2 resultados para Dictaduras
em Université de Montréal, Canada
Resumo:
Cette thèse analyse l’articulation de l’expérience de la perte d’expérience à laquelle donnent lieu les dictatures et les post-dictatures au Chili et en Argentine dans Lumpérica (1983) de Diamela Eltit, Los planetas (1999) de Sergio Chejfec, et Los rubios (2003) d’Albertina Carri. Les dernières dictatures militaires dans le Cône sud latino-américain imposent ou préparent le terrain pour l’implantation d’un nouvel ordre néolibéral qui s’intensifie sous les régimes démocratiques postérieurs. Au cours de cette transition, le terrorisme d’État au moyen duquel les gouvernements militaires visent à éliminer toute forme de résistance à la reconfiguration de la société nécessaire à la mise en place de politiques néolibérales, donne lieu à une expérience inédite, difficile à communiquer. De plus, autant les dictatures que les démocraties post-dictatoriales mettent en oeuvre des mécanismes d’oubli du passé, soit par la répression, le consensus politique ou les moyens de communication de masse. C’est dans ce contexte que l’expérience disparaît. Le questionnement sur l’expérience de la perte d’expérience est basé principalement sur deux axes théoriques: le concept de transition de l’État au Marché dans le Cône sud latino-américain développé par des intellectuels tels que Willy Thayer, Idelber Avelar ou Brett Levinson, parmi d’autres, ainsi que sur les réflexions sur l’expérience dictatoriale de Sergio Rojas et sur la crise de l’expérience dans la modernité de Walter Benjamin. Le premier chapitre, dédié à Lumpérica, interprète le rituel nocturne où la protagoniste, une femme appelée L. Iluminada, séduit le protagoniste masculin du roman, un panneau électrique appelé “el luminoso” qui projette des messages publicitaires au milieu d’une place publique de Santiago, pour que celui-ci la blesse et marque sa peau, comme la mise en scène d’un “désir photographique” de garder une empreinte de la transition que d’autres moyens de communication tendent à effacer. Le deuxième chapitre traite de la figuration de l’excès dans Los planetas et analyse comment l’écriture, la photographie et l’espace urbain, en assumant une fonction de suppléments de la voix et de la présence de M, séquestré et disparu pendant la dictature argentine, rendent compte de l’expérience de la perte de l’expérience d’une plénitude. Après avoir exposé le rôle des jouets dans la polémique générée par Los rubios, le troisième chapitre analyse comment le film de Carri sur la mémoire de ses parents disparus transmet l’expérience des générations post-dictatoriales et fait face à l’héritage du passé par le jeu.
Resumo:
Cette thèse étudie la façon dont trois romans latino-canadiens utilisent le trope de l’exil comme allégorie d’un trauma historique qui comprend plus que l’expérience individuelle de ses protagonistes : la transition forcée de l’État vers le Marché en Amérique latine effectuée par les dictatures. Cobro revertido (1992) de José Leandro Urbina; Le pavillon des miroirs (1994) Sergio Kokis; et Rojo, amarillo y verde (2003) de Alejandro Saravia, explorent divers aspects de ce processus à travers les exercices de mémoire de leurs personnages. L’exil oblige les protagonistes de ces oeuvres à se confronter aux limites des structures sémiotiques par lesquelles ils essaient de donner un fondement idéologique à leur existence sociale. Ils découvrent ainsi qu’il n’est pas possible de reproduire des hiérarchies, des valeurs, ni des relations de pouvoir de leur pays d’origine dans leur pays d’accueil, non seulement à cause des différences culturelles, mais aussi à cause d’un changement historique qui concerne la relation du sujet avec la collectivité et le territoire. Ces œuvres abordent l’expérience de ce changement par un dialogue avec différents genres littéraires comme le roman de fondation, la méta-fiction historique du Boom, le roman de formation et le testimonio, mis en relation avec divers moments historiques, de la période nationale-populaire aux transitions, en passant par les dictatures. Cela permet aux auteurs de réfléchir aux mécanismes narratifs que plusieurs œuvres latino-américaines du XXème siècle ont utilisé pour construire et naturaliser des subjectivités favorables aux projets hégémoniques des États nationaux. Ces exercices méta-narratifs comprennent le rôle de l’écriture comme support privilégié pour l’articulation d’une identité avec le type de communauté imaginaire qu’est la nation. Ils servent aussi à signaler les limites de l’écriture dans le moment actuel du développement technologique des médias et de l’expansion du capitalisme transnational. Ainsi, les auteurs de ces œuvres cherchent d’autres formes de représentation pour rendre visibles les traces d’autres histoires qui n’ont pas pu être incorporées dans le discours historique officiel.