96 resultados para récits
Resumo:
Dans un monde toujours plus globalisé depuis le milieu du XXcmc siècle, le couple linguistiquement mixte est une constellation conjugale de plus en plus fréquente en Suisse comme ailleurs. Le choix du lieu de la vie commune implique souvent la migration de l'un des partenaires vers le pays de l'autre, et donc parfois vers une nouvelle langue - en l'occurrence ici le français - qu'il s'agit de s'approprier. Cette thèse se penche donc sur les liens entre ce contexte a priori positif que représente le couple, et l'appropriation langagière du/de la partenaire alloglotte. De par sa base affective, mais surtout de par le fait que la personne migrante peut compter sur quelqu'un qui est prêt et disposé à l'aider, notamment parce que la migration a été décidée dans le cadre d'un projet commun, le couple favorise la socialisation et donc le contact de la personne nouvellement arrivée avec différentes (variétés de) langues qu'elle s'approprie progressivement : contrairement à beaucoup de migrant-e-s venu-e-s seul-e-s dans un nouveau pays, le/la partenaire alloglotte de ces couples se voit souvent pourvu-e d'une famille (belle-famille et enfants), d'un réseau social (ami-e-s du partenaire francophone), et d'une médiation culturelle et linguistique utile pour accéder notamment au marché de l'emploi, mais également pour comprendre les différents enjeux sociaux dans lesquels elle se voit plongée. Cette médiation affective, linguistique et socio-culturelle proposée par le couple lui permet d'identifier plus aisément des solutions utiles pour dépasser certaines barrières sociales, économiques, administratives, linguistiques et/ou culturelles. Pour autant, le/la partenaire alloglotte du couple linguistiquement mixte est avant tout un acteur social à part entière, qui vit aussi hors du couple et s'aménage - sans doute plus vite, plus facilement et plus naturellement que d'autres migrant-e-s - ses propres modalités de socialisation, en fonction de son vécu et de ses projections pour le futur. Dans une perspective fondamentalement socioconstructiviste du développement humain, l'appropriation langagière est donc ici considérée comme la construction par la personne d'une capacité à agir dans l'espace social et dans la langue. Si l'appropriation a lieu dans et par l'interaction, il s'agit d'investiguer à la fois certains des enjeux de pouvoir dans lesquels s'inscrit cette interaction, et le sens que la personne donne à ces enjeux en fonction de sa subjectivité propre. Le cadre épistémologique de ce travail convoque ainsi des outils issus de la sociologie bourdieusienne et foucaldienne, de la sociolinguistique critique, de la psychologie sociale et de la psycho-sociolinguistique afin d'explorer certaines des limites sociales et psycho-affectives qui influencent les modalités de l'appropriation langagière de la personne alloglotte. La méthode adoptée pour explorer ces deux types de limites s'inscrit dans la tradition de la recherche sur les récits de vie, tout en s'en distanciant sur deux points. D'une part, si le récit de vie considère la personne qui se raconte comme narratrice de sa propre vie, l'autobiographie langagière réflexive met l'accent sur une démarche potentiellement formatrice lui permettant de « penser » sa trajectoire de vie en lien avec son appropriation langagière. D'autre part, les analyses menées sur ces textes écrits et oraux sont tout à la fois thématiques et discursives, puisque la manière dont les événements sont racontés permet de retracer les enjeux souvent ambivalents, parfois contradictoires, qui influencent le sens que la personne donne à son parcours avec le français et la construction de son sentiment de légitimité ou d'illégitimité à vivre en Suisse et en français. En dernière instance, cette thèse défétichise le couple, considéré comme la rencontre de deux subjectivités autour d'un projet de « vivre ensemble », plus que comme un lien romantique et amoureux. Elle défétichise la langue, comprise comme un répertoire langagier forcément plurilingue et hétéroglossique. Elle défétichise l'appropriation langagière, qui apparaît comme un effet collatéral et contextuel de la vie en couple et en société. Elle défétichise enfin le récit de soi, en le poussant vers la réflexion d'un soi ancré dans le social. Si les partenaires des huit couples interrogés ont une voix forte dans l'entier de ce texte, c'est qu'ils et elles existent comme personnes, indépendamment du couple, de la langue, de l'appropriation langagière et de la démarche autobiographique réflexive qui les font se rejoindre dans le contexte particulier de cette recherche mais qui ne constituent que certains de leurs positionnements identitaires et sociaux.
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L'intrigue est une notion polysémique qui a été récemment revisitée par les théories du récit, que certains définissent comme « postclassiques », pour souligner leurs différences par rapport aux paradigmes formalistes. Dans ce nouveau cadre d'analyse, l'intrigue n'est plus seulement conçue comme représentant la logique de l'histoire racontée, mais comme une stratégie discursive visant à engendrer un effet de tension chez le lecteur. A ce titre, l'étude de l'intrigue devient la voie royale pour explorer les liens passionnels qui se nouent entre les récits et leurs lecteurs. L'oeuvre de Ramuz Derborence sert d'illustration à ce que pourrait être un enseignement de la littérature centré sur l'intrigue dans sa définition la plus dynamique et dans son extension la plus large.
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À ses origines, la théorie du récit, notamment la narratologie d'inspiration formaliste et structuraliste, s'est développée dans le creuset des études littéraires. De ce fait, le point focal de cette discipline a longtemps été constitué par le récit verbal, généralement sous la forme d'un texte écrit et planifié par un auteur, laissant de côté les formes narratives émergentes, participatives ou interactives. On observe cependant, depuis une vingtaine d'année, une accélération dans le processus d'élargissement des objets d'étude de la narratologie, accompagnée par une mutation épistémologique. Retraçant cette évolution, Jan Christoph Meister observe ainsi un changement d'orientation faisant passer la théorie du récit de l'étude de phénomènes textuels à l'analyse « des fonctions cognitives de récits oraux et non littéraires, ouvrant ainsi un nouveau chapitre dans le projet narratologique » (2009 : 340). Si l'intrigue peut être décrite - en adoptant un point de vue fonctionnaliste et cognitiviste - comme une matrice de possibilités ontologiquement instable, comme un dispositif dont la fonction première est d'ouvrir des virtualités narratives et d'engendrer de la curiosité ou du suspense (Baroni 2007 ; 2009), alors il n'y a pas de raison de la considérer comme un obstacle à l'analyse de récits émergents et participatifs, voire de simulations ou de pratiques ludiques hautement interactives.
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La littérature sur les transitions, en particulier entre l'école obligatoire et l'école professionnelle ou l'école et la vie professionnelle, attire l'attention sur le fait que les parcours personnels sont aujourd'hui moins linéaires. Les transitions professionnelles sont alors décrites comme des moments de difficultés, de ruptures, de vulnérabilité pour les jeunes (Pagnossin & Armi, 2011 ; Rastoldo, Amos & Davaud, 2009). Dans notre domaine en psychologie « socioculturelle », si ces aspects ne sont pas négligés, l'accent est mis sur l'importance du travail de construction de sens par la personne : indépendamment des zigzags de sa vie, l'important est la mise en cohérence, les liens de sens qu'elle peut reconstruire entre les différentes sphères d'expériences qui constituent son identité. Et pour cela, les ressources sociales et institutionnelles (parents, enseignants, groupes de pairs, dispositifs de formation...) mais aussi matérielles et culturelles (chansons, poèmes, films, romans, récits, etc.) peuvent être très importantes (Masdonati & Zittoun, 2012 ; Zittoun, 2012). L'étude-intervention qui sera présentée dans ce document, réalisée auprès d'une classe d'apprentis de l'Ecole technique de Ste-Croix par un groupe d'étudiants en Master en psychologie (UniL), s'inscrit dans un mouvement plus large qui cherche à rendre compte du point de vue des acteurs (Muller Mirza & Perret-Clermont, 2015) liés à la question des transitions des jeunes : il s'agira ici de celui des apprentis eux-mêmes, de manière à explorer ce qu'ils vivent en termes de difficultés, de ressources utilisées et d'apprentissages réalisés, ainsi que celui des personnes qui les accompagnent dans ces processus, les enseignants. Cette étude visait non seulement à recueillir des informations auprès de ces personnes mais également à réaliser un travail de type réflexif, par la mise en place d'activités en classe destinées aux apprentis, basées sur le « récit de vie » comme outil psychologique.
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Le récit de 1 S 3 raconte comment une nuit Yhwh essaya à plusieurs reprises de se révéler au jeune Samuel, alors serviteur au sanctuaire de Silo. Instruit par son maître Éli, le garçon put finalement répondre à Yhwh. Il devint alors récepteur d'un message divin. Yhwh annonce un événement effrayant qui va « faire tinter les oreilles de quiconque en entendra parler ». Au matin, Samuel rapporte la parole divine à Éli, son maître. À la fin du récit le lecteur apprend que Yhwh continue de se évéler à Samuel. Voilà en résumé comment, selon le récit de 1 S 3, Samuel devint prophète. Ce chapitre est interprété par les chercheurs de manières très différentes. On peut néanmoins discerner deux tendances d'interprétation : a) 1 S 3 serait composé selon un certain genre littéraire : il s'agirait d'un « récit de vocation », voire d'un « récit de rêve d'incubation » ou encore d'un « récit de théophanie onirique ». b) Le récit 1 S 3 a des liens forts avec le récit de 1 S 1-2, récit d'ouverture des livres de Samuel qui rapporte comment Samuel a été dédié au sanctuaire de Silo par sa mère Anne et comment et dans quelles circonstances il a grandi au sanctuaire. Étant donné ces liens, certains chercheurs estiment que les deux récits, à un moment donné, ont été réunis en une seule narration portant sur la naissance de Samuel et sa jeunesse au sanctuaire de Silo. Cette narration de 1 S 1-3 aurait été à l'origine indépendante des récits suivants (1 S 4-6) qui forment une entité autonome en commun avec 2 S 6, le soi-disant « récit de l'arche ». Le présent article présentera et discutera ces propositions en dialogue avec des idées d'autres chercheurs ainsi que des suggestions personnelles. J'aborderai donc la question du genre du récit, et celle de la relation avec les récits qui l'encadrent. Pour cette seconde question il sera important d'examiner de très près l'oracle de Yhwh se trouvant au coeur du récit (v. 11-14) et de poser la question de l'événement qu'il vise. À la fin de la contribution les questions concernant le milieu et l'âge du récit seront abordées.
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Résumé : Cet article propose une analyse du vécu de personnes électrosensibles et de la façon dont ils ont répondu aux douleurs chroniques. L'approche proposée vise à relater les stratégies de réponse à ces formes de morbidité en valorisant les récits des protagonistes ; plus particulièrement, l'accent est mis sur les dimensions cognitives, sensorielles, émotionnelles, relationnelles et existentielles engendrées par une symptomatologie qui ne correspond à aucune explication scientifique causale. Leurs récits mettent ainsi en perspective des trajectoires de vie avec les conditions sociales, médicales et somatiques dans lesquelles est menée leur quête de santé. Mettre l'accent sur les expériences quotidiennes qui fondent la représentation que les électrosensibles ont de leurs troubles permet de comprendre les raisons et les modalités des formes d'auto-éviction qu'ils pratiquent. La réalisation des modalités de l'auto-éviction sont alors interprétées comme l'aboutissement d'une trajectoire de vie, produit de choix intuitifs - et non stratégiques - basés sur des sensibilités singulières. Il en résulte un regard anthropologique invitant à interpréter l'expérience des douleurs chroniques au prisme des rapports sensibles que les individus entretiennent avec leur corps, les autres et l'environnement. Abstract: This paper analyses the lived experience of electrosensitive people and the way they reply to chronic pain. The approach aims to relate the way they reply to this kind of morbidity by highlighting their narratives; especially by emphasising the cognitive, the sensorial, the emotional, the relational and the existential dimensions produced by a symptomatology that is not scientifically explained. Their narratives put into perspective their life trajectories with the social, medical and somatic conditions that lead their health quest. Focusing on the ordinary, that shapes the representations the electrosensitive people have of their troubles, would allow us to understand the reasons and modalities of auto-eviction practices. Auto-eviction achievement is interpreted as a life trajectory fulfilment produced by intuitive choices - nonstrategic - based on singular sensitivities. As a result, it invites an anthropological interpretation of chronic pain experiences built on the sensitive relationships that individuals have with their body, the others and the environment.