883 resultados para récit de rêve
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Continuation elleptique du "Tristan en prose", qui s'inscrit dans l'interstice séparant la naissance de Tristan du remariage de Méliadus avec la fille du roi Hoël, le "Roman de Meliadus" (1235-1240) est une oeuvre demeurée ouverte, de par son inachèvement et de par le dialogue constant qu'il instaure avec les autres romans arthuriens. S'il revendique sa filiation et assume son statut de récit puîné, les réminiscences qu'il exhibe masquent aussi les gauchissements, les infléchissements qui lui permettent de faire du neuf avec du vieux. C'est ce jeu - aux deux sens du terme - que Barbara Wahlen étudie et montre à voir, non seulement dans le "Roman de Meliadus" proprement dit, mais également dans trois de ses relectures, qui actualisent et renouvellent la signification du roman en profondeur. La première est une continuation de la toute fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle qui est aujourd'hui conservée par le seul manuscrit Ferrell 5. La deuxième actualisation retenue est celle qu'offre "Meliadus de Leonnoys", l'imprimé publié en 1528 par Galliot du Pré, fruit d'un minutieux travail de découpage et de remontage. La dernière enfin est l'extrait paru en 1776 dans la "Bibliothèque Universelle des Romans".
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L'article se propose de discuter la question des modalités de la référence aux évangiles au cinéma en s'attachant à l'étude de la composante verbale et de ses liens avec la représentation de la figure christique dans deux films: le premier, Ben-Hur (Fred Niblo, 1925), est une superproduction produite par Hollywood à l'époque de l'apogée du muet; le second, Golgotha (1935), est réalisé par le cinéaste français Julien Duvivier durant les premières années de la généralisation du parlant. D'un côté l'écrit (sous forme d'intertitres), de l'autre la profération orale d'un texte. Le rapprochement proposé entre ces deux films tient à la façon dont la citation néotestamentaire participe à la construction par le film de la figure de Jésus, ou plutôt à la mise à distance de celle-ci, constamment rejetée dans une forme de hors-champ.
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Ce texte présente une partie des conclusions d'une enquête ethnographique réalisée par les deux auteurs au sein d'une communauté pentecôtiste genevoise. L'article se focalise sur une nouvelle offre thérapeutique développée en Suisse romande depuis 2002 : la chambre de guérison. Partant de l'analyse de récits relatant l'expérience de la guérison divine, cet article met en avant le rôle du corps dans l'articulation de la narration. Du vécu de la maladie et de ses conséquences, jusqu'à la guérison, six étapes centrées sur le corps sous-tendent les récits de guérison. Ce nouvel éclairage permet de mieux saisir les prétentions de cette offre pentecôtiste à se ranger au sein des quêtes de mieux-être individuelles parmi la pluralité des offres thérapeutiques complémentaires.
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La médecine prédictive évalue la probabilité que des personnes portant des mutations génétiques constitutionnelles puissent développer une maladie donnée, comme par exemple une tumeur maligne (oncogénétique). Dans le cas des prédispositions génétiques au cancer, des mesures particulières de surveillance et de prévention sont discutées en fonction de l'évaluation des risques et des résultats de l'analyse génétique, y compris certains traitements préventifs allant, à l'extrême, jusqu'à l'intervention chirurgicale prophylactique (ex : mastectomie et/ou ovariectomie). Cette étude est basée sur une interprétation psychanalytique du récit de sujets ayant entrepris une démarche en oncogénétique et vise à analyser l'impact psychique : a) du résultat de l'analyse génétique et b) de la construction de l'arbre généalogique. Elle a été conduite dans l'Unité d'oncogénétique et de prévention des cancers (UOPC) du Service d'oncologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). L'UOPC assure des consultations de conseil génétique spécialisé pour les personnes ayant des antécédents personnels et/ou familiaux de maladies tumorales suggestifs de l'existence de prédispositions génétiques au cancer. La population de cette étude comprend 125 sujets suivis lors des différentes étapes du dépistage, pour un total de 289 consultations et 50 entretiens individuels. Cette recherche montre que les sujets asymptomatiques réélaborent de façon personnelle, soit le résultat génétique (négatif ou positif), soit l'acte de prédiction. En revanche, ceux qui ont développé un cancer expriment des sentiments d'angoisse, comme s'ils subissaient les effets d'un destin inéluctable qui s'est effectivement réalisé. Par ailleurs, l'arbre généalogique est réinterprété de façon personnelle, laissant apparaître des aspects refoulés ou niés qui peuvent resurgir. Lorsque d'autres membres de la famille sont sollicités pour préciser les liens génétiques et/ou être soumis en première intention à l'analyse génétique, le sujet exprime sa difficulté de dépendre d'autres personnes pour connaître son propre statut biologique. D'une façon générale, on constate que là où la médecine prédictive réalise son acte de prévision, le sujet répond de façon imprévisible. Dans l'optique de la psychanalyse, cette imprévisibilité est liée aux aspects du « désir inconscient ». Cette étude montre aussi qu'on ne peut pas considérer le dépistage génétique comme étant la cause directe du traumatisme. L'effort doit porter sur le fait que le sujet puisse se réapproprier ce qui lui arrive, et exprimer progressivement sa souffrance spécifique en jeu dans le processus de prédiction pour créer un écart entre la vérité médicale et la sienne. L'espace de la parole devient ainsi le lieu d'un travail privilégié. La psychanalyse opère donc pour que le résultat génétique se détache de l'acte de prédiction, c'est-à-dire qu'il redevienne un moment de la vie du sujet qui puisse s'articuler comme sa propre histoire personnelle. The aim of predictive medicine is to assess the probability that individuals carrying germ-line mutations will develop certain diseases, for instance cancer (oncogenetics). In predictive oncology, particular surveillance and prevention measures are discussed with these patients in relation to risk assessment and results of genetic testing, including preventive care which can, in extremes cases, lead to prophylactic surgery (i.e. mastectomy and/or ovariectomy). This study is based on a psychoanalytic interpretation of subjects' narration of the oncogenetic process and aims at analyzing the psychological impact of a) genetic testing and b) the construction of the family tree. It was carried out at the Oncogenetics and cancer prevention unit (Unité d'oncogénétique et de prévention des cancers) from the Geneva University Hospitals (Hôpitaux Universitaires de Genève, HUG) which organizes genetic counselling for individuals having personal and/or family history suggestive of genetic predisposition to cancer. The study population comprises 125 patients followed during the successive steps of genetic counselling, for a total of 289 consultations and 50 personal interviews. This research shows that asymptomatic subjects re-elaborate in a personal way either the results of genetic testing (negative or positive) or the act of prediction. Conversely, those having developed cancer express feelings of anguish, as if they were undergoing the effects of a destiny which effectively happened. Its sight remains a difficult step of the oncogenetic process, as psychological aspects which were repressed or denied can re-appear. When some family members are solicited to help reconstructing the genetic relationships, sometimes being themselves submitted first to genetic testing, the study subject expresses the difficulty to depend on other persons to learn more about his own biological status. In this study, we observe that, in parallel to predictions delivered by the process of predictive medicine, the subject actually answers unpredictably. With a psychoanalytic perspective, this unpredictability is related to an "unconscious desire". We also find that we cannot consider that genetic screening is a direct cause of psychological trauma. Our efforts must rely on allowing the subject to re-appropriate himself what is happening, to let him progressively express his own suffering of the prediction in order to create a gap between the medical reality and his own. In this process, "speech" is needed to let this happening. Psychoanalysis works in such a way that the genetic testing's result becomes distinct from the act of prediction, a moment of the subject's life expressed as his own personal history.
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VEsquisse (1895) ainsi que le chapitre VII de L'interprétation du rêve (1900) de Freud offrent un modèle psychologique - sous-jacent à toute la psychanalyse élaborée par la suite - qui présente des analogies frap¬pantes avec les conceptions aristotéliciennes sur la psyché, principalement développées dans le De l'âme et les Petits traités d'histoire naturelle. Ceci peut se comprendre entre autres par le fait que les seuls cours uni¬versitaires de psychologie et de philosophie que Freud fréquenta, parallèlement à ses études de médecine, furent ceux du théologien, psychologue et philosophe Franz Brentano, grand spécialiste d'Aristote, dont l'impact de l'enseignement sur le jeune Freud est aujourd'hui mieux connu grâce à son échange épistolaire, au début de ses études, avec son ancien ami de gymnase Eduard Silberstein. En effet, plus d'un élément du paradigme psychologique aristotélicien, qui chez cet auteur s'ancre dans la biologie, semblent trouver écho chez Freud : ainsi, la génération de diverses sortes de représentation au sein de l'appareil psychique par l'investissement des traces mnésiques, chez Freud, fait penser à la production ât phantâsmata dans l'âme, par le travail de la phantasîa sur les mouvements résiduels de la perception sensorielle, chez Aristote. De là, ce sont autant le fonctionnement mnésique, que l'explication des phénomènes du rêve et de l'hallucination, que la compréhension du désir dans sa capacité de mettre en mouvement le vivant animé (c'est-à-dire un être doté d'une âme) qui vont représenter les points d'articulation de cette comparaison. -- The Project for a Scientific Psychology (1895) as well as Chapter VII of Freud's Interpretation of Dreams (1900) offer a psychological model - underlying the entire psychoanalysis developed hereafter - which is strikingly similar to Aristotelian conceptions of the psyche in On the Soul and Little Physical Treatises. One explanation may be that the only lectures in psychology and philosophy that Freud attended at university, alongside lectures in medicine, were given by the theologist, psychologist, and philosopher Franz Brentano, who had a deep knowledge of Aristotle. Because of young Freud's correspondence with his high school friend Eduard Silberstein at the beginning of his studies, the influence of Brentano's teachings on Freud is now better known. Indeed, much of the Aristotelian psychological paradigm - rooted in biology - seems to echo in Freud's writings. Thus, the production of various sorts of representations within the psychic apparatus by means of the investment in memory traces in Freud's model evokes the phantâsmata generated in the soul by the action of phantasîa on the residual movements of the sensory perception in Aristotle's psychology. From there, this comparison will hinge as much on the operation of memory as on the explanation of the phenomena of dreams and hallucinations, as on the understanding of desire in its ability to set the animated living being (i.e. a being with a soul) in motion.
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Die Studie geht davon aus, dass das Zusammenspiel von Text und Bild auf dem Prinzip der Dialogizität und Komplementarität zwischen zwei einander fremden Systemen gründet. Texte generieren Bilder, Bilder evozieren Narrationen. Im Zusammentreffen zwischen den beiden Medien werden Energien freigesetzt und ein Mehr an Bedeutung entsteht. Sprache und Bild können rivalisieren oder sich gegenseitig inspirieren, einander ergänzen oder ersetzen, ineinandergreifen oder kontrastieren. Abhängig von der jeweiligen Inszenierung, von der visuellen Anordnung, von inhaltlichen llbereinstimmungen oder formalen Annäherungen setzen die Medien divergierende oder kongruierende Systeme in Szene. Aus dem weiten Feld der intermedialen Verknüpfungen von Text und Bild wählt die Studie eine Reihe von Text-Bild-Kombinationen, in denen skripturale und piktoriale Elemente nebeneinander inszeniert werden und in ihrem prozesshaften Zusammenwirken den Rezipienten zur Lekture von unterschiedlichen narrativen Möglichkeiten herausfordern: Max Ernsts Collageroman Rêve d'une petite fille qui voulut entrer au CarmeI ; Peter Weiss' Text- Bild-Ensemble Der Schatten des Kòrpers des Kutschers, Le rêve de Paul Delvaux, ein Text- Bild-Projekt, für das der Nouveau Romancier Michel Butor eine Erzählung zu einer Reihe von Bildern des Surrealisten Paul Delvaux verfasst ; die Ballade Minotaurus von Friedrich Dürrenmatt , sowie Der Schachspieler, eine Reaktion des Illustrators Hannes Binder auf einen posthum erschienenen Text Durrenmatts . In fünf Einzellektüren und fünf Kapiteln wird der Frage nachgegangen wie sich Narration im Text-Bild-Spiegel generiert und welche Rolle der Lektüreakt dabei spielt. Dabei interessieren die Werke als vergleichbare, aber heterogene Kombinationsformen von Text und Bild. Im Zentrum der Analysen stehen die Darstellung von Raum- und Zeitelementen, die sprachlichen Erzählinstanzen, die das Zusammenspiel von Stimme und Körper konstituieren, sowie der Informationstrager Buch als medialer wie auch materieller Gegenstand.
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Résumé Le travail poursuit un triple objectif: A) présenter la place qu'occupe la géographie physique et la géographie urbaine dans un corpus de cinq récits de voyages castillans de la fin du Moyen-Age, en se centrant particulièrement sur le relief, les eaux continentales, les mers, les côtes, le climat, la végétation, la faune et les villes; B) analyser les ressources discursives dont se servent les rédacteurs pour transmettre ces contenus; C) et réunir le lexique géographique des textes, en l'organisant autour des thématiques mentionnées, en définissant les mots et en faisant ressortir leur valeur dans le contexte discursif. L'étude est introduite par une analyse de la situation communicative dans laquelle se forgent les récits du corpus: contexte historique, social, culturel et textuel, d'une part; identité des voyageurs- rédacteurs, identité des destinataires, et objectifs divers aussi bien des voyages que de leur mise en écriture, d'autre part. De cette analyse ressortent quelques intentions et préoccupations communes aux voyageurs-rédacteurs qui pourraient se résumer en: A) une conscience de la difficulté du voyage; B) une conscience de réaliser un mouvement vers un monde éloigné et étrange; C) une volonté de transmettre des connaissances sur le monde; D) un désir de présenter ce qu'ils racontent comme le fruit d'une expérience vécue et de le faire avec véracité. L'analyse introductoire montre également que cette approche du voyage et la conception du récit qui en découle déterminent le choix de certains contenus géographiques et une façon précise d'exposer l'expérience du voyage: les textes transmettent des connaissances sur le monde et construisent un discours informatif sur l'espace, tout en décrivant un univers étrange et en insistant sur leur caractère testimonial. Le corps du travail est articulé en trois parties. Le premier volet permet de faire émerger la place réservée à la géographie, surtout physique, dans les récits. Il dévoile l'intérêt naissant manifesté par les voyageurs-rédacteurs pour la géographie physique et témoigne de la typologie diversifiée des descriptions urbaines. Il éclaire également le rapport intime liant les thématiques privilégiées dans les textes, les intérêts des rédacteurs et de leur public, et les objectifs de chaque récit. La géographie transmise est non-livresque, issue de l'expérience et, par conséquent, partielle. Le deuxième volet montre le fonctionnement d'une description qui est porteuse d'informations sur l'espace et qui véhicule des savoirs sur le monde, en particulier sur le monde inconnu. Les opérations de nommer, mesurer et adjectiver l'espace parcouru, en le comparant ensuite à l'espace connu sont analysées en détail. Cette partie du travail met en exergue les connaissances, les croyances et les valeurs partagées entre rédacteurs et récepteurs sur lesquelles se construit un discours destiné à transmettre de nouveaux savoirs sur le monde. Les textes se présentent, en outre, comme un témoignage basé sur l'expérience des voyageurs: l'importance de l'information acquise par l'ouïe porte les rédacteurs à incorporer dans leurs récits de nombreuses voix qui racontent le monde et fait du discours géographique un discours clairement polyphonique. Enfin, le troisième volet réunit pour la première fois le lexique géographique castillan en usage à la fin du Moyen-Âge. Procédant de textes rédigés par des non spécialistes, il nous permet d'évaluer les connaissances géographiques d'un homme de l'époque et inclut définitions, exemples d'usage des mots en contexte, données étymologiques, diachroniques, morphosyntaxiques, sémantiques et encyclopédiques. Dans son ensemble, la thèse témoigne de l'intérêt d'une approche des récits de voyage par le triple axe thématique, discursif et lexical.
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Réalisée dans le cadre du projet de recherche initié à la section d'histoire et esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne autour du concept « d'Épistémè 1900 », cette thèse cherche à mettre en rapport dialogique deux « ensembles » formés par l'histoire du cinéma et l'histoire des sciences du psychisme dans une période circonscrite entre 1880 et 1910. Il s'agit de repenser les liens entre cinéma et sciences du psychisme, chacun de ces ensembles discursifs étant traités au même niveau en tant qu'objets historiques de savoir qui ont des choses à nous apprendre sur le cinéma en tant que phénomène culturel, anthropologique et social. Au passage du siècle, cinéma et sciences du psychisme se rencontrent au coeur d'une nouvelle problématisation du sujet définie par des savoirs scientifiques et parascientifiques alors confrontés aux phénomènes intriguants de l'hystérie et de l'hypnose. L'hystérie et l'hypnose provoquent des états nerveux lesquels constituent un terrain propice au développement de sujets divisés, hallucinés et intrancés, conduisant les médecins et psychologues à remettre en question l'idée d'un moi homogène et contrôlé. L'expansion d'une culture névrotique fabriquant à la chaîne des corps automatiques voués à leur inconscient cérébral permet de rapprocher le cinéma et les théories du psychisme sur une base qui a été rarement explorée jusqu'ici, en particulier relativement à la construction (théorique) du spectateur de cinéma. Si le dispositif cinématographique en tant que technique, représentation et modèle de pensée reprend à son compte l'imaginaire médical de cette époque, il contribue également en retour à façonner une conception de la subjectivité étroitement tributaire des technologies contemporaines et des fantasmes qu'elles génèrent. Aux côtés des personnages hystériques filmés par les premiers opérateurs, les spectateurs tels que décrits dans les textes-sources participent, d'une part à attester de la persistance du modèle neuro-pathologique dans la culture visuelle du début du XXe siècle, et d'autre part à transformer la vision savante du sujet dans ses rapports perceptifs et affectifs avec le monde environnant. C'est donc dans une logique d'interactions réciproques qu'il faut envisager les rapports entre le cinéma (conçu ici essentiellement comme comme un dispositif réunissant un appareillage, une image et un spectateur) et les connaissances relatives à l'intériorité psychique qui s'élaborent dans le domaine des sciences médico-psychologiques. Pour étudier ces rapports, j'ai choisi la figure du spectateur puisque les théories du psychisme s'intéressent prioritairement à l'humain et à sa subjectivité. À partir de cette figure-clé, j'ai tenté de montrer comment le spectacle cinématographique et les sciences du psychisme participent à des réflexions sur l'avènement d'une nouvelle forme de subjectivité consonante avec la modernité, une modernité qui bouleverse la manière d'envisager le fonctionnement de l'appareil psychique, donc les rapports de l'individu à soi-même et à ses images, mais aussi aux autres et au monde en général. Les croisements entre le sujet du cinéma et le sujet des sciences du psychisme s'effectuent autour de quatre paradigmes selon moi définitoires de la subjectivité autour de 1900 et structurant l'ensemble de cette recherche : la fatigue, le choc, l'hallucination et l'hypnose. En parcourant les sources, on s'aperçoit en effet qu'elles envisagent le corps humain tantôt comme une machine (un corps thermodynamique et électrophysiologique), tantôt comme hystérique ou neurasthénique (un corps traumatique et dysfonctionnel), tantôt comme rêveur (un corps producteur d'images et de sons perçus sur un mode hallucinatoire), tantôt comme hypermnésique (un corps de « clichés-souvenirs » emmagasinés à l'infini), tantôt comme hypnotisé (un corps suggestionné et contagieux). Tous ces corps, au final, ne forment qu'un seul corps générique, c'est-à-dire construisent et qualifient le corps nerveux des sciences du psychisme qui se manifeste sous différentes facettes en fonction des pathologies et des situations. À la fois unique et multiple, ce corps nerveux subsume le corpsmachine, le corps traumatisé, le corps halluciné et le corps hypnotisé qui font l'objet d'analyse détaillées dans les différentes parties de la thèse. Ces quatre grands « corps » retenus comme autant de déclinaisons possibles du corps nerveux sont directement mis en rapport avec quatre concepts : la fatigue, le choc, l'hallucination et l'hypnose - ce choix s'imposant face au constat de leur récurrence suite au dépouillement de nombreuses sources. J'ai tenté, au cours de ce travail, de défendre plusieurs hypothèses (ou séries d'hypothèses) relatives à l'avènement du spectateur cinématographique autour de 1900. Corrélées les unes aux autres, elles gagnent à être comprises ensemble. 1) Les sciences du psychisme et les discours sur les spectacles et dispositifs audiovisuels contribuent, dans leurs échanges, à la construction du sujet moderne, un sujet né de la révolution industrielle et s'épanouissant grâce à la culture de masse. La culture de masse met en scène des corps nerveux (automatiques, traumatisés, hallucinés et hypnotisés) dont la démultiplication sous différentes formes et en différents lieux fait émerger un nouveau modèle de subjectivité. Si le cinéma constitue un laboratoire expérimental du corps nerveux, il participe également à la transformation du corps nerveux en sujet nerveux, c'est-à-dire en un sujet moderne jouissant d'un nervosisme mué en modèle culturel. 2) Le cinématographe devient autour de 1900 un dispositif modélisateur pour les sciences du psychisme qui conceptualisent le fonctionnement de l'appareil psychique sous les espèces d'une machine projetant des sons et des images. En tant qu'opérateur de pensée, le cinéma offre une pluralité de modèles épistémologiques possibles, suivant que l'on s'intéresse à son fonctionnement général, ses détails techniques, ses effets sur les spectateurs, sa dimension spectaculaire et populaire. Par conséquent, le cinéma peut étayer une variété d'objets dans le champ des sciences médicales : le corps, l'esprit, la pensée, l'imagination, le rêve, l'hallucination, l'hypnose, la psychose ; mais aussi le corps individuel ou social, qu'ils soient sains ou malades. C'est sur cette base, j'en viens à penser que le spectateur de cinéma sert de modèle au sujet nerveux des sciences médicales. 3) Le rôle modélisateur du cinéma provoque en effet des modifications dans la manière de théoriser le corps nerveux puisqu'il fait transiter le corps nerveux de la psychopathologie vers le sujet nerveux de la culture spectaculaire moderne. Le spectateur du cinéma des premiers temps apparaît comme le prototype du sujet sidéré par le spectacle du monde moderne, prenant plaisir à être surstimulé et se prêtant volontiers au jeu de l'illusion de réalité. Actualisant un modèle de spectatorialité ambivalent, balançant entre hystérie et hypnose, le spectateur cinématographique intègre les codes de la maladie nerveuse pour leur donner une nouvelle dimension (esthétique, artistique) sur la scène sociale. 4) Les trois premières séries d'hypothèses ne peuvent être validées que si l'on examine comment les discours sur le cinéma pré-institutionnel se sont appropriés la culture du corps nerveux, de sorte à façonner un modèle de spectatorialité étayé sur les valeurs féminines d'impressionnabilité, d'excitabilité et de sentimentalité (des valeurs culturellement construites). Partant, j'ai voulu montrer que si durant la première phase de son histoire, le spectacle cinématographique fait l'objet d'une hystéricisation de la part des discours qui l'annexent à la sphère féminine de la culture de masse, dans sa phase d'institutionnalisation, on assiste à un processus de masculinisation du modèle spectatoriel (mais également, des lieux d'exibition, du mode de production, du mode de représentation, etc.).