5 resultados para Dissident intelligentsia
em Université de Montréal, Canada
Resumo:
Cette thèse de doctorat se penche sur la contribution de la pensée sociologique de Karl Mannheim (1893-1947) à la question des intellectuels sous la République de Weimar. L’objectif de notre recherche est de montrer que la sensibilité de Mannheim à l’égard de la détresse spirituelle et de la précarité matérielle des intellectuels allemands constitue le fil conducteur de sa pensée sociologique de 1921 à 1933. À cet effet, le concept d’intelligentsia sans attaches occupe une place centrale dans notre analyse, car il permet à Mannheim d’expliquer cette détresse sur le plan sociologique et de repenser les fondements de l’autonomie politique des intellectuels. Notre démarche méthodologique privilégie une histoire intellectuelle qui fait ressortir dans notre analyse une tension heuristique entre d’une part, la signification du concept d’intelligentsia sans attaches dans le cadre de l’histoire de la crise d’autonomie des intellectuels allemands dans le premier tiers du XXe siècle et d’autre part, les implications théoriques de ce concept dans le développement de la pensée sociologique de Mannheim. La tension entre l’étude du contexte historique et celle de l’évolution de l’oeuvre de Mannheim se reflète dans la structure de la thèse qui se divise en deux grandes parties : 1- Les deux premiers chapitres délimitent le contexte historique qui a présidé l’émergence du concept d’intelligentsia sans attaches. Dans le premier chapitre, nous situons le concept en question dans le contexte du déclin de l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie éduquée allemande ("Bildungsbürgertum") et de l’émergence d’une nouvelle génération d’intellectuels gravement affectée par la crise économique des années 1920. Le deuxième chapitre fait état des premiers débats théoriques et des controverses politiques qui sont à l’origine de la sociologie des intellectuels au début du XXe siècle. Une attention particulière est portée à deux sociologues importants, Max et Alfred Weber, parce qu’ils contribuent à problématiser la question du statut politique des intellectuels weimariens et inspirent à Mannheim le concept d’intelligentsia sans attaches. 2- Les trois autres chapitres font état de l’évolution du concept d’intelligentsia sans attaches dans les écrits sociologiques de Mannheim. Le troisième chapitre met en lumière la première ébauche de la théorie sociologique des intellectuels dans sa thèse d’habilitation (1925). En imputant les origines historiques des intellectuels sans attaches aux penseurs conservateurs du début du XIXe siècle, Mannheim s’intéresse à la première crise existentielle qui déchira l’intelligentsia allemande, partagée entre la nécessité de s’engager en politique ou de s’enfermer dans un idéal culturel apolitique. Dans le quatrième chapitre, nous voyons que le concept d’intelligentsia sans attaches devient le nerf du programme politique que Mannheim élabore dans son célèbre ouvrage "Ideologie und Utopie" (1929) dans le but de consolider l’autonomie de l’intelligentsia allemande. Dans le cinquième chapitre, nous analysons comment un tel projet est aux prises avec des contradictions que le sociologue est incapable de résoudre dans les dernières années de la République de Weimar. Ces contradictions concrétisent l’échec du concept d’intelligentsia sans attaches dans sa tentative de devenir un modèle d’autonomie pour les intellectuels allemands.
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Ma recherche vise à comprendre de quelle façon les principales questions économiques (carences alimentaires et énergétiques), sociales (émigration massive, inégalités, racisme), politiques (manque de liberté, autoritarisme) et culturelles (immobilisme, censure) qui se produisent à Cuba depuis 1990 jusqu’à nos jours, se reflètent sur l’œuvre artistique d'un certain nombre de groupes musicaux. L’objectif de cette étude est de définir si ces expressions artistiques peuvent être considérées comme un miroir de la société de cette période, puisque elles contemplent des aspects d’intérêt public que le discours officiel tait. L’analyse veut examiner les stratégies discursives des paroles d’une certaine production musicale représentative d’un champ musical riche et complexe. D’autre part, l’étude vise à comprendre si la musique peut être considérée comme un espace de société civile dans un contexte qui empêche la libre formation d’agents sociaux. Cette étude considère l’œuvre de cinq artistes qui cultivent des genres musicaux bien différents : trova (Frank Delgado et Carlos Varela), rap (Krudas Cubensi et Los Aldeanos) et punk (Porno Para Ricardo). L’étude sera principalement littéraire, puisque l’analyse se centrera sur les paroles des chansons, qui sont considérées comme des textes littéraires. Après avoir sélectionné un corpus significatif de chansons, celui-ci sera analysé de façon systématique et transversale, en essayant de mettre en évidence les effets produits et leurs significations, évidentes et symboliques. De façon ponctuelle, je ferai aussi référence au performance et à l’esthétique. Cette étude prétend mettre en lumière la production littéraire/musicale d'artistes peu connus hors de Cuba et peu valorisés et diffusés à l’intérieur de l’île. L’un des buts est de montrer comment, dans un contexte politique dominé par l’autoritarisme et la censure, il peut exister des formes d’expressions capables de communiquer des messages subversifs et dissidents.
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Cette recherche examine la traduction et la réception en France, en Grande Bretagne et aux États-Unis de la littérature contemporaine d’expression arabe écrite par des femmes, afin de répondre à deux questions principales: comment les écrivaines provenant de pays arabes perdent-elles leur agentivité dans les processus de traduction et de réception? Et comment la traduction et la réception de leurs textes contribuent-elles à la construction d’une altérité arabe? Pour y répondre, l’auteure examine trois romans présentant des traits thématiques et formels très différents, à savoir Fawḍā al-Ḥawāss (1997) par Ahlem Mosteghanemi, Innahā Lundun Yā ‘Azīzī (2001) par Hanan al-Shaykh et Banāt al-Riyāḍ (2005) par Rajaa Alsanea. L’analyse, basée sur le modèle à trois dimensions de Norman Fairclough, vise à découvrir comment les écrivaines expriment leur agentivité à travers l’écriture, et quelles images elles projettent d’elles-mêmes et plus généralement des femmes dans leurs sociétés respectives. L’auteure se penche ensuite sur les traductions anglaise et française de chaque roman. Elle examine les déplacements qui s’opèrent principalement sur le plan de la texture et le plan pragma-sémiotique, et interroge en quoi ces déplacements ébranlent l’autorité des écrivaines. Enfin, une étude de la réception de ces traductions en France, en Grande Bretagne et aux États-Unis vient enrichir l’analyse textuelle. À cette étape, les critiques éditoriales et universitaires ainsi que les choix éditoriaux relatifs au paratexte sont scrutés de façon à mettre en lumière les processus décisionnels, les discours et les tropes sous-tendant la mise en marché et la consommation de ces traductions. L’analyse des originaux révèle tout d’abord qu’à travers leurs textes, les auteures sont des agentes actives de changement social. Elles s’insurgent, chacune à sa manière, contre les discours hégémoniques tant locaux qu’occidentaux, et (ré-)imaginent leurs sociétés et leurs nations. Ce faisant, elles se créent leur propre espace discursif dans la sphère publique. Toutefois, la thèse montre que dans la plupart des traductions, les discours dissidents sont neutralisés, l’agentivité et la subjectivité des écrivaines minées au profit d’un discours dominant orientaliste. Ce même discours semble sous-tendre la réception des romans en traduction. Dans ce discours réifiant, l’expression de la différence culturelle est inextricablement imbriquée dans l’expression de la différence sexuelle: la « femme arabe » est la victime d’une religion islamique et d’une culture arabe essentiellement misogynes et arriérées. L’étude suggère, cependant, que ce sont moins les interventions des traductrices que les décisions des éditeurs, le travail de médiation opéré par les critiques, et l’intérêt (ou le désintérêt) des universitaires qui influencent le plus la manière dont ces romans sont mis en marché et reçus dans les nouveaux contextes. L’auteure conclut par rappeler l’importance d’une éthique de la traduction qui transcende toute approche binaire et se fonde sur une lecture éthique des textes qui fait ressortir le lien entre la poétique et la politique. Enfin, elle propose une lecture basée sur la reconnaissance du caractère situé du texte traduit comme du sujet lisant/traduisant.
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Vladimir S. Soloviev (1853-1900) était un philosophe russe, poète et dissident de la période prérévolutionnaire. Comme celle de beaucoup de ses contemporains prérévolutionnaires russes, la pensée de Soloviev fut constamment sollicitée par la réfection imminente de l’État russe dans un futur très proche. Dans le contexte de cette époque, un examen des fondements théoriques du système juridique était peut-être inévitable. Néanmoins, dans la pensée russe, c’est seulement avec Soloviev que le droit cessa d’être un sujet spécialisé dans le domaine de l’administration, ne concernant guère les grands enjeux de société, et devint intimement lié au développement même de la philosophie morale et sociale. Au sein du projet philosophique systématique que propose Soloviev, le concept de l’unitotalité est envahissant, en termes épistémologique et social. Une pierre d’assise également fondamentale est le concept philosophico-religieux de la divino-humanité, à travers lequel la source de la dignité humaine est ultimement exprimée. La philosophie juridique de Soloviev, contenue pour l’essentiel dans un traité intitulé La Justification du bien : essai de philosophie morale (1897), a pour principal objet l’interaction entre le droit et la morale. Alors que l’objet et la portée du droit peuvent être directement déduits de principes moraux, le droit ne peut pas coïncider exactement avec la morale, compte tenu de son caractère plus limité, fini et coercitif. Pour Soloviev, le droit doit imposer un niveau minimum du bien en fournissant les conditions de base (par ex. la primauté du droit, le droit à une existence digne, la liberté de conscience) pour le libre développement des facultés humaines sans transposer directement en lui la plénitude complète du bien. La principale motivation de Soloviev réside dans la prémisse théologique sous-jacente que le bien ne peut jamais être complètement subsumé sauf par un acte conscient de liberté personnelle. En tandem, Soloviev souligne le rôle progressiste de l’État pour favoriser le libre perfectionnement humain. En tant que tel, Soloviev nous fournit certaines voies innovatrices dans le façonnement de la relation tant théorique que pratique entre le droit et la religion. À l’encontre d’un compromis entre objets, c’est-à-dire un arrangement de type interculturel situé entre fragmentation culturelle (multiculturalisme idéologique) et assimilation antireligieuse (laïcité militante), l’analyse de Soloviev présente la nécessité d’une conciliation temporelle, dans une perspective historique beaucoup plus large, où la laïcité est considérée non pas comme une finalité ontologique en soi, figée dans le temps, mais comme un moyen au service d’une destinée humaine en cours d’actualisation. Le cadre philosophico-juridique de Soloviev peut être utilement mis en dialogue avec des auteurs contemporains comme Stephen L. Carter, Charles Taylor, John Witte Jr, Ronald Dworkin et Jürgen Habermas. La contribution potentielle de Soloviev sur la place de la religion dans la société russe contemporaine est également mentionnée, avec un accent particulier sur le réexamen critique de l’héritage durable de la notion byzantine de la symphonie entre l’Église et l’État. Enfin, une théorie du fédéralisme inspirée par Soloviev est développée en appliquant, sur une base comparative, des avancées théoriques dans le domaine de l’histoire juridique global à l’évolution constitutionnelle du Canada et d’Israël.
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En 1989, la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la République démocratique allemande (RDA) furent secouées par des mouvements de protestations qui précipitèrent la dissolution de leur régime communiste. Il est souvent admis, dans l’historiographie comme dans la mémoire populaire, que les intellectuels, dont plusieurs écrivains, ont joué un rôle déterminant lors de ces bouleversements. Or, l’analyse de la révolution en Allemagne de l’Est et des prises de position de son intelligentsia littéraire démontre qu’une telle conclusion s’applique mal à cet État : les auteurs phares de la RDA, qui se sont pourtant présentés pendant et après la révolution comme des victimes et des opposants au régime, n’ont jamais partagé les revendications anticommunistes de leurs concitoyens et ont conservé un discours socialiste. Ce mémoire entend expliquer cette réaction particulière des écrivains les mieux établis de l’Allemagne de l’Est – soit Christa Wolf, Heiner Müller, Stefan Heym, Volker Braun et Christoph Hein. En étudiant leurs textes non fictifs et en analysant la relation qu’ils entretenaient avec le régime, la population et l’idéologie promue en RDA, nous démontrerons que ces auteurs avaient développé, avant l’ouverture du mur de Berlin, une stratégie d’action alliant loyauté socialiste et critique de l’autoritarisme, ce qui leur avait permis de cumuler un important capital social et culturel. À l’automne 1989 et lors du processus de réunification allemande, l’intelligentsia littéraire a en fait agi en fonction de cette même stratégie ; celle-ci, toutefois, n’était pas adaptée aux nouvelles conditions sociales.