compétences acquises « en route » nous ont bien confirmé que, pour chercher à pénétrer dans l?écheveau des parcours migratoires, il nous fallait abandonner l?idée de pouvoir les mesurer. Si quelques velléités quantitatives nous animaient encore, les acteurs de terrain nous ont bien aidé à les dépasser, à ne pas nous conformer au dictat de vouloir à tout prix mesurer un phénomène aussi opaque que les trajectoires migratoires. Par les reconstructions et les constructions en acte de ces mêmes trajectoires, nos témoins nous ont non seulement informés mais aussi formés à la découverte et à la reconstruction « bribe par bribe » - selon l?expression de Xavier Piolle » (Piolle, 1990, p. 149) - ce cette matière dense que sont les parcours migratoires des Italiens du canton de Vaud et cherchant à définir une grille de lecture de cet objet d?étude opaque et sinueux. Au fur et à mesure que cette grille se construisait, il nous paraissait de plus en plus clair que les Italiens mobilisés dans la recherche étaient en train de nous informer sur l?existence d?un mode de vie centré sur plusieurs références spatiales, sociales et culturelles qui ne pouvait en aucune manière s?apparenter aux modèles de sédentarité et de mobilité « reconnus » par les académiciens et les gens communs. Ce mode de vie centré sur des ancrages, réels ou bien cristallisés dans la mémoire et régulièrement « re-vivifiés », est axé sur une mobilité et un mouvement qui prennent leur source dans des racines « ancestrales » ou actuelles. Dans ce nouveau mode de vie, que devient l?espace ? Il se fait un réseau fondé sur des références spatiales concrètes et quotidiennes et sur des références symboliques qui, malgré les obligations du quotidien et de la vie réelle, ne s?effacent jamais. L?ensemble de ces références sont constitutives de l?espace du migrant et de son mode de vie entre sédentarité et mobilité - anciennes et nouvelles -. Ce mode de vie est fait de ruptures, ces mêmes ruptures qui sont parfois incompréhensibles aux non-migrants, à tous ceux qui ne comprennent pas la « non conformation » du migrant à un modèle sédentaire. Ce modèle, apparemment révolutionnaire, n?est qu?un tout premier exemple, le plus ancien peut-être, des nouveaux modes de vie qui commencent à s?affirmer et à s?ancrer dans nos sociétés actuelles. Le migrant a été et continue d?être une sorte d? « éclaireur » pour ces mêmes sociétés qui, pourtant, n?arrêtent pas de le considérer « Autre » et « hors norme » par rapport au modèle de sédentarité « monolithique » dominant. Le migrant, l? « homme porteur d?un ailleurs » plus ou moins lointain, nous enseigne que de nos jours être pluriel risque bien d?être un atout, que la (re)construction de nos identités nous ouvre au principe de la multiplicité et de l?altérité. Il est bien évident que pour arriver à entrer dans cette matière fluide, multiple et complexe, nous avons dû abandonner les chemins scientifiques habituels et que nous avons dû nous concentrer sur l?émergence de « bribes » plus que sur les données concrètes et mesurables concernant les Italiens du canton de Vaud. D?objet principal de la recherche qu?elle était, la communauté italienne du canton de Vaud s?est transformée en « objet instrumental », c?est-àdire en outil nécessaire à l?émergence et à l?étude des trajectoires migratoires des Italiens vivant dans cette région. Ce choix fait au cours de la recherche risque de ne pas satisfaire tous ceux qui voudraient « en savoir plus » sur la communauté italienne et qui rechercheraient dans ce travail des informations « factuelles » et mesurables. Nous avons été tenté par ce type d?approche, nous avons même cherché à la mettre en pratique : les résultats peu parlants pour nos interrogations sur les trajectoires migratoires nous en ont dissuadé. Cette recherche risque par ailleurs de décevoir également tous ceux qui y rechercheraient des mesures d?application concrètes. L?objectif de la recherche n?était pourtant pas la définition de modes opérationnels pour agir dans le cadre de la communauté italienne mais plutôt la découverte, par le terrain et en partenariat avec les Italiens mobilisés par les enquêtes, des tenants et aboutissants - les plus importants du moins - des trajectoires migratoires. Nous considérons que la compréhension des mécanismes et des spécificités des parcours migratoires, y compris leurs contradictions et parfois leurs anachronismes, est centrale, préalable à toute action éventuellement normative ou correctrice. Il ne nous appartient donc pas de faire des recommandations, de suggérer des décisions : seule l?action informative nous revient et nous appartient. Tel était bien le but de cette recherche. Les nouvelles pistes de recherche Notre action informative consiste dans la diffusion des résultats obtenus ainsi que dans la mise en évidence et la suggestion de nouvelles pistes de recherche et d?enquête, soit réflexives soit applicatives. Il nous paraît évident que se passer d?une réflexion « genrée » des migrations pourrait limiter la découverte des ressources existantes chez les migrants ainsi que rendre partielle la compréhension des problèmes « migratoires » anciens et nouveaux. L?approche genrée, bien que peu pratiquée jusqu?à présent, est une ressource « ancienne » mais longtemps considérée accessoire par les chercheurs tout comme par les édiles. La compréhension des spécificités et des différences dans les besoins et les aspirations des migrants et des migrantes peut conduire à devoir repenser toute action normative et correctrice, toute décision et tout choix qui, sans la prise en compte de cette composante, seraient nécessairement « artificiels » et ne correspondraient pas à la réalité migratoire. Si au début de cette recherche le chemin « genré » nous paraissait difficile à parcourir, dans le cadre des enquêtes sur le terrain en particulier - cette difficulté nous a dissuadé d?en faire l?objet « central » de notre recherche -, aujourd?hui l?acceptation du changement du rôle de la femme migrante - ainsi que les changements de cette même femme, moins passive et bien plus à même d?exprimer ses besoins et ses envies - nous rassure sur les opportunités de recherche futures ainsi que sur la portée des décisions futures concernant les migrants. La piste des jeunes migrants nous paraît aussi centrale et fondamentale dans les réflexions et les applications futures. Les modèles, les modes et les choix d?intervention sur le terrain font encore trop souvent référence à une réalité migratoire qui n?est plus ou bien qui prend encore en considération des références qui ne « font plus sens » pour les jeunes migrants. Les approches intergénérationnelles commencent timidement à se diffuser, tout en gardant une « aura » expérimentale qui risque de retarder la diffusion de ce mode de réflexion et d?action de la part des édiles comme des chercheurs. Il serait pourtant indispensable de ne pas trop prolonger cette expérimentation car la réalité de nos sociétés nous montre bien que la valorisation de quelques-unes des composantes « migratoires » augmente les risques d?affaiblissement des réseaux sociaux existants - les réseaux migratoires dans ce cas spécifique -. La réalité de nos sociétés, et de la société vaudoise dans ce cas particulier, nous donne aussi clairement l?indication d?une nouvelle réalité migratoire dans la communauté italienne : celle des « high skilled ». Composante marginale pendant des décennies, elle a acquis au cours des années ?90 du poids et de la visibilité. Sommes-nous face à une nouvelle « vague » migratoire, italienne dans ce cas spécifique, moins « redoutable » que les précédentes car constituée d?individus à même de s?intégrer plus facilement dans la société locale ? Ou bien sommes-nous face à la « concrétisation » et visibilisation d?un nouveau mode de vie, centré sur la mobilité, sur la « transition mobilitaire » dont nous parle Rémy Knafou ? Il est évident que la matière est encore assez « brute », qu?il nous manque des références spécifiques pour mieux entrer en matière et argumenter. Certains Pays occidentaux ne sont-ils pas en train de se demander comment rechercher et recruter des professionnels « high skilled » ? Cette nouvelle vague migratoire est peut-être composée par des « éclaireurs » qui expérimentent un nouveau mode de vie et de valorisation de leurs compétences professionnelles « au-delà des frontières nationales » et qui s? « alimentent » de mobilités successives. Cet ensemble de pistes, mais il y en a d?autres que nous pourrions cerner en allant plus en profondeur au sein des plus importantes, s?est révélé à nous par la manière de conduire notre recherche. Celle-ci en effet nous a demandé bien des parcours « à rebours », bien des remises en question, bien des périodes de prise de distance en regard d?une matière d?analyse qui, au fil du temps, s?est faite plus dense et plus problématique. Il nous paraît fondamental de rappeler encore une fois que la recherche n?a abouti que grâce au travail conduit sur le terrain par le chercheur, en observateur et en enquêteur d?abord, en acteur et partenaire de terrain par la suite. Cette méthode de recherche, parfois encore plus spiraliforme que les parcours migratoires, nous a permis de nous construire un « savoir être chercheur » et, par conséquent, un « savoir faire la recherche » dans le champ migratoire que nous n?envisagions pas au début de ce travail. L?acquisition de ces savoirs et les choix méthodologiques assumés nous paraissent encore plus indispensables à la fin de cette étude. Il ne s?agit pas de choix « partisans ». Nous avons bien expérimenté et cherché à utiliser les diverses approches possibles. Il s?agit plutôt de choix devenus nécessaires afin de mener la recherche à terme. Après maintes tentatives méthodologiques, nous avons bien compris qu?il existe des objets d?étude qui nécessitent l?adaptation du chercheur à leurs spécificités. Nous sommes convaincu que, voulant dépasser la phase purement « comptable » ou exploratoire d?un objet complexe et problématique comme les trajectoires migratoires, les méthodes d?enquête sur le terrain et avec les acteurs de terrain, restent les seules qui nous aident à pénétrer dans l?objet de recherche lui-même, qui nous soutiennent dans l?exploration sur la durée, qui nous permettent, par l?échange de savoirs différents, de participer à la recherche du « dedans », qui nous incitent à la confrontation de nos savoirs « savants » avec d?autres savoirs encore plus « savants » mais qui ne sont pas au bénéfice de la même légitimité.
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La pensée de l'art développée par Jean Dubuffet sous le nom d'« art brut » passe par le langage et concerne les textes autant que les dessins, les peintures ou les sculptures. D'anciens écrits asilaires conservés à la Collection de l'Art Brut, à Lausanne, sont ici présentés et analysés. Ces « histoires de fou » posent à la critique des difficultés théoriques nombreuses et souvent inédites - autant de problèmes qui impliquent de s'ouvrir à une poétique de l'énonciation, dans le prolongement d'Émile Benveniste et d'Henri Meschonnic. Les « écrits bruts » déplacent la question de l'altérité de l'aliéné vers le langage. Déplacement historicisé. Moderne par excellence. C'est ce déplacement qui fait le brut de l'art. C'est ce déplacement qu'explore le présent ouvrage.
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Cette recherche porte sur les roms (vlach) qui séjournent périodiquement en Suisse italienne, en camping-cars ou en caravanes, pratiquant un semi- nomadisme lié à des motivations principalement économiques, mais également familiales et religieuses. Elle poursuit simultanément deux objectifs. Le premier est lié à un souci de médiation culturelle, qui rejoint les réflexions sur la façon de gérer au mieux les conflits entre les diverses composantes du vivre ensemble. Le second vise à approfondir la connaissance des populations roms concernées (lovara, éurara ou kalderasa, de nationalités italienne, française et espagnole). Les deux objectifs sont évidemment reliés, car comprendre les dynamiques conflictuelles exige la connaissance approfondie des acteurs en interaction. Les relations entre résidents tessinois et roms ont évolué dans le temps, avec des oscillations entre le pôle du refus et celui de l'attraction, entre rejet et reconnaissance, méfiance et confiance. Ces variations historiques renvoient à un fondement commun, à une dynamique des oppositions réciproques. L'analyse anthropologique a fait apparaître le rôle ambivalent du conflit dans la production et la reproduction de la relation d'altérité. L'exclusion des roms fournit à certaines tendances politiques locales l'occasion d'apparaître comme les protecteurs des résidents contre les étrangers ; inversement, l'opposition des roms aux gaiés leur permet de resserrer leur communauté et de prévenir l'assimilation. La médiation culturelle peut espérer gérer cette dynamique relationnelle, certainement pas la faire disparaître. Le modèle intégratif traditionnel de l'État- nation se révèle trop étroit pour accueillir la culture rom. Casser la résistance des roms envers le travail salarié et envers la scolarisation obligatoire, entraver leur semi-nomadisme (qui incite aussi leurs rencontres familiales et religieuses), refuser de reconnaître leur organe de justice interne et leur langue, tout cela ne ferait que concourir à leur disparition culturelle. Les roms sont conscients de ces possibilités, raison pour laquelle ils maintiennent une ambivalence relationnelle avec les ga£és, quitte à apparaître comme des « tsiganes indésirables ». Abstract : This research focuses on the Roma people (Vlach) who periodically stay in Italian Switzerland in caravans or camper vans, practising a semi-nomadic lifestyle - a choice based mainly on economic imperatives but also on familial and religious grounds. This study will address two objectives at the same time. The first involves cultural mediation, and considers the best way to manage the existing conflicts between the cultural components of the social environment. The second aims to increase knowledge of the Roma populations under examination - the Italian, French and Spanish Lovara, Éurara or Kalderasa. The two objectives are clearly linked, as a deeper understanding of the people involved is vital if we are to increase understanding of the dynamics of confrontation. The relationships between the residents of the Ticino area and the Roma people have evolved over time, oscillating in varying degrees between rejection and attraction, confrontation and recognition, suspicion and trust. These variations spring from a common base, a dynamic shaped by mutual opposition. The anthropological analysis highlights the ambivalent role of conflict in the production and reproduction of relations of otherness. Excluding the Roma has given some local politicians the opportunity to position themselves as protectors of residents against foreigners. Inversely, the Roma people's opposition to the Gazé strengthens links within their community and prevents assimilation. Cultural mediation may aspire to manage this relational dynamic, but not abolish it. The traditional integrative model of the nation-state has shown itself to be too restrictive to accommodate the Romani culture. Rejecting the Roma's resistance to salaried work and obligatory schooling, obstructing their semi-nomadic lifestyle (one that also involves family and religious assemblies) and refusing to recognise their traditional courts and mother tongue, all that can only contribute to the dilution of their cultural heritage. The Roma are fully aware of these possibilities, which is why they retain a relational ambivalence in their dealings with the Gazé, at the cost of appearing to be "undesirable gypsies".