20 resultados para Bourgogne, Duché de
em Université de Lausanne, Switzerland
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Au tournant du XVIe siècle, dans la plupart des cours princières européennes, le cérémonial connut une inflation sans précédent : les rituels touchant le monarque et sa famille se mirent à faire l'objet de célébrations de plus en plus élaborées, rapportées par une documentation à l'ampleur jusqu'alors inédite. C'est ce phénomène que cette thèse se propose d'analyser, en étudiant l'ensemble des cérémonies produites par un Etat particulier lors d'une période donnée - soit le duché de Savoie des années 1490 à 1550. Une recherche qui s'articule essentiellement autour de deux problématiques : la manière dont les cérémonies devinrent, d'une part, les principaux vecteurs de la mise en scène du pouvoir princier et, d'autre part, une incarnation concrète des stratégies dynastiques de la famille régnante. En un mot : comment les rituels furent utilisés comme instruments de gouvernement. Ce travail s'attelle à reconstituer en détail le déroulement et les enjeux propres à cinq genres de célébrations (les mariages, les joyeuses entrées, les baptêmes, les funérailles et les rituels liés aux ordres de chevalerie), pour ensuite réunir et comparer les résultats obtenus dans une perspective plus large, en vue de considérer le cérémonial de cour comme un tout. Il s'agit d'une démarche novatrice, car si les différents types de cérémonies princières ont chacun fait l'objet d'une abondante littérature, ils n'ont jamais véritablement été envisagés en interaction les uns avec les autres, du moins pour l'époque médiévale. Cette optique comparatiste, d'abord appliquée au champ de recherche spécifique constitué par la Savoie de la première moitié du XVIe siècle, permet ensuite une plus ample réflexion sur le cérémonial princier de la fin du Moyen Age et du début de l'époque moderne, en particulier dans l'espace francophone (Savoie, France, Bourgogne). La présente étude accorde en outre un intérêt tout particulier à un genre littéraire qui apparut à la fin du XVe siècle et connut une fortune croissante au cours des siècles suivants : les 'récits de cérémonie', soit des textes de propagande voués à relater dans leurs moindres détails des célébrations princières. Ce genre documentaire a jusqu'ici été peu étudié - et seulement pour l'époque moderne. En conséquence, cette thèse s'applique à retracer l'apparition de ces récits dans les cours princières occidentales et à proposer une typographie de leurs exemplaires les plus anciens. Enfin, le choix du cadre temporel et géographique de ce travail permet de combler partiellement un vide historiographique. Le duché de Savoie, très bien étudié jusqu'au milieu du XVe siècle et dès le milieu du XVIe siècle, n'a en effet que peu intéressé les chercheurs pour la centaine d'années s'étendant de 1450 à 1550. Sans avoir la prétention de pallier cette lacune, cette recherche offre une reconstitution précise de l'histoire du duché savoyard à la Renaissance, en particulier durant le principat du duc Charles II de Savoie (1504-1553).
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Résumé Amédée VIII, premier comte de Savoie à accéder au titre ducal en 1416, est bien connu pour avoir édicté les Statuta Sabaudie en 1430, pour être devenu ermite à Ripaille près de Thonon en 1434 et, enfin, pour avoir été élu antipape en 1439 sous le nom de Félix V. Mais ce sont surtout ses capacités de fin diplomate qui émergent de l'historiographie. Amédée VIII a en effet su rester en dehors de la guerre de Cent Ans en arbitrant les différentes parties entre 1407 et 1435, puis en continuant son oeuvre d'intermédiaire en Italie jusqu'en 1438. Loin d'être désintéressée, cette activité diplomatique a été utilisée à bon escient pour les propres intérêts du duché. Cette importante activité diplomatique s'est traduite par un nombre élevé d'ambassades envoyées auprès des protagonistes des différents conflits. La politique matrimoniale d'Amédée VIII, visant à un potentiel agrandissement du duché, a généré un tout aussi considérable va-et-vient. Néanmoins, les acteurs des négociations, qu'il s'agisse d'ambassadeurs, d'officiers ou de messagers, ainsi que les modalités pratiques et matérielles de leurs missions, ont totalement été négligés, les historiens s'étant surtout attelés à reconstituer les événements politiques et à vanter l'habileté diplomatique d'Amédée VIII. En étudiant l'exceptionnelle série de comptes conservée aux Archives d'Etat de Turin, les documents émanant des notaires ducaux ou de la Chambre, ainsi que les recueils d'instructions, il résulte qu'Amédée VIII a organisé les voyages de ses officiers au niveau législatif, administratif, financier et pratique, afin d'en faire un instrument de pouvoir et de gouvernement maîtrisé et performant. L'enjeu est en effet fondamental: au niveau international, les ambassadeurs permanents n'existant pas encore, chaque négociation est tributaire d'un voyage pour faire valoir ses droits, protéger ou élargir ses frontières, négocier un mariage, s'assurer une aide militaire ou signer un traité de paix. Les Statuta Sabaudiae sont ainsi les premiers édits savoyards conservés à évoquer les ambassadeurs. La création de dossiers diplomatiques organisés autour des négociations avec un Etat, notamment Milan, met aussi en lumière cette nécessité de contrôler l'intense activité diplomatique déployée par Amédée VIII. La bonne gestion de la diplomatie passe donc également par un important effort de classification de la documentation qu'elle génère en de véritables archives diplomatiques. De même, il ressort très clairement que la diplomatie d'Amédée VIII s'appuie sur une utilisation particulièrement ciblée de ses officiers. Le duc utilise ainsi au mieux les compétences de chacun, qu'il soit question d'ambassadeurs devant traiter de négociations capitales ou de simples chevaucheurs. Dans le cas des légats, c'est principalement dans l'entourage direct du prince qu'ils sont choisis, parmi les conseillers ou les officiers. Ils bénéficient de la confiance de leur seigneur et sont en plus au fait de la situation politique environnante. Les ambassades savoyardes sont d'ailleurs principalement composées d'après un modèle alliant le prestige de la noblesse aux capacités juridiques. Dans ce sens, les légations unissant un officier noble à un juriste sont monnaie courante. Le premier pourra briller au sein de la cour par sa maîtrise du cérémonial, tandis que le second veillera aux problèmes liés au droit et à la rédaction des actes. Amédée VIII pratique également une diplomatie de continuité en envoyant régulièrement les mêmes ambassadeurs auprès d'un seigneur. Ce procédé tend à instaurer un climat de confiance entre les deux parties, le souvenir personnel étant un facteur parfois fondamental lors de négociations. Il donne en outre aux envoyés du duc l'avantage de suivre un même dossier sur une longue période et, ainsi, d'en maîtriser les moindres aspects. Au fil des missions naissent ainsi de véritables spécialistes d'un Etat ou d'affaires particulières. Ces derniers ne sont toutefois pas cantonnés à gérer un seul type de négociation, bien que l'on puisse définir des traits particuliers. Devenu pape, Amédée VIII gardera néanmoins, jusqu'à sa mort en 1451, une influence prépondérante sur son fils Louis dépourvu de son sens aigu de la diplomatie. Le principat de Louis ne peut donc être envisagé séparément de celui de son père. Louis conservera d'ailleurs les supports établis par Amédée VIII pour son appareil diplomatique. Le nouveau duc devra cependant affronter de lourds déboires financiers et une grande instabilité du personnel administratif qui déboucheront in fine sur un refus du voyage diplomatique de la part de certains officiers, remettant ainsi en cause le service du prince.
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Les chartes de l'ancien couvent de Romainmôtier constituent une source d'information essentielle pour l'histoire du Pays de Vaud aux Xe et XIe siècles. Toutefois, malgré leur importance, elles n'ont jamais fait l'objet d'une étude d'ensemble. Les historiens dépendent encore aujourd'hui de transcriptions partielles et fautives, imprimées au XIXe siècle. Afin de remédier à cette carence historiographique, Alexandre Pahud, qui a réuni l'ensemble des documents entre 888 et 1190, propose dans sa thèse de doctorat, soutenue à l'Université de Lausanne le 25 novembre 2008, une édition critique de tous ces textes, selon les principes de l'érudition moderne. Si les Archives cantonales vaudoises conservent la majeure partie de la documentation, d'autres institutions en Suisse et à l'étranger fournissent un apport substantiel concernant Romainmôtier avant le XIIIe siècle. Il s'agit en particulier des Archives de l'Etat de Fribourg, des Archives de l'Etat de Berne et de la Bibliothèque royale de Turin. En raison d'une importante dispersion des fonds, A. Pahud a entrepris de reconstituer le chartrier du couvent, tel qu'il devait exister à l'époque médiévale. Pour cela, il s'est basé sur les notes dorsales qui figurent au verso des parchemins, ainsi que sur les anciens inventaires. La méthode utilisée a permis de retrouver plusieurs chartes du début de l'an mil, sous la forme de copies intégrales, ainsi qu'une vingtaine de notices en allemand résumant des actes des Xe-XIIe siècles, tous ces textes étant demeurés inconnus des spécialistes. Ainsi, la thèse de A. Pahud démontre qu'il est possible d'apporter de nouveaux matériaux destinés à enrichir notre connaissance de cette période reculée et mal documentée au niveau local. En parallèle, l'auteur de la thèse a mené une expertise diplomatique des chartes de Romainmôtier, c'est-à-dire une étude de leurs caractéristiques matérielles et formelles. A l'examen, il apparaît que les moines ont davantage acquis de biens qu'ils n'en ont concédé à des tiers, symptôme d'un patrimoine en voie de formation. Les actes privés, qui relatent des transactions entre le monastère et ses voisins, représentent le 80% du corpus étudié. Ils sont rédigés tantôt au présent et à la première personne, tantôt au passé et à la troisième personne, lorsqu'ils ne mélangent pas les deux types de discours. Leur valeur juridique est assurée par une liste de témoins, à défaut de tout scellement. Dans la majorité des cas, un unique scribe établit son texte en une seule fois, après la cérémonie sanctionnant le transfert de propriété. Jusqu'en 1050, ce sont généralement des personnes extérieures à Romainmôtier qui instrumentent au profit du couvent; par la suite, les clunisiens reprennent à leur compte la confection des actes qui les concernent. Curieusement, on constate une disparition radicale de l'acte privé à Romainmôtier entre 1167 et 1198, phénomène qui tranche complètement sur la conjoncture régionale. Dans la dernière partie de sa thèse, A. Pahud présente une nouvelle histoire du couvent de Romainmôtier, qui aborde à la fois les questions politiques et les structures socioéconomiques. Durant le premier tiers du XIe siècle, les clunisiens de Romainmôtier bénéficient de la protection du dernier roi de Bourgogne, Rodolphe III (993-1032), qui fonde la puissance temporelle du monastère. A cette époque, l'institution est administrée directement par l'abbé de Cluny, Odilon, responsable de Romainmôtier à titre personnel. Cependant, la disparition de Rodolphe III, dont la succession est contestée, inaugure une période de grave insécurité dans nos régions. Ces troubles profitent avant tout aux seigneurs locaux, qui prennent appui sur un château pour imposer leur domination au détriment des pouvoirs ecclésiastiques. Au milieu du XIe siècle, les possessions de Romainmôtier, qui s'étendent de chaque côté du Jura, sont menacées par trois puissants lignages, les Grandson, les Salins et les Joux. Face à cette situation périlleuse, les religieux s'adressent tour à tour au pape, à l'empereur germanique, ainsi qu'aux comtes de Bourgogne, dépositaires d'une autorité publique en Franche-Comté. Mais bien souvent, les moines doivent transiger avec leurs adversaires, en passant avec eux des accords coûteux et fragiles. Cela n'empêche pas qu'une certaine coopération s'établisse à l'occasion avec le monde laïque, qui contribue par ses aumônes au développement économique du monastère. Romainmôtier tire ses principales ressources de l'agriculture, tant au Pays de Vaud qu'en Franche-Comté; le travail de la vigne est bien attesté sur La Côte, dès la fin du Xe siècle, tandis que l'élevage ne joue qu'un rôle secondaire; là où ils sont bien implantés, les moines parviennent à prendre le contrôle des moulins; à Salins (France), ils exploitent eux-mêmes le sel nécessaire à leurs besoins. L'ensemble de ces observations s'appuie sur des tableaux et des annexes, qui ajoutent à la critique interne des sources une dimension quantitative. Afin de divulguer les résultats obtenus, A. Pahud envisage de publier prochainement sa thèse dans les Mémoires et documents de la Société d'histoire de la Suisse romande.
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Depth-dose curves in LiF detectors of different effective thicknesses, together with their responses, were calculated for typical nuclear medicine radiation fields with 99mTc, 18F and 90Y sources. Responses were analysed in function of the radionuclide, detector effective thickness and irradiation geometry. On the other hand the results of the nuclear medicine measurement campaign of the ORAMED project were presented focussing on the dose distribution across the hand and on the appropriate position to wear the dosimeter.According to the results, thin LiF detectors provide better responses in all cases. Its use is essential for 18F, since thick dosimeters can underestimate Hp(0.07) up to a 50% because of the very inhomogeneous dose deposition on the active layer. The preliminary results of the measurement campaign showed that the index tip of the non-dominant hand is usually the most exposed position among the 22 monitored positions. It was also found that, in average, wrist dosimeters are likely to underestimate the maximum skin dose by a factor of the order of 20. This factor is reduced to around 6 for a ring dosimeter worn on the base of the index of the non-dominant hand. Thus, for typical nuclear medicine procedures, the base of the index of the non-dominant hand is recommended as the best monitoring option.
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La pierre et l'image. Etude monographique de l'église de Saint-Chef en Dauphiné: L'ancienne abbatiale de Saint-Chef-en-Dauphiné est située dans l'Isère, à 10 km de Bourgoin-Jallieu et à 2 km de l'ancienne voie romaine qui joignait Vienne à Aoste par le col du Petit-Saint-Bernard. L'abbaye dépendait, dès sa fondation, des archevêques de Vienne, dont la cité se trouvait à 70 km plus à l'ouest. Selon le récit de l'archevêque Adon de Vienne, écrit à la fin du IXe siècle, l'abbaye de Saint-Chef aurait été fondée au cours du VIe siècle par saint Theudère sur un territoire appartenant à sa famille, le Val Rupien. D'abord dédié à la Vierge le monastère est placé, dès l'époque carolingienne, sous le double patronage de la Vierge et du saint fondateur, dont les reliques furent déposées dans l'église. Sans doute détruite et abandonnée lors des guerres bosonides qui provoquèrent la ruine de Vienne (882), l'abbaye est restaurée quelques années plus tard par des moines venus de Champagne : en 887 les moines de Montier-en-Der, fuyant leur abbaye menacée par les invasions normandes, trouvent refuge à Saint-Chef. Afin de promouvoir la reconstruction de l'abbaye, l'archevêque Barnoin, soutenu par Louis l'Aveugle, roi de Bourgogne, lui offrent des privilèges d'exemption et plusieurs donations. Signe de la renommée et de la prospérité dont bénéficiait alors le monastère, Hugues, héritier de Louis l'Aveugle, y reçoit son éducation. Vers 925 ou 926, alors que la Champagne est à. nouveau pacifiée, les moines de Montier-en-Der regagnent leur abbaye d'origine après avoir reconstruit, selon les sources, le « petit monastère de Saint-Chef ». L'abbaye dauphinoise n'est pas pour autant abandonnée et reste vraisemblablement en contact avec les moines champenois : en 928, Hugues de Provence fait des donations importantes d l'abbaye qui est alors formellement placée sous la juridiction de l'Eglise de Vienne. En 962, le Viennois est intégré au royaume de Bourgogne puis, en 1032, au domaine impérial. Construction de l'abbaye : Après le départ des moines de Montier-en-Der, l'église dauphinoise a vraisemblablement été reconstruite par saint Thibaud, archevêque de Vienne entre 970 et l'an mil. Ayant peut-être reçu son éducation dans l'abbaye dauphinoise, il est enterré dans l'église qui, selon certaines sources, associe dès lors son patronage à celui du saint fondateur. Elevée en petit appareil irrégulier, la nef actuelle de l'église de Saint-Chef pourrait appartenir à cette phase de construction de l'église. Fils du comte Hugues de Vienne qui possédait d'importants territoires autour de Saint-Chef, Thibaud était aussi lié aux comtes de Troyes et de Champagne : ce sont ces liens qui expliquent la présence répétée de l'archevêque en Champagne et dans la région de Montier-en-Der. Or, à la même époque, l'église champenoise est reconstruite par le célèbre Adson, abbé de 968 à 992. Des ressemblances entre cette construction et celle de Saint-Chef suggèrent la réalisation, au Xe siècle, de deux églises-soeurs. L'église préromane de Montier-en-Der possédait, à. l'ouest, un massif à double étage et l'est, des tours jumelles s'élevant au-dessus des deux chapelles latérales entourant l'abside. Ce plan présente plusieurs points de comparaison avec l'église actuelle de Saint-Chef : on constate en particulier une équivalence au niveau des dimensions (largeur-longueur des nefs et le diamètre de l'abside), un choix identique pour l'emplacement du choeur et des entrées secondaires : à l'extrémité ouest du bas-côté nord et à l'extrémité orientale du bas-côté sud. Ces analogies nous aident à. restituer le plan de Saint-Chef, tel qu'il pouvait apparaître du temps de Thibaud : la partie orientale de l'église, alors élevée en petit appareil irrégulier comme la nef actuelle, était sans doute dépourvue de transept ; à l'image de l'église champenoise, des tours jumelles pouvaient toutefois s'élever au-dessus des deux chapelles orientales. Si notre hypothèse est exacte, le parti architectural adopté à Saint-Chef comme à Montier¬en-Der correspond au plan des églises monastiques réformées au Xe siècle par les abbayes de Fleury et de Gorze (dès 934). Dans ce type d'églises que l'on rencontre essentiellement dans l'ancienne Lotharingie, mais aussi dans une région proche de Saint-Chef, en Savoie, les tours orientales possédaient, à l'étage, des tribunes qui donnaient sur le choeur. La forme caractéristique de ces églises est déterminée par l'observance de coutumes liturgiques communes aux abbayes réformées. Ainsi, la règle établie par la réforme indiquait la nécessité d'espaces surélevés situés à l'est et à l'ouest de l'église : ces espaces avaient pour fonction d'accueillir les choeurs des moines dont les chants alternaient avec ceux des moines réunis au niveau inférieur, devant le sanctuaire. Par la suite, sans doute en raison de nouvelles pratiques liturgiques, la partie orientale de l'église de Saint-Chef, reconstruite en moyen appareil régulier, est augmentée d'un transept à quatre chapelles latérales. Les deux tours, si elles existaient, sont détruites pour être reconstruites aux extrémités du transept, abritant des chapelles hautes qui donnaient sur les bras du transept et le choeur. La vision latérale entre les deux tribunes est alors favorisée par l'alignement des baies des tribunes et des arcades du transept. Grâce à ce système d'ouverture, les choeurs des moines se voyaient et s'entendaient parfaitement. Ce système de tribunes orientales apparaît dans certaines églises normandes du XIe siècle ou dans d'autres églises contemporaines qui semblent s'en inspirer, telles que la cathédrale du Puy ou l'abbatiale de Saint-Sever-sur-l'Adour. L'importance croissante des chants alternés dans les offices semble avoir favorisé l'émergence d'une telle architecture. L'étude du décor sculpté, et notamment des chapiteaux ornant les différentes parties de l'édifice, permet de dater les étapes de transformation de l'abbatiale. L'aménagement des chapelles orientales semble remonter à la première moitié du XIe siècle ; l'installation des piliers soutenant le transept et les deux tours de l'édifice est datable des années 1060-1080. Par la suite, sans doute du temps de Guillaume de la Tour-du-Pin, archevêque de Vienne entre 1165 et 1170, le transept et la croisée sont surélevés et voûtés et des fenêtres viennent ajourer le mur pignon oriental. Les indices de datation tardives, rassemblés au niveau supérieur du transept, ont été utilisés par les spécialistes de l'architecture, tels Raymond Oursel et Guy Barruol, pour dater l'ensemble de l'église du XIIe siècle. Pourtant, dans d'autres études, Otto Demus, Paul Deschamp et Marcel Thiboud dataient les peintures de Saint-Chef de la seconde moitié du XIe siècle, soit un demi-siècle au moins avant la datation proposée pour l'élévation architecturale. Cette contradiction apparente se trouve désormais résolue par la mise en évidence de phases distinctes de construction et de transformations de l'édifice. Les peintures : Le décor peint de l'abbatiale est conservé dans trois chapelles du transept : dans la chapelle Saint-Theudère, à l'extrémité sud du transept, dans la chapelle Saint-Clément, à son autre extrémité, et dans la chapelle haute s'élevant au-dessus de celle-ci. Selon une dédicace peinte derrière l'autel, cette chapelle est dédiée au Christ, aux archanges et à saint Georges martyr. L'analyse stylistique permet de dater les peintures du troisième ou du dernier quart du XIe siècle : leur réalisation semble donc succéder immédiatement à l'élévation du transept et des deux tours que l'on situe, on l'a vu, dans les années 1060-1080. Au cours de cette étude, on a aussi relevé la parenté des peintures avec des oeuvres normandes et espagnoles : ces ressemblances s'affirment par certaines caractéristiques de style, mais aussi par le traitement de l'espace. Par exemple, l'alignement des anges sur la voûte, ou des élus sur le mur ouest de la chapelle haute de Saint-Chef, rappellent certains Beatus du XIe siècle, tels que celui de Saint-Sever antérieur à 1072. Dans la chapelle haute, la hiérarchie céleste est distribuée par catégories autour du Christ, représenté au centre de la voûte ; cette disposition se retrouve à Saint-Michel d'Aiguilhe au Xe siècle, ainsi que dans le premier quart du XIIe siècle à Maderuelo en Catalogne et à Fenouilla en Roussillon. D'autres rapprochements avec des oeuvres ottoniennes et carolingiennes ont aussi été observés, ainsi qu'avec certaines enluminures d'Ingelard, moine à Saint-Germain des Prés entre 1030 et 1060. L'iconographie: Le sens de l'image avait donné lieu à quelques études ponctuelles. Cette thèse a permis, d'une part, la mise en évidence d'un unique programme iconographique auquel participent les peintures des trois chapelles de l'abbatiale et, d'autre part, la découverte des liens entre le choix iconographique de Saint-Chef et certaines sources littéraires. Ces rapports ont par exemple été relevés pour la figure de l'ange conduisant saint Jean à la Jérusalem céleste, sur le voûtain ouest de la chapelle haute. La figure très soignée de l'ange, portant les mêmes vêtements que le Christ peint au centre de la voûte, présente sur son auréole quelques traces sombres qui devaient à l'origine dessiner une croix : ce détail fait de l'ange une figure du Christ, figure qui apparaît dans certaines exégèses apocalyptiques telles que le Commentaire d'Ambroise Autpert au Ville siècle, celui d'Haymon d'Auxerre au IXe siècle ou, au début du XIIe siècle, de Rupert de Deutz. Pour Ambroise Autpert, l'ange guidant saint Jean est une image du Christ amenant l'Eglise terrestre à la Jérusalem céleste, à laquelle elle sera unie à la fin des temps. Les deux figures symboliquement unies par le geste du Christ empoignant la main de saint Jean est une image du corps mystique de Jésus, le corps étant l'Eglise et la tête, le Christ qui enseigne aux fidèles. L'iconographie des peintures de la chapelle haute est centrée autour de l'oeuvre de Rédemption et des moyens pour gagner le salut, la Jérusalem céleste étant le lieu de destination pour les élus. Au centre de la voûte, le Christ présente ses deux bras écartés, en signe d'accueil. Sur le livre ouvert qu'il tient entre les genoux, les mots pax vobis - ego sum renvoient aux paroles prononcées lors de son apparition aux disciples, après sa Résurrection et au terme de son oeuvre de Rédemption. A ses pieds, sur le voûtain oriental, la Vierge en orante, première médiatrice auprès de son Fils, intercède en faveur des humains. Grâce au sacrifice du Christ et à travers la médiation de la Vierge, les hommes peuvent accéder à la Jérusalem céleste : les élus sont ici représentés sur le dernier registre du mur ouest, directement sous la Jérusalem ; un cadre plus sombre y indique symboliquement l'accès à la cité céleste. A l'autre extrémité du voûtain, Adam et Eve sont figurés deux fois autour de l'arbre de la connaissance : chassés du paradis, ils s'éloignent de la cité ; mais une fois accomplie l'oeuvre de Rédemption, ils peuvent à nouveau s'acheminer vers elle. Les peintures de la chapelle inférieure participent elles aussi au projet iconographique de la Rédemption. Sur la voûte de la chapelle, les quatre fleuves paradisiaques entouraient à l'origine une colombe. Selon l'exégèse médiévale, ces fleuves représentent les quatre temps de l'histoire, les vertus ou les quatre évangiles, diffusés aux quatre coins de la terre. Selon une tradition littéraire et iconographique d'origine paléochrétienne, ce sont aussi les eaux paradisiaques qui viennent alimenter les fonts baptismaux : l'association de la colombe, figure du Saint-Esprit et des fleuves du paradis suggère la présence, au centre de la chapelle, des fonts baptismaux. L'image de la colombe se trouve, on l'a vu, dans le prolongement vertical du Christ ressuscité, représenté au centre de la voûte supérieure. Or, selon une tradition qui remonte à Philon et Ambroise de Milan, la source des quatre fleuves, de la Parole divine diffusée par les quatre Evangiles, c'est le Christ. Dans son traité sur le Saint-Esprit, l'évêque de Milan place à la source de l'Esprit saint l'enseignement du Verbe fait homme. Il ajoute que lorsqu'il s'était fait homme, le Saint-Esprit planait au-dessus de lui ; mais depuis la transfiguration de son humanité et sa Résurrection, le Fils de Dieu se tient au-dessus des hommes, à la source du Saint-Esprit : c'est la même logique verticale qui est traduite dans les peintures de Saint-Chef, le Christ ressuscité étant situé au-dessus du Saint-Esprit et des eaux paradisiaques, dans la chapelle haute. Si les grâces divines se diffusent de la source christique aux hommes selon un mouvement descendant, l'image suggère aussi la remontée vers Dieu : en plongeant dans les eaux du baptême, le fidèle initie un parcours qui le ramènera à la source, auprès du Christ. Or, cet ascension ne peut se faire qu'à travers la médiation de l'Eglise : dans la chapelle Saint-Clément, autour de la fenêtre nord, saint Pierre et Paul, princes de l'Eglise, reçoivent la Loi du Christ. Dans la chapelle supérieure, ici aussi autour de la fenêtre septentrionale, deux personnifications déversaient les eaux, sans doute contenues dans un vase, au-dessus d'un prêtre et d'un évêque peints dans les embrasures de la fenêtre : c'est ce dont témoigne une aquarelle du XIXe siècle. Ainsi baignés par l'eau vive de la doctrine, des vertus et des grâces issue de la source divine, les représentants de l'Eglise peuvent eux aussi devenir sources d'enseignement pour les hommes. Ils apparaissent, en tant que transmetteurs de la Parole divine, comme les médiateurs indispensables entre les fidèles et le Christ. C'est par les sacrements et par leur enseignement que les âmes peuvent remonter vers la source divine et jouir de la béatitude. Si l'espace nord est connoté de manière très positive puisqu'il est le lieu de la représentation théophanique et de la Rédemption, les peintures de la chapelle sud renvoient à un sens plus négatif. Sur l'intrados d'arc, des monstres marins sont répartis autour d'un masque barbu aux yeux écarquillés, dont les dents serrées laissent échapper des serpents : ce motif d'origine antique pourrait représenter la source des eaux infernales, dont le « verrou » sera rompu lors du Jugement dernier, à la fin des temps. La peinture située dans la conque absidale est d'ailleurs une allusion au Jugement. On y voit le Christ entouré de deux personnifications en attitude d'intercession, dont Misericordia : elle est, avec Pax, Justifia et Veritas, une des quatre vertus présentes lors du Jugement dernier. Sur le fond de l'absidiole apparaissent des couronnes : elles seront distribuées aux justes en signe de récompense et de vie éternelle. L'allusion au Jugement et à l'enfer est la vision qui s'offre au moine lorsqu'il gagnait l'église en franchissant la porte sud du transept. S'avançant vers le choeur où il rejoignait les stalles, le moine pouvait presque aussitôt, grâce au système ingénieux d'ouvertures que nous avons mentionné plus haut, contempler les peintures situées sur le plafond de la chapelle haute, soit le Christ en attitude d'accueil, les anges et peut-être la Jérusalem céleste ; de là jaillissaient les chants des moines. De façon symbolique, ils se rapprochaient ainsi de leurs modèles, les anges. Dans ce parcours symbolique qui le conduisait de la mer maléfique, représentée dans la chapelle Saint¬Theudère, à Dieu et aux anges, les moines pouvaient compter sur les prières des intercesseurs, de la Vierge, des anges et des saints, tous représentés dans la chapelle haute. A Saint-Chef, l'espace nord peut-être assimilé, pour plusieurs aspects, aux Westwerke carolingiens ou aux galilées clunisiennes. Les massifs occidentaux étaient en effet le lieu de commémoration de l'histoire du salut : sites Westwerke étaient surtout le lieu de la liturgie pascale et abritaient les fonts baptismaux, les galilées clunisiennes étaient réservées à la liturgie des morts, les moines cherchant, par leurs prières, à gagner le salut des défunts. A l'entrée des galilées comme à Saint-Chef, l'image du Christ annonçait le face à face auquel les élus auront droit, à la fin des temps. Elevée au Xe siècle et vraisemblablement transformée dans les années 1060-1080, l'église de Saint-Chef reflète, par son évolution architecturale, celle des pratiques liturgiques ; son programme iconographique, qui unit trois espaces distincts de l'église, traduit d'une manière parfois originale les préoccupations et les aspirations d'une communauté monastique du XIe siècle. On soulignera toutefois que notre compréhension des peintures est limitée par la perte du décor qui, sans doute, ornait l'abside et d'autres parties de l'église ; la disparition de la crypte du choeur nuit aussi à l'appréhension de l'organisation liturgique sur cette partie de l'édifice. Seules des fouilles archéologiques ou la découverte de nouvelles peintures pourront peut-être, à l'avenir, enrichir l'état de nos connaissances.