4 resultados para Moralisation

em Université de Montréal, Canada


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L’augmentation observée de la prévalence du surpoids et de l’obésité au Québec comme ailleurs en Occident inquiète tant les gouvernements que les autorités médicales. Afin de contenir ce phénomène qui est désormais décrit comme une pandémie d’obésité, ces organisations y sont allées de différentes initiatives et recommandations, dans un contexte d’inefficacité avérée des interventions de gestion de poids à caractère clinique et d’émergence de stratégies de prévention dont l’efficacité et la sécurité à long terme restent encore à démontrer. Méthode : L’objet de cette recherche a été de décrire l’évolution du discours des organismes officiels de santé au Québec en matière de gestion du poids par l’analyse de contenu. Cette analyse a eu recours à une grille de plus de 160 documents produits au cours des 60 dernières années par les gouvernements, les autorités professionnelles et les médias québécois. Résultats et discussion : L’analyse révèle que l’évolution du discours de ces organisations s’inscrit dans trois continuums : le pathologique (une évolution, une gradation, une inflation étymologique du sens qui est donné au poids problématique); la surveillance (avec l’établissement de critères rationnels, la surveillance d’abord individuelle est devenue collective et s’est institutionnalisée); la responsabilisation (la responsabilité du poids s’est déplacée de l’individu vers le collectif puis vers le social). Ces continuums illustrent un déplacement de la manière de conceptualiser le poids de la sphère privée vers la sphère publique. Cette analyse révèle aussi qu’il y a à l’œuvre un exercice disciplinaire propre à une moralisation qui s’appuie sur la prémisse que l’augmentation de la prévalence touche toute la population de manière égale. Or, il n’en est rien.

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« Be the change you want to see in the world [of compensation] »∗∗. Le thème de la rémunération des dirigeants d’entreprises cotées appelle à de profonds changements en raison des scandales et des déséquilibres sociaux dont elle est la cause. Face aux errements d’une entreprise managériale financiarisée, la démocratie actionnariale est souvent présentée comme la solution. En responsabilisant la cité des actionnaires, voie dans laquelle se sont engouffrés certains pays industrialisés et dont le Say on pay n’est qu’une illustration, il est attendu une moralisation des pratiques et un retour au raisonnable. Si cette réflexion d’un basculement dans la répartition des pouvoirs a incontestablement ses mérites, elle est insuffisante, parcellaire et porteuse de risques comme nous le démontrons dans ce papier. Il faut aller bien au-delà et mettre en place un nouvel équilibre des normes, des structures, des intérêts et des comportements et ce, au plan international. Ce n’est qu’à cette condition que les abus entourant la rémunération des dirigeants seront traités de manière pertinente et prendront, peut-être, fin ... Dies albo natanda lapillo∗∗∗.

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La notion d’aléa moral est le gold standard de la politique de la demande en santé et justifie les politiques de partage des coûts visant à faire payer le patient. Sous l’effet des critiques théoriques dont elle a fait l’objet, la notion d’aléa moral a été progressivement vidée de son ambition originelle pour en appeler à la moralisation du comportement du patient. Elle a débouché sur une segmentation des patients distinguant ceux qui doivent être mis à contribution financière au non de la responsabilité individuelle et ceux qui doivent être protégés de cette responsabilisation. Ce texte montre que la constitution d’ordres de priorité en matière de santé est peu compatible avec l’approche en termes d’aléa moral. Les ordres de priorité ne répondent pas à une conception instrumentale. Ils reposent sur des valeurs sociétales partagées et des préférences éthiques qui sont en opposition avec la conception standard de la responsabilité et la promotion de l’individualisme.

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Symbole de modernité pendant la majeure partie du XXe siècle, la cigarette est depuis une trentaine d’années la cible d’interventions croissantes visant à réduire sa consommation. La lutte contre le tabac bénéficie d’un dispositif sans précédent qui fait office de cas d’école en santé publique, par son ampleur et par l’adhésion qu’il suscite. L’intérêt d’étudier cet objet réside ainsi dans la propriété essentielle de la lutte anti-tabac de relier un dispositif institutionnel et des motivations subjectives. Le dispositif anti-tabac (DAT) a en effet vocation à faire converger les prescriptions normatives d’un ensemble d’institutions et les désirs individuels, et y parvient manifestement dans une certaine mesure. Il permet dès lors d’aborder à la fois un travail sur les sociétés et un travail sur soi. Cette thèse entreprend une analyse sociologique du dispositif anti-tabac au Québec et vise à interroger les modalités et les fins de ce contrôle public de la consommation de tabac, en mettant au jour ses dimensions culturelles, symboliques et politiques. La santé publique apparaissant de nos jours comme lieu central de l’espace politique et social dans les sociétés contemporaines (Fassin et Dozon, 2001 :7), l’utopie d’un « monde sans fumée » se révèle selon nous tout à fait typique des enjeux qui caractérisent la modernité avancée ou « société du risque » (Beck, 2001, [1986]). Après avoir présenté le rapport historiquement ambivalent des pays occidentaux au tabac et ses enjeux, puis problématisé la question de la consommation de substances psychotropes dans le cadre d’une production et d’une construction sociale et culturelle (Fassin, 2005a), nous inscrivons le DAT dans le cadre d’une biopolitique de la population (Foucault, 1976; 1997; 2004b). À l’aune des enseignements de Michel Foucault, cette thèse consiste ainsi en l’analyse de discours croisée du dispositif institutionnel anti-tabac et de témoignages d’individus désirant arrêter de fumer, au regard du contexte social et politique de la société moderne avancée. Le DAT illustre les transformations à l’œuvre dans le champ de la santé publique, elles-mêmes caractéristiques d’une reconfiguration des modes de gouvernement des sociétés modernes avancées. La nouvelle biopolitique s’adresse en effet à des sujets libres et entreprend de produire des citoyens responsables de leur devenir biologique, des sujets de l’optimisation de leurs conditions biologiques. Elle s’appuie sur une culpabilité de type « néo-chrétien » (Quéval, 2008) qui caractérise notamment un des leviers fondamentaux du DAT. Ce dernier se caractérise par une lutte contre les fumeurs plus que contre le tabac. Il construit la figure du non-fumeur comme celle d’un individu autonome, proactif et performant et fait simultanément de l’arrêt du tabac une obligation morale. Par ce biais, il engage son public à se subjectiver comme citoyen biologique, entrepreneur de sa santé. L’analyse du DAT au Québec révèle ainsi une (re)moralisation intensive des questions de santé, par le biais d’une biomédicalisation des risques (Clarke et al., 2003; 2010), particulièrement représentative d’un nouveau mode d’exercice de l’autorité et de régulation des conduites dans les sociétés contemporaines, assimilée à une gouvernementalité néolibérale. Enfin, l’analyse de témoignages d’individus engagés dans une démarche d’arrêt du tabac révèle la centralité de la santé dans le processus contemporain d’individuation. La santé publique apparait alors comme une institution socialisatrice produisant un certain « type d’homme » centré sur sa santé et adapté aux exigences de performance et d’autonomie prévalant, ces éléments constituant désormais de manière croissante des clés d’intégration et de reconnaissance sociale.