1 resultado para Quesnel, Pasquier .

em Université Laval Mémoires et thèses électroniques


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Au cours des dernières décennies, la recherche scientifique, toutes disciplines confondues, sâest particulièrement intéressée aux phénomènes et questionnements identitaires, notamment en ce qui concerne les groupes et les mouvements minoritaires ou marginaux, mais également en ce qui concerne la question des identités nationales dont se délectent à leur tour politiciens et médias. Véritable reflet dâun des enjeux majeurs de nos sociétés contemporaines, cet intérêt des chercheurs pour les phénomènes identitaires a particulièrement porté sur lâétude des processus de construction et dâaffirmation des identités individuelles et collectives, câest-à-dire sur les modes et les modalités à partir desquels les identités se construisent, se structurent et sont affirmées dans un rapport comparatif, compétitif et dialogique entre le Soi et lâAutre. Si notre compréhension des phénomènes identitaires sâest considérablement précisée et nuancée depuis la publication dans les années 1950, voire antérieurement, des études fondamentales et fondatrices, il nâen demeure pas moins que le concept dâidentité, peu importe les multiples terminologies quâil peut prendre selon les disciplines, pose actuellement de nombreux problèmes et sâavère abondamment galvaudé par certaines recherches récentes qui en font usage sans nécessairement le définir, voire pire, le maîtriser, comme un champ dâétudes à la mode quâil convient dâinvestir afin dâalimenter un lectorat avide de ces questions et problèmes identitaires. Il est vrai que les travaux scientifiques sur les identités paraissent à un rythme soutenu, voire insoutenable tant cette production est abondante et diversifiée. Tour à tour, les identités ethniques, nationales, provinciales, régionales, politiques, culturelles, religieuses, de genre, des groupes ou mouvements minoritaires et marginaux, pour ne nommer que certains des principaux champs dâinvestigation, ont été interrogées. Loin de se limiter aux sociétés, aux individus et aux collectivités modernes, les identités du passé, toutes périodes confondues, ont également été revisitées à la lumière des outils dâinterprétation développés, entre autres, par la sociologie, par lâanthropologie culturelle et par la psychologie sociale. Bien évidemment, les spécialistes de lâAntiquité nâont pas échappé à cette tendance, partant à leur tour à la conquête de lâidentité (ou des identités) grecque(s), romaine(s), barbare(s), judéenne(s) et chrétienne(s). Leur intérêt sâest également porté sur les identités propres aux diverses catégories ou collectivités sociales, politiques, juridiques, religieuses et professionnelles. Toutefois, aborder la question des identités dans lâAntiquité oblige à délaisser les définitions et compréhensions modernes au profit dâun tout autre mode raisonnement identitaire et dâappartenance propre aux sociétés et collectivités anciennes en prenant en considération les dimensions « â emic » et « â etic » que requiert lâutilisation de cette notion afin dâen avoir recours comme une catégorie dâanalyse adéquate pour cette période particulière, une approche double et complémentaire trop souvent négligée par une majorité de recherches dont les résultats aboutissent inévitablement à une compréhension anachronique et « distorsionnée » des réalités anciennes, ce qui est dâautant plus le cas en histoire des religions et des communautés socioreligieuses de lâAntiquité en raison de nombreux présupposés idéologiques et théologiques qui dominent encore tout un pan de lâhistoriographie actuelle. Bien que le concept même dâidentité nâexiste pas dans lâAntiquité, le terme « identitas » renvoyant à une tout autre réalité, cela ne signifie pas pour autant que les Anciens nâavaient aucune conscience de leur(s) identité(s) et quâil est impossible pour nous modernes dâétudier les phénomènes et les discours identitaires antiques. Toutefois, cela impose dâaborder ces phénomènes avec une très grande prudence et beaucoup de nuances en évitant les généralisations hâtives et en circonscrivant bien les contextes dâénonciation dans lesquels ces identités se sont construites et ont été affirmées, car, déterminées par les appartenances, la définition de ces identités sâest constamment élaborée et réélaborée sur un rapport Soi / Autre, inclusion / exclusion et a reposé sur des stratégies discursives qui ont varié selon les époques, les lieux, les auteurs et les contextes dâénonciation. Lâenjeu principal est alors de comprendre les stratégies et les mécanismes mis en Åuvre par les auteurs anciens dans les processus discursifs de construction identitaire de leur groupe dâappartenance. Produit dâune rhétorique, lâétude des identités anciennes oblige donc de distinguer, ce qui est certes complexe, discours et réalités sociales, du moins cela oblige, encore une fois, à une extrême prudence et beaucoup de nuances afin de ne pas confondre discours et réalités. Si les discours ont effectivement pour effet dâériger des frontières identitaires fixes et imperméables entre les différents groupes et collectivités, lâétude de la réalité vécue par les acteurs sociaux montre que ces frontières étaient plutôt fluides et perméables. Pour étudier la question des identités dans lâAntiquité, plusieurs postes dâobservation peuvent êtres sollicités en sâintéressant, notamment, à la formation des identités, à lâidentité en auto-définition, à lâidentité dans le miroir de lâAutre, à lâimpact des interactions entre le Soi et lâAutre sur les définitions identitaires, aux frontières identitaires et à leurs transgresseurs, aux marqueurs identitaires, etc. Ces différentes approches, notamment lorsquâelles sont combinées les unes aux autres, contribuent à mettre en évidence la complexité des processus de construction des identités dans lâAntiquité dont on reconnaît désormais le caractère fluide, dynamique et discursif, malgré les idéologies de stabilité sur lesquelles elles se sont élaborées et polémiquées. Loin de susciter de vains débats, les études sur les identités dans lâAntiquité permettent dâaborder sous un angle novateur certains acquis de la recherche et de leur apporter de riches nuances. Cependant, interpréter les phénomènes identitaires anciens à partir de paradigmes, de terminologies et de catégories erronés ou anachroniques a également pour conséquence indéniable de parvenir à une relecture « distorsionnée », si ce nâest orientée, du passé, en lui imposant des catégories de définition et dâauto-définition identitaires qui nâexistaient pas dans lâAntiquité. Câest pourquoi il importe également, lorsquâon tente dâaborder ces phénomènes identitaires, de réfléchir sur les paradigmes, les terminologies et les catégories qui sont invoqués par en parler et ne pas hésiter à les remettre en question en refusant dâadhérer, de manière consciente ou inconsciente, à un quelconque modèle préétabli. Sâinscrivant dans ce courant réflexif majeur de lâhistoriographique actuelle sur lâétude des phénomènes de construction identitaire dans lâAntiquité, notre recherche sâintéresse plus particulièrement aux processus de construction de discours dâappartenance dans la littérature judéenne et chrétienne aux Ier et IIe siècles. Sans avoir cherché à circonscrire une définition unique et unilatérale des identités judéennes et chrétiennes de cette période â définition qui sâavère, selon nous, plus utopique que réaliste en raison de la pluralité des mouvements qui composent le « judaïsme » et le « christianisme » anciens et des auteurs qui ont tenté, par leurs discours, de définir et présenter ces identités â ou tenter dâétablir une liste de critères à respecter pour délimiter ce quâest lâidentité judéenne ou chrétienne â et, par conséquent, ceux qui peuvent ou non se réclamer dâêtre Judéens ou chrétiens â, la perspective que nous adoptons dans cette recherche est plutôt de réfléchir à la manière dont il convient dâaborder les identités anciennes et les processus de construction identitaire dans lâAntiquité. Notre réflexion se veut donc dâabord et avant tout une réflexion méthodologique, épistémologique, terminologique et historiographique des questions et phénomènes identitaires dans lâAntiquité, notamment en ce qui concerne les identités judéennes et chrétiennes des Ier et IIe siècles qui sont abordées à partir de divers postes dâobservation et dans une perspective socio-historique qui adopte une démarche « â emic » et « â etic ». Notre recherche est divisée en trois parties. La première sera consacrée aux discussions dâordre « â etic », câest-à-dire aux réflexions et aux remarques méthodologiques, épistémologiques, terminologiques et historiographies sur lâapproche des phénomènes identitaires et de lâidentité chrétienne dans lâAntiquité. Le chapitre I présentera des remarques historiographiques sur les travaux récents en histoire du « christianisme » ancien. Dans le chapitre II, nous discuterons des concepts modernes dâ« identité », de « race » et dâ« ethnie ». Le chapitre III présentera quelques réflexions épistémologiques et méthodologiques sur lâapplication des théories et concepts modernes aux réalités antiques dans lâapproche des phénomènes identitaires. Finalement, le chapitre IV reviendra sur les différents paradigmes interprétatifs qui ont été utilisés dans le débat moderne sur la question du Parting of the Ways. La deuxième partie sera consacrée à la présentation des cadres contextuels du « judaïsme » et du « christianisme » anciens. Le chapitre V dressera un portrait général de la pluralité qui caractérise le « judaïsme » ancien à la période romaine (Ier â IIe siècles) et des principaux marqueurs identitaires des communautés judéennes de cette époque. Dans le chapitre VI, il sera question de lâorigine et de lâexpansion du « judaïsme chrétien » dans lâEmpire romain (Ier â IIe siècles) de même que de la pluralité des courants chrétiens. La troisième partie abordera la dimension « â emic » de notre recherche en sâintéressant aux processus discursifs de construction de lâidentité chrétienne à partir de différents postes dâobservation. Le chapitre VII analysera la présentation que lâauteur des Actes des apôtres fait des conditions dâentrée et des premières règles de vie dans la communauté chrétienne. Le chapitre VIII sâintéressera aux enjeux liés à la perception et à la représentation du Soi et de lâAutre en tentant de comprendre comment le mouvement chrétien a tenté de sâauto-définir et comment il a été défini par lâAltérité. Finalement, le chapitre IX analysera la manière dont les auteurs chrétiens se sont approprié le terme « Î³Î­Î½Î¿Ï Â» et comment ils lâont redéfini sur la base de critères cultuels ou religieux afin de présenter lâoriginalité distinctive du mouvement chrétien.