9 resultados para néo-orientalisme
em Université de Lausanne, Switzerland
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Peu reconnus par la critique postcoloniale, souvent assimilés sans nuances aux enjeux géopolitiques du Grand Jeu en Asie centrale à la même période, les récits des explorateurs français du Tibet manifestent pourtant des traits culturels spécifiques dont on se propose ici de mener l'archéologie. Missionnaires, aventuriers, nobles bannis, scientifiques républicains, diplomates, officiers coloniaux, intellectuels et orientalistes éclairés indiquent tous que la culture de l'exploration dont, de 1846 à 1912, ils sont les représentants se conçoit intrinsèquement comme une culture paysagère. Aussi révèlent-ils une évolution originale des savoirs sur le Tibet et des représentations du paysage tibétain qui se découvre progressivement à eux. La description du paysage participe ainsi globalement d'une histoire des sensibilités et d'une histoire des sciences, ce que l'on peut appeler une géosensibilité. Mais la description scientifique du paysage, liée à la pratique du voyage et à une confrontation à l'ailleurs, ne doit pas masquer le primat expérientiel qui lui donne sens. C'est ainsi que le paysage, en tant qu'expérience vécue, en vient à jouer le rôle d'une médiation interculturelle invitant à un renouvellement des questionnaires des explorateurs. Par ailleurs, la description scientifique participe tout autant de différents orientalismes, de différentes perceptions d'un Tibet associé par les voyageurs à un « paysage sacré ». La diversité dont ceux-ci témoignent, mais aussi les croisements de représentations issues d'autres cultures de l'exploration du Tibet - la tradition anglo-saxonne en premier lieu -, nous plongent aux origines de l'« image du Tibet » qui, au loin de la rencontre vivante des explorateurs - la Première Guerre, la Convention de Simla et l'avènement du Guomindang marquent le terme de la culture française de l'exploration du Tibet -, se cristallisera et s'unifiera dans l'imaginaire occidental du XXe siècle.
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(Résumé de l'ouvrage) C'est grâce aux portulans - ces cartes géographiques qui permettaient la navigation de port à port avec l'indication exacte de l'échelle des distances - que les navigateurs purent disposer d'une représentation beaucoup plus fidèle des côtes maritimes. Le portulan a permis au marin d'abandonner le cabotage craintif qui l'obligeait à naviguer le long des côtes, toujours tenues à distance de regard, pour la navigation en haute mer. Aujourd'hui la représentation de l'Europe est une inconnue. Le cabotage n'est plus de mise, mais le portulan manque. Nul ne peut dire où il faut commencer et où il faut jeter l'ancre. L'Europe est comme libérée de ses voeux, débordée en mille endroits. Europes intempestives présente neuf textes qui dressent une carte en filigrane, selon les termes d'une échelle inconnue qui doit faire passer pour saugrenue toute personne qui demande : « Qu'est-ce que l'Europe ? ». Il s'agit pour nous de sortir du cadastre de ce qu'il faut appeler une rhétorique Europe, avec ses métaphores fatiguées, frêles esquifs sur une mer de clichés : cap, parapet, occident, coucheries solaires et rapt.
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Tandis que les modes de la chinoiserie au XVIIIe et du japonisme au XIXe siècles ont fait l'objet d'innombrables publications, pour ce qui est des périodes antérieures les apports de l'Orient ont été généralement occultés par les historiens de l'art occidentaux. Cette véritable tache aveugle est-elle le fruit de l'ignorance ou le signe d'un chauvinisme européocentrique et anachronique ?¦On rappellera d'abord l'importance et la fréquence des contacts séculaires le long des routes de la soie, parcourues par les missionnaires et les marchands. Deux études de cas serviront ensuite à illustrer les phénomènes d'hybridation et de métissage qui résultent d'emprunts formels. Dans la peinture de paysage, la présence de nuages ou de montagnes chinoises en Europe dès le XVe siècle témoigne de migrations d'est en ouest. Quant au motif architectural de la porte en forme de gueule de monstre, présent du jardin de Bomarzo au Palazzo Zuccari de Rome, il semble également relever d'une source iconographique exotique, celle du kala indonésien.
Beyond Centre and Margin: (Self-)translation and the Ecopoetics of Space in Geetanjali Shree's "Mai"
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Croisant les concepts de traduction culturelle et une approche « queer » de l'identité, notre article propose une lecture de l'utilisation de tropes végétaux ou organiques dans le roman de Geetanjali Shree, Mai, comme critique de la logique binaire du centre et de la marge qui caractérise autant l'orientalisme que le système patriarcal. Ecrit à la première personne, le roman invente un nouvel espace d'énonciation en narrant l'enfance et la jeunesse d'une jeune femme et la constitution de son identité à travers la relation complexe qu'elle entretient avec sa mère, son milieu familial issu de la classe moyenne du Nord de l'Inde, et la société indienne contemporaine aux prises avec la globalisation. Toutefois, ce cercle ou centre est en constante évolution puisque le contexte postcolonial dans lequel ces identités féminines se situent nous amène à considérer d'autres modes d'intervention (agency) qui opèrent non seulement à travers la prise de parole mais aussi à travers l'usage stratégique du silence. Fleurissant entre l'anglais et le hindi, ces identités hybrides nous poussent à revoir nos cartographies critiques et à investiguer et investir des lieux liminaux dans lesquels des subjectivités traversent les frontières et transgressent les limites imposées par l'ordre patriarcal et les cartographies imposées par les centres de pouvoir.
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Si le Tibet figure en marge des voyages et de l'oeuvre de Théodore Pavie, il occupe pourtant une position-clé, quoique déconsidérée, dans le programme scientifique de l'auteur. L'orientaliste - indianiste et sinologue - s'est rendu en Inde et en Chine lors de son voyage de 1839, mais non au Tibet, alors encore largement inexploré. De surcroît, alors que Pavie succède à Eugène Burnouf, auteur éminent de l'Introduction au bouddhisme indien (1844), à la chaire d'études indiennes du Collège de France, ce n'est pas lui mais son condisciple Philippe-Edouard Foucaux qui prendra en charge l'enseignement du tibétain dans les milieux orientalistes parisiens. Dès lors, en quoi le nom de Pavie se rapporte-t-il à l'histoire des savoirs et des représentations du Tibet ?A Calcutta, notre voyageur fait la rencontre d'Alexandre Csoma de Kőrös, savant hongrois fondateur des études tibétaines. A son retour en France, alors même que l'on apprend en Europe l'exploit du père Huc, lequel missionnaire vient de pénétrer à Lhassa, Pavie rédige un article dans la Revue des Deux Mondes sur « Le Thibet et les études thibétaines » (1847). Cet article, pétri par un souffle romantique grandiose, articule savoirs et imaginaire sur le Tibet. Les Tibétains, sauvages et primitifs, à l'image de leur territoire, sont présentés comme les héritiers historiques des civilisations indienne et chinoise. Le Tibet apparaît dès lors comme le musée pétrifié du bouddhisme originel, que le savant peut reconstituer sous les traits - à ses yeux dégénérés - du « lamaïsme », et, en premier lieu, à travers les livres innombrables des bibliothèques des monastères tibétains - attirant sans le savoir l'attention du public français sur l'une des plus grandes littératures du monde. Tout en balisant un nouveau domaine d'études « interdisciplinaire » s'ouvrant à l'orientalisme, Pavie n'en vient-il pas à formuler ce que l'on pourrait appeler un paradoxe tibétain ? Comment le Tibet, isolé par-delà les plus imposantes chaînes de montagne du globe, peut-il être le dépositaire d'une des plus grandes civilisations de l'histoire humaine ? A l'orée de la grande période d'exploration du Tibet, l'orientaliste ne consacre-t-il pas une vision du Tibet qui fera fortune chez les voyageurs français de la seconde moitié du XIXe siècle ? Examiner ce pan de la tibétologie française naissante amène à croiser différentes figures de savants et d'explorateurs, en vue de dégager les processus par lesquels savoirs et représentations liés au Tibet se sont constitués à la fin du XIXe siècle.