53 resultados para Rereading of literary cânon
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Ce mémoire démontre que la pratique littéraire de l’écrivain américain Ralph Waldo Emerson s’inscrit dans le sillage de la tradition des exercices spirituels mise au jour par l’helléniste Pierre Hadot et qu’elle permet de penser une modernité insoupçonnée par ce dernier. La production de textes littéraires devient alors une manière d’établir « une relation originale avec l’univers » (cf. l’introduction de Nature). Le premier chapitre explique la spécificité de la spiritualité traditionnelle, où l’écriture consiste à implanter en soi le texte de la tradition. La pratique littéraire de Marc Aurèle, Sénèque et saint Augustin est étudiée afin de montrer comment ils tâchent de vivre conformément à la conception de la transcendance qui est la leur : personnelle chez les stoïciens, institutionnelle chez les chrétiens. Le deuxième chapitre montre comment Emerson renverse le rapport traditionnel au texte dans la vie de l’esprit en arguant que la révélation du Christ est, à l’origine, une expérience personnelle de la transcendance qui n’est pas institutionnalisable. Il se dégage de cette confrontation romantique avec le christianisme un concept de littérature lié au mysticisme et inséparable d’une compréhension « expressiviste » du langage (Charles Taylor). Le dernier chapitre examine l’ascèse littéraire d’Emerson : sa conception antiscolastique du « scholar » est étudiée puis mise en relief avec sa façon d’arrimer sa pratique de la pensée à une conception fluctuante de l’univers. La dernière section porte sur la façon dont son mode de vie expérimental suppose une conception de la littérature en tant que processus.
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Ce mémoire porte sur l’identification et l’analyse de la pratique intertextuelle dans cinq œuvres contemporaines de l’Oulipo: Les Gens de Légende (Olivier Salon), La Décomposition (Anne F Garréta), Vanghel (Jacques Jouet) Trois Pontes (Jacques Jouet) et Eléctrico W (Hervé Le Tellier). En partant d’un réexamen des différentes théories de l’intertextualité, les lectures microtextuelles présentées ici cherchent à mettre en évidence la complexité et l’ambigüité du concept de filiation littéraire dans le processus d’écriture oulipien - que celui-ci soit interne (références aux travaux des membres du mouvement) ou externe (la littérature classique). Sont également examinées en détail les notions de contrainte et de plagiat par anticipation, mais aussi la volonté propre à l’Oulipo de mettre le lecteur dans une position particulière dans l’histoire littéraire.
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Cette thèse porte sur trois textes autobiographiques qui questionnent, à travers l’élaboration d’une pensée de l’événement, les oppositions convenues entre fiction et témoignage. L’Événement (2000) d’Annie Ernaux, Le jour où je n’étais pas là (2000) d’Hélène Cixous et L’Instant de ma mort (1994) de Maurice Blanchot présentent le récit autoréférentiel d’un événement traumatique, soit un avortement clandestin pour Ernaux, la mort en bas âge d’un enfant trisomique pour Cixous et la mise en joue par un soldat nazi lors de la Seconde Guerre mondiale pour Blanchot. Ce corpus, quoique hétérogène à plusieurs égards, loge à l’enseigne d’une littérature placée sous le signe de l’aveu, de la confession et de la révélation ; cette littérature porterait au jour ce qui était jusque-là demeuré impossible à dire. Partant de la figure de la honte inscrite dans ces trois œuvres, mais aussi dans d’autres textes de ces écrivains qui permettent de déployer ce qui se trame de secret et d’événement dans le corpus principal, cette thèse a pour objectif d’analyser les déplacements et les retours d’un trauma gardé secret pendant une quarantaine d’années et qui remonte, par la voie de l’événement, à la surface de l’écriture. Sous la double impulsion de la pensée de Jacques Derrida et de l’approche psychanalytique, cette thèse s’intéresse à la question de l’événement à l’œuvre chez Ernaux, Cixous et Blanchot. Dans chacune de ces œuvres, un événement traumatique intervient comme révélateur de l’écriture et d’un rapport singulier à la pensée de l’événement, marqué soit historiquement et politiquement (Blanchot), soit intimement (Cixous et Ernaux). Par l’écriture, ces auteurs tentent en effet de rendre compte de l’authenticité de l’événement ressenti, problématisant du même coup la nature et la fonction de l’événement tant réel que psychique dans le récit de soi. L’événement est ainsi abordé dans son caractère historique, psychanalytique mais également philosophique, ontologique ; la pensée de l’événement mise à l’épreuve des textes d’Ernaux, de Cixous et de Blanchot permet d’explorer les figures de la date, de l’archive, de la mort et du deuil qui lui sont liées, en plus de donner lieu à une poétique singulière chez chacun. Enfin, la thèse traite du rapport entre l’aveu de l’événement et la langue qui, défiant l’opposition traditionnelle du constatif et du performatif, entraîne l’événement du récit, cet autre événement qui arrive en même temps que le récit de l’événement traumatique.
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Notre analyse du rôle de l’association La ronde des poètes dans la lutte pour l’autonomie de la littérature camerounaise s’est appuyée sur l’approche sociologique de Pierre Bourdieu pour qui la société est constituée de champs spécifiques en lutte les uns contre les autres pour atteindre un statut privilégié dans le champ social, ce qui constitue un aspect de leur autonomie. Selon Bourdieu, l’étude des manifestations de l’autonomie des champs littéraires devrait tenir compte de toutes les actions entreprises par les agents dudit champ. En effet, ces différentes actions ne sont que des stratégies de lutte. Seulement, d’après Jacques Dubois, l’autonomie des littératures nationales n’est acquise que lorsque celles-ci possèdent un appareil institutionnel propre capable d’assurer seul la production et la diffusion des œuvres, la légitimation et la consécration des écrivains. Si toutes ces conditions réunies échappent encore à plusieurs littératures de l’Afrique subsaharienne, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont engagées dans un processus de lutte pour leur autonomie, ce que prouve l’exemple de La ronde des poètes, notre prétexte pour observer les manifestations de l’autonomie au sein du champ littéraire camerounais. Les stratégies de lutte de La ronde des poètes sont d’émergence et de fonctionnement. Pour le premier cas, la formule associative qui donne plus de possibilités que ne pourrait avoir un auteur isolé, le choix de la poésie aussi qui est un genre dont la production des œuvres ne nécessite pas de gros moyens financiers, nous sont apparus comme des stratégies ayant permis aux membres de La ronde des poètes de devenir des écrivains dans un contexte de production défavorable. De plus, par leurs textes fondateurs, ils se définissent comme un groupe ayant un programme d’action bien établi. Par ailleurs, ils attirent sur eux l’attention en se proclamant avant-gardistes et, pour le montrer, publient des manifestes et se détournent, idéologiquement parlant, de la poétique de la négritude dont la fixation sur la race a dominé la création littéraire pendant plusieurs décennies en Afrique. Les stratégies d’émergence de La ronde des poètes ont travaillé à l’identification de cette association comme un élément du champ littéraire camerounais ayant sa place aux côtés d’autres acteurs existant déjà dans ce champ. Pour ce qui est des stratégies de fonctionnement, La ronde des poètes s’est dotée d’un statut légal en se faisant enregistrer auprès des autorités camerounaises, ce qui la consolide dans son champ social. Sur le plan littéraire, ses membres lui confèrent un caractère institutionnel en créant en son sein des formes d’instances littéraires. Leurs ateliers d’écriture assurent la création des œuvres, les instances de diffusion prennent chez eux la forme d’un bulletin hebdomadaire, « Le rondin », mais surtout d’une revue, Hiototi : Revue camerounaise de poésie, de lettres et de culture. Cette revue recueille les articles de critiques littéraires formés à La ronde des poètes et de ceux du Cameroun. Le « Prix de la poésie rondine » est leur instance de consécration interne. Cette association réussit ainsi à obtenir la reconnaissance de pairs, poètes et écrivains camerounais et étrangers, celle aussi d’autorités camerounaises et internationales. En somme, la réunion de ces instances institutionnelles montre combien la marche vers l’autonomie de la littérature camerounaise en général est réelle.
La coédition franco-québécoise et ses conséquences sur les oeuvres de fiction publiées en traduction
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La coédition de traductions faites au Québec, puis diffusées sous la marque d’un éditeur français, est une pratique à laquelle ont recours les éditeurs pour accroître le rayonnement de leurs titres. Ces coéditions s’effectuent selon des modalités variées dont l’évolution est parfois imprévisible. Dans le processus, les éditeurs et les traducteurs sont amenés à faire des compromis sur la langue d’arrivée afin de rejoindre les publics cibles outre-Atlantique. En quoi consistent ces compromis? Sont-ils terminologiques, lexicaux, culturels ou purement subjectifs? Comment sont-ils perçus par les traducteurs et les éditeurs? Ce mémoire explore ces questions par le biais de quatre études de cas de coéditions de traductions par des éditeurs et des traducteurs littéraires du Québec. L’analyse montre que ces compromis, qu’ils soient ou non culturels, affectent peu la qualité du français mais qu’ils créent parfois chez les éditeurs et les traducteurs un sentiment de domination culturelle de la part de la France. Ce discours est cependant nuancé par les types de pratiques de coédition et par la position des traducteurs dans la structure de l’édition. Un meilleur encadrement des pratiques de coédition et une valorisation du statut du traducteur dans le champ littéraire pourraient contribuer à atténuer certaines tensions liées à la coédition.
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Ce mémoire propose une étude du dernier recueil du poète québécois Paul-Marie Lapointe, intitulé Espèces fragiles, en y détaillant la présence d’un intertexte scientifique et en dégageant les effets de sens liés à la juxtaposition de postures intertextuelles variées. Nous suggérons que l’idée d’une intertextualité dite « externe » jumelée à la notion de la « référencialité » peut aider à comprendre les enjeux d’une intertextualité scientifique en poésie. En regard de la place du sujet et de l’objet dans la poésie de Lapointe, nous montrons que la présence d’un intertexte littéraire est directement liée à l’élaboration de l’intertexte archéologique dans Espèces fragiles. Finalement, nous proposons que les effets de lecture issus des tonalités plurielles du recueil accentuent la critique des logiques économiques contemporaines présentée par Lapointe. Le détournement de l’intertexte scientifique fait ainsi valoir la nécessité d’une mémoire culturelle forte, marquée par la résurgence constante du passé dans un présent en devenir.
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Cette thèse pose la question du positionnement identitaire difficile qui marque la trajectoire littéraire de l’écrivaine belge Suzanne Lilar (1901-1992). Le tiraillement vécu par l’écrivaine entre sa vocation artistique et la nécessité de préserver une image de soi conforme aux normes du milieu social dans lequel elle s’inscrit se reflète dans les scénographies construites par ses œuvres littéraires, mais également dans son discours réflexif et paratextuel ainsi que dans la manière dont son œuvre est accueilli par la presse de l’époque. Le premier volet de cette analyse s’attache à circonscrire la position occupée par Suzanne Lilar sur la scène littéraire belge, dont la proximité avec le centre parisien a toujours entretenu la menace de l’assimilation, et sur la scène de l’écriture féminine. Le deuxième volet de cette thèse porte sur l’analyse des scénographies construites par les textes de fiction et les textes à tendance autobiographique de Suzanne Lilar. Les doubles scénographies que donnent à lire ces œuvres montrent que la démarche esthétique de Suzanne Lilar, sous-tendue par le besoin de légitimation de son entreprise, est basée principalement sur la multiplication des perspectives et des moyens d’expression. Le dédoublement de la scène énonciative des récits, la mise en abyme de la figure auctoriale ainsi que le travail d’autoréécriture témoignent de la nécessité de se positionner dans le champ littéraire, mais également de la méfiance de l’écrivaine envers l’écriture littéraire. Le troisième volet de cette recherche analyse l’éthos et la posture que Lilar construit à l’aide du discours réflexif et paratextuel par lequel elle assoit sa légitimité sur la scène littéraire et sociale. Enfin, la dernière partie de cette thèse capte les échos de l’œuvre de Lilar dans la presse de son temps. L’image de l’auteure construite par les médias permet de placer Lilar au sein de l’institution et du champ littéraire, mais également au sein du groupe social dans lequel elle s’inscrit. L’accueil réservé à l’écrivaine par la presse de son époque semble suivre les fluctuations de la posture construite par l’écrivaine elle-même. Cela confirme l’hypothèse selon laquelle Lilar est une auteure qui a éprouvé de la difficulté à assumer pleinement son rôle. Le positionnement en porte-à-faux – dont témoigne la figure du trompe-l’œil qui définit sa poétique – semble avoir représenté, pour Lilar, la seule manière d’assumer l’incontournable paratopie créatrice.
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Le début du XIXe siècle est une période marquée par de nombreux bouleversements politiques, dont les rébellions des Patriotes et l'Acte d'Union qui s'ensuit, impliquant une forte présence de la censure dans la presse canadienne de l’époque. Afin de contourner ce couperet de la censure, plusieurs journaux politiques effectuent un glissement du factuel au fictionnel. L'exemple le plus remarquable de ce choix de la littérarité est le journal Le Fantasque, édité par Napoléon Aubin et publié de 1837 à 1845 dans la ville de Québec. L'actualité y est rapportée à travers le prisme de la fiction, qui se déploie principalement par le biais des personnages. Le flâneur fantasque constitue la figure centrale et créatrice du journal. Par le récit de ses promenades et rencontres et par l'insertion de lettres presque toujours fictives de protagonistes de l'actualité, le flâneur donne accès à une multitude de voix disparates qui se font les porte-paroles de l'actualité. Ce passage systématique par les personnages fait du journal une œuvre et de l'actualité un récit. Nous étudions le système de personnages qui anime Le Fantasque de 1837 à 1842 et l’effet de son utilisation sur le récit de l’actualité et la lecture. Notre analyse s'inscrit dans le champ prolifique des études sur la presse et s’appuie principalement sur l’analyse de textes. Elle vise à ajouter aux connaissances sur les débuts de la littérature canadienne, à montrer sa vitalité et son ouverture au monde. Nous désirons aussi apporter des outils pour l'analyse de la forme journalistique et la reconnaissance des qualités littéraires de plusieurs textes publiés dans Le Fantasque.
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La question posée dans ce mémoire concerne ce que des philosophes comme Georg Lukács, Walter Benjamin et Theodor. W. Adorno appellent le contenu de vérité des œuvres littéraires. Le but de ma réflexion est de montrer qu’un tel contenu de vérité ne doit pas être recherché dans la réalité extra-littéraire par rapport à laquelle la littérature apparaît comme une représentation, pas plus que dans les intentions introduites du dehors par l’auteur ou dans la réception de l’œuvre par ses lecteurs, mais plutôt directement dans la sphère de sa production. À partir d’une lecture comparative des différentes positions défendues dans le débat des années 1930 entre Georg Lukács, Walter Benjamin, Bertolt Brecht et Ernst Bloch, la production littéraire est définie comme un phénomène par lequel l’esprit, en s’objectivant, transcende la réalité dans laquelle il s’inscrit. Il en résulte une conception du littéraire comme processus au sein duquel la relation épistémologique entre le sujet et l’objet est appréhendée d’une manière irréductible aux autres formes de connaissance.
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La recherche, construction et révision de l’identité nationale ont très longtemps constitué les éléments propulseurs de la production littéraire et intellectuelle de Porto Rico. Pourtant vers le milieu des années 90, un nouveau consensus émerge entre les écrivains qui revendiquent massivement la fin de la littérature en tant que lieu d’où forger la conscience nationale et refuse le leadership intellectuel qui avait jusqu’alors définit le travail littéraire. Les auteurs qui commencent à se manifester à ce moment se désintéressent du nationalisme comme thème littéraire. Le militantisme politique et la volonté de confrontation, modes représentationnels caractéristiques de la génération antérieure, disparaissent pour laisser place à une écriture exploratoire, centrée sur ses propres procédés, et apparemment apolitique. Une telle perte d’ancrages nationaux et territoriaux est significative de la conscience exacerbée que possèdent ces écrivains de la complexité des dynamiques culturelles qui régissent le monde postmoderne et globalisé, ainsi que de la « valeur » et de la position « marginale » qu’on leur attribue dans l’écologie mass-médiatique culturelle actuelle. La production narrative de Mayra Santos-Febres est paradigmatique de ces changements. J’aborde dans son écriture une série de dispositifs métalittéraires, autoréflexifs, « érographiques », et historiographiques qui, bien qu’ils résistent à une catégorisation homogène, démontrent un même intérêt pour des phénomènes interstitiels. En me basant sur les concepts de liminalité, principalement depuis la perspective de Victor Turner et d’écriture auto-réflexive (Patricia Waugh, Linda Hutcheon), j’analyse le positionnement liminal qu’assume Santos-Febres dans la structure culturelle globalisée actuelle, et la façon dont sa prise de position, également liminale, c’est-à-dire, sa prise de parole et son engagement se traduisent par un rapprochement narcissique à l’exercice littéraire autant dans les formes qu’elle crée qu’au niveau sémantique, narratif et discursif. Le premier chapitre analyse les contes « Dilcia M. » et « Acto de Fe » (Pez de vidrio) comme témoignages de l’érosion du patriotisme et militantisme antérieur; « La escritora» (Pez de vidrio) qui marque pour l’auteure un passage vers une esthétique centrée sus ses propres procédés créatifs; et le roman Cualquier miércoles soy tuya qui dramatise le positionnement assumé par les écrivains dans la chaine culturelle globalisée actuelle. Le second chapitre aborde la configuration des corps, espaces urbains et de l’écriture dans El cuerpo correcto qui, à travers une exubérance sexuelle/textuelle, projette des variantes réactualisées de la traditionnelle dichotomie corps/écriture. Le troisième chapitre se penche sur la configuration du travesti dans Sirena Selena vestida de pena. J’y propose de voir le travestisme, le boléro et l’écriture comme un triple exercice métalittéraire. Le dernier chapitre aborde le procédé de re-signification littéraire des images sédimentées de subordination et d’infériorité de sujet « noir ». Nuestra Señora de la Noche se penche sur la re-signification de l’hyper-sexualisation et « exotisation » qui a cimenté la construction de « l’immoralité » de la femme noire. Fe en disfraz aborde le sadomasochisme comme espace de re-signification des schèmes de domination et soumission inscrits dans l’histoire esclavagiste de Porto Rico et du trauma qui origine, et subsiste, d’une telle hiérarchie.
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Alors que les études littéraires tendent à se professionnaliser et la culture à occuper de moins en moins d’espace dans les grands médias traditionnels, les revues culturelles proposent une critique qui se distingue de ces deux pratiques. Liberté, L’Inconvénient, Contre-jour et Spirale offrent aux intellectuels, critiques et universitaires l’espace d’une pratique mitoyenne, entre celles des publications savantes et des médias grand public. Qu’ils se définissent au premier chef comme herméneutes, médiateurs ou érudits, les critiques de ces revues revendiquent tous une parole littéraire. Chacun des chapitres de ce mémoire se penche sur une publication, retraçant son histoire et étudiant les textes métacritiques afin de cerner les différences et les similitudes entre les conceptions, les fonctions et les mises en pratique de la critique. La méthode emprunte à l’histoire des revues en tant que groupes d’affiliation, développée par Andrée Fortin et Michel Lacroix. L’analyse des thèmes récurrents et des filiations, dans la lignée des travaux de Martine-Emmanuelle Lapointe et d’Anne Caumartin, ainsi que de la rhétorique, particulièrement la notion d’ethos telle que définie par Dominique Maingueneau et Ruth Amossy, permet de mettre en lumière ce qui constitue, pour les praticiens de la critique, la singularité et la valeur de la parole littéraire.
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Si la littérature est rarement considérée comme une science, comme vraie, comme créatrice d’un savoir, toujours un peu à l’écart, avec ses fictions, et ce malgré un médium, le langage, commun à la philosophie et dont la qualité discursive correspond au mode d’expression de la pensée, malgré sa place acquise parmi les disciplines académiques, c’est parce que nous refusons de voir quel rôle vital joue l’affect dans la naissance et l’élaboration de la pensée. Le rejet de l’affect par la science est lui-même le produit de plusieurs affects — peur, orgueil — à partir desquels nous créons le concept de « pensée » qui nous convient le mieux, qui nous rassure le plus : rationalité, linéarité, objectivité. En réalité, cette dernière est chaotique et subjective et c’est seulement à travers son expression dans le langage qu’elle s’ordonne et acquiert une apparence d’objectivité. Mais le langage est lui-même le produit d’affects : nulle vérité infaillible ne sous-tend l’élaboration de nos langues, de leurs règles grammaticales et des sens de leurs mots. Ainsi la littérature, malgré (ou à cause de) la fiction, les fables, les inventions, parce qu’elle est création langagière, parce qu’elle remet toujours en question le langage est, en réalité, plus lucide que la raison. De plus, toujours aux prises avec l’image, elle connaît, d’une certaine façon, l’affect. Elle tente de le représenter, afin de frapper et d’ébranler la conscience du lecteur. C’est à travers elle que j’ai voulu élaborer non pas un savoir rationnel, mais un savoir sur l’affect, un savoir affectif. Pensée critique et affect sont en effet deux composantes essentielles de la création littéraire, ce qui apparaît particulièrement dans l’œuvre d’Ingeborg Bachmann, qui compte à la fois une thèse en philosophie sur Heidegger, des recueils de poésie, de nouvelles, des essais et un cycle romanesque inachevé, Todesarten. Je me suis penchée plus précisément sur certaines de ses nouvelles ainsi que sur son seul roman achevé, Malina, afin d’y étudier la représentation de l’affect chez certains personnages féminins qui, pour éviter de trop souffrir, construisent autour d’elles un mur de mensonges. J’ai également porté une grande attention aux théories de Bachmann sur la littérature, qu’elle énonce dans ses Leçons de Francfort, ce qui m’a permis, en considérant en même temps ses œuvres de fiction de même que celles de quelques autres écrivains, d’expliquer (de façon non exhaustive) certains rôles de l’affect à la fois chez l’écrivain et chez le lecteur.
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L’avènement récent des approches littéraires en études bibliques a suscité un regain d’intérêt pour le livre de Daniel, et attiré l’attention autant sur ses qualités littéraires que sur sa véritable fonction sociale. Le livre de Daniel comprend deux sections : six récits (Daniel 1-6) et quatre visions (Daniel 7-12). Les récits racontent la confrontation entre la royauté divine céleste et la royauté humaine terrestre, au travers l’histoire de Daniel et ses amis, jeunes israélites exilés à la cour babylonienne. La méthode narrative explore comment se concrétise la narrativité dans un texte en procédant à l’inventaire des caractéristiques fondamentales d’un récit : l’intrigue, les personnages, le cadre, la temporalité et la voix narrative. Ce mémoire propose une analyse narrative systématique des récits du livre canonique de Daniel afin d’examiner l’évolution narrative du concept théologique de royauté. Cette approche permet d’accéder à un niveau textuel où l’intertextualité, l’ironie, le symbolisme et la polysémie imprègnent fortement ces récits subversifs.
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La recherche présentée dans le cadre de ce mémoire porte sur le développement de la Théorie linguistique de la traduction telle qu’élaborée par des traducteurs soviétiques à partir des années 1950. Ce mémoire vise à démontrer les particularités de l’évolution des connaissances traductologiques sous la pression politique, idéologique et institutionnelle du régime soviétique (1922-1991). En particulier, le travail cherche à expliquer les raisons qui ont abouti à l’isolement théorique de la traductologie russe. À partir de la théorie du polysystème littéraire d’Even-Zohar et de son analyse de la structure des systèmes littéraires, ce mémoire examine la structure et l’évolution des différents facteurs (producteur, institutions, produit, répertoire, marché) qui ont façonné la configuration spécifique de la Théorie linguistique de la traduction en tant que produit du système soviétique de traduction, tel qu’il se développe dans les conditions particulières du polysystème littéraire soviétique. L’analyse des travaux des auteurs dits « canonisés » de l’approche linguistique russe (Fyodorov, Retsker, Švejtser, Barkhoudarov, Komissarov) permet de montrer comment la Théorie linguistique de la traduction s’est imposée comme la seule théorie capable de survivre au contexte soviétique de pression idéologique et de contrôle total du régime communiste. Ce sont ces facteurs qui expliquent aussi le décalage théorique et institutionnel observé entre les traductologies russe et occidentale.
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Siegfried Kracauer a fait remarquer, déjà en 1931, que le bestseller est un « signe d’une expérience sociologique réussie ». Dans le cas des émissions littéraires à la télévision, nous assistons à une double configuration d’un succès : celui de l’émission, puis celui du livre. Au- delà de leur influence sur la consommation des livres, les programmes médiatiques sur la littérature font partie de l’ensemble de lieux communs (Robert, 2002) et, comme les écoles ou les institutions littéraires, participent à l’établissement des traditions de lecture. Ils présentent explicitement ou implicitement les titres désirables et prescrivent les normes de lecture acceptées. En présélectionnant des livres pour des milliers de gens à la fois, en invitant des auteurs à présenter leur œuvres ou en mettant en vedette des critiques littéraires, ces programmes de formats fort différents participent aux processus de légitimation culturelle. Cette thèse décrit les différentes modalités des formes de présentation du fait littéraire à la télévision et leurs évolutions. À travers une analyse d’une sélection d’émissions qui ont connu du succès à différentes époques et dans différents contextes culturels, cette recherche vise à cerner la relation médiatique qui existe entre la littérature et la télévision. Établissant ainsi les caractéristiques d’une expérience socio-médiatique réussie, cette thèse explore le dispositif de l’émission littéraire télévisuelle tel qu’il s’est développé entre 1950 et 2010, principalement en étudiant les émissions qui ont marqué la télévision nationale et le paysage littéraire en Allemagne, en Espagne et en France. En décrivant le dispositif médiatique qui fait le lien entre la conception, la production, le contenu et la portée de ces émissions, à travers une approche comparée et intermédiale, cette recherche analyse le complexe réseau de médiations qui entrent en jeu dans la construction et dans la réception de ces émissions, suivant quatre axes thématiques: le dispositif médiatique, la relation avec l’écrivain, le rôle primordial du présentateur et la mise en scène des lecteurs.